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Chapron, le dernier des artistes

Parmi tous les carrossiers français on peut attribuer la palme de la flamboyance à Figoni, celle des innovations à Vanvooren. Par contre, celle de la persévérance est incontestablement à remettre à Henri Chapron. On vous propose de vous replonger dans son histoire.

Né avec l’automobile

Henri Chapron voit le jour en 1886. L’automobile en est à ses balbutiements mais quand il devient apprenti sellier à ses 13 ans, les voitures hippomobiles commencent à sentir l’arrivée des automobiles. À ses 14 ans, Henri Chapron monte sur son vélo et commence un Tour de France de compagnonnage. Il le continue longtemps et va jusqu’à Alger. C’est la première guerre mondiale qui l’arrête et qui va tout changer pour lui.

En 1919, il a trouvé son filon. Il s’installe à Neuilly-sur-Seine avec sa femme et rachète des Ford T (qui ont servi durant le conflit), vendues par les domaines. Il transforme ces autos en coupés-chauffeur ou en torpédo, revoit l’intérieur, tout ça dans le but de les rendre plus européennes.

Ford T par Chapron

Petit à petit, il en vient à carrosser d’autres autos. Ainsi des Peugeot, Renault ou Panhard & Levassor rejoignent les Ford avant que les Delage ou Hotchkiss ne marquent une certaine montée en gamme. Dès 1923 il déménage dans une halle Eiffel à Levallois-Perret. Les commandes affluent. Pour vous donner une idée, on est presque sur de la série puisque 3 autos sortent chaque jour de ses ateliers. Une équipe d'ouvriers façonne les carrosseries, des selliers embellissent les intérieurs et Henri Chapron supervise.

La crise de 1929 finit par arriver en France un an plus tard. Chapron n’a d’autre choix que de licencier la moitié de ses effectifs. Très vite, il rebondit. Les commandes arrivent pour de nombreuses Delage D8 tandis qu’à partir de 1935 c’est la Delahaye 135 qui occupe les ateliers, sous diverses formes, mais avec toujours un traitement raffiné, luxueux, et sans exubérance.

Delage D8 de 1932 par Chapron
Delahaye 135 M trois positions par Chapron

La guerre marque un gros coup d’arrêt. Les ateliers sont réquisitionnés et Henri Chapron se reconvertit à Nouan-le-Fuzelier dans la fabrication de poêles à charbon. Ses ouvriers sont menacés de partir en Allemagne pour le STO, Chapron décide donc de reprendre son activité automobile en se concentrant sur l’entretien des créations précédentes et la conversion au gazogène. Par contre la guerre va laisser une trace : Marcel Devarenne, styliste en chef est tué lors d’un bombardement.

Chapron se relance… sans innover

Quand les constructeurs qui fournissent les bases des automobiles de Chapron se relancent, c’est avec des modèles d’avant-guerre. Delage ou Delahaye sont donc carrossées avec des styles similaires, mais pas totalement identiques. Certains détails sont simplifiés, des pare-chocs aux malles, sans toucher à la philosophie des autos qui sortent de l’atelier de Levallois.

Delahaye 135 de 1947 par Chapron

Cependant ces mêmes constructeurs ferment les uns après les autres. Salmson est toujours présent et c’est Chapron qui propose le cabriolet 2300S. Une bonne partie des Delahaye 235, les dernières autos de luxe du constructeur sont également signées Chapron.

En parallèle Chapron se réoriente en partie, produisant quelques carrosseries pour des Simca, des Peugeot. C’est lui qui va donner quelques lettres de noblesse bienvenues à la Renault Frégate en proposant un coach et un cabriolet qui resteront confidentiels.

Renault Frégate par Chapron

Côté Citroën, la 15 Six présidentielle n’a rien à voir avec les précédentes créations du carrossier. Mais c’est une première collaboration qui en appelle d’autres !

Citroën 15 Six H Présidentielle

Chapron et les Citroën

La Citroën DS est présentée en 1955. Chapron flaire la bonne idée puisque c’est cette auto qui va désormais être le porte-étendard de la production automobile tricolore. Pourtant, elle n’a pas le standing qu’avaient les grandes marques qui servaient de base jusqu’à présent.

Chapron fabrique ainsi les Prestige, des DS plus luxueuses aux nombreuses options, fabriquées sur commande mais intégrées au catalogue “courant” de la marque aux chevrons.

Pour autant, on est plus dans la personnalisation que dans la création. Chapron se lance donc dans la fabrication de DS totalement différentes. Ça commence avec un cabriolet ; le Croisette, et un Coach ; le Paris. En 1959 apparaît le Coach “Le Caddy”.

Citroën DS La Croisette par Chapron

Mais c’est en 1960 que la collaboration va prendre un nouveau tournant. Chapron se voit confier la fabrication du cabriolet DS “officiel” dont les commandes sont prises par le réseau Citroën. Il reçoit alors des autos dont seul l’avant est assemblé.

Les “spéciales” continuent. Chapron propose les Coupé Concorde et Dandy en 1960 et le Cabriolet Palm Beach en 1962. En 1964 la berline Majesty est proposée avec un arrière 100% Chapron avant qu’elle ne soit remplacée par la Lorraine en 1969.

Citroën DS Concorde par Chapron

Cette année-là, le carrossier frappe fort en réalisant la DS Présidentielle… qui est un véritable mastodonte étudié par les chevrons avec ses 6,53m de long et 2,13m de large !

En 1971 le Cabriolet est retiré de la gamme Citroën mais Chapron en propose toujours sur la base de berlines “tronçonnées”. Il s’attaque également à la nouvelle SM. Ainsi il propose le cabriolet Mylord et la berline Opéra. Il réalise également une SM Présidentielle, découvrable, qui fera date.

Citroën SM Opera par Chapron
Citroën SM par Chapron

Néanmoins, depuis 1968, ce n’est plus tellement Henri Chapron qui est aux manettes mais sa femme. L’arrêt de la DS est un coup porté à l’affaire qui, en plus, travaille encore à l’ancienne sans s’être modernisé. Les coûts sont importants et les bases de travail de plus en plus réduites. Les Peugeot 604 et Citroën CX sont de bonnes bases mais la marge de manœuvre est plus réduite. Surtout, les constructeurs font appel à des carrossiers plus “industriels” comme Heuliez.

Henri Chapron décède en 1978. On ne trouve que deux autos marquantes après cela, deux concepts sans lendemain : une Volvo 343 à l’arrière “original” et une Matra Murena Targa. Les prototypes demandés par les constructeurs ne suffisent plus à maintenir l’affaire. En Octobre 1985, François Chapron dépose le bilan… plus de 20 ans après les concurrents historiques de Chapron.

Matra Murena par Chapron

 

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