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📬 Courrier des lecteurs - Alfonso De Portago, pilote et marquis: la vie brève et intense d’un «seigneur».

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Il est des hommes qui ont en eux ce charisme qui leur permet de devenir un mythe. Alfonso De Portago, marquis de Cabeza était assurément de cette famille là.

Né à Londres en 1928 d’une mère riche héritière américaine et d’un père Grand d’Espagne Fon De Portago passe une bonne partie de sa jeunesse dans la propriété familiale proche de Biarritz. Il partage son temps entre natation, pelote basque mais surtout, l’équitation. C’est le premier domaine dans lequel, tout comme Sir Stirling Moss, il obtient de bons résultats malgré un poids et une taille difficilement compatible avec le sport équestre de haut niveau.

C’est son voisin, Hermano Da Silva Ramos qui va l’amener au sport automobile en demandant à leur ami commun Edmund Gurner Nelson de le convaincre à s’intéresser à cette discipline ne nécessitant pas un mode de vie aussi strict que pour l’équitation.

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C’est modestement, mais dans une grande épreuve, qu’il devient le copilote de Luigi Chinetti pour la Carrera Panamericana 1953 sur une Ferrari 375MM. L’expérience est de courte durée puisqu’elle se solde par une disqualificaion de l’équipage après seulement 2 étapes.

Mais le ver est dans le fruit et De Portago n’a de cesse que de persèvérer dans cette voie et commence alors une courte mais intense carrière de coureur automobile sans rien sacrifier à sa vie d’aristocrate mondain, amateur de belles filles et de sensations fortes.

Toujours par l’intermédiaire de Da Silva Ramos, il fait la connaissance d’Harry Schell qui lui propose d’acheter des voitures de sport et de les engager en compétition. C’est ainsi qu’il se retrouve aux 1000 Kilomètres de Buenos Aires en sa compagnie. Les débuts sont timides puisque si la deuxième place finale obtenue avec sa Ferrari 250MM peut être considèrée comme une bonne performance, il est juste de préciser que De Portago n’aura parcouru que 2 ou 3 tours de circuit et que ce résultat est à mettre au crédit de Schell.

Fon s’est vite rendu compte qu’il manque d’expérience pour exploiter correctement sa voiture et que, particulièrement, il a besoin d’un bon professeur pour lui apprendre à passer correctement les vitesses de son auto, et ne pas perdre ainsi de nombreuses secondes à chaque tour.

Après quelques leçons prisent avec Schell, les deux hommes s’alignent aux 12hrs de Sebring. Sans succès cette fois ci, la course se soldant par un abandon.

Il n’a pas plus de succès aux 24hrs du Mans où il doit abandonner sur Maserati A6GCS.

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Il revient à La Carrera. Cette fois-ci, il pilote une 750Monza. Malheureusement, cette deuxième expérience mexicaine se solde par une nouvelle disqualification.

Souhaitant courir dans plusieurs catégories, et nullement gêné par des contraintes financières, De Portago achète une Maserati 2 litres et une Osca 1500cm3 en plus de ses Ferrari.

De courses en courses et d’accidents en sorties de piste, il acquiert une solide expérience lui apprenant à modèrer ses ardeurs et sa témérité.

Il termine ainsi 1er aux Bahamas, 2ème au GP du Venezuela avant d’attaquer l’année 1956 qui sera celle de ses meilleurs résultats et de sa plus grande victoire.

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Il débute très bien son année mais dans un tout autre domaine. Après avoir décidé sur un coup de tête de monter une équipe de bobsleigh pour représenter l’Espagne aux prochains jeux Olympiques, il termine au pied du podium en bob à deux à Cortina d’Ampezzo lieu des JO 1956.

Sa carrière de pilote prend aussi un nouveau tournant. Après avoir acheté une 857 Monza, il remporte le Grand Prix de Porto mais surtout, il intègre la Scuderia Ferrari au côté de pilotes aussi talentueux que respectés comme Fangio, Collins ou Castellotti sans parler des occasionnels Phill Hill ou Gendebien.

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Partagé entre son programme F1 et les Sports Cars, De Portago enchaîne les courses et les podiums jusqu’à son plus grand succès, le Tour de France Automobile.

 

L’épreuve a lieu en septembre et il est engagé sur une Ferrari 250GT. Il a pour principaux adversaires Moss et Mairesse sur la nouvelle 300SL Gullwing, Gendebien et Trintignant sur 250 Europa ou Behra sur 356 Carrera .

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Malgré quelques incidents, heureusement sans conséquence comme lors de l’épreuve des 500 mètres arrêtés où le moteur se coupe suite à une perte de clef de contact mal enclenchée, il remporte l’épreuve devant Stirling Moss et Gendebien.

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Les résultats de la fin d’année et du début 57 sont tout aussi encourageants puisqu’il gagne aux Coupes du Salon, à Nassau et termine sur le podium à Caracas, Bueno Aires et Cuba.

 

L’apprentissage difficile de la F1.

Seule ombre au tableau, la F1. De Portago se rend vite compte que la vie au sein de l’équipe Ferrari n’est pas de tout repos. Il a vite compris qu’Enzo Ferrari cherche à tirer le maximum de ses pilotes. En choississant les attributions de ses voitures, le commandatore provoque des tensions dans l’équipe. Ses résultats ne sont pas aussi bons qu’espèrés.

Les Lancia/Ferrari D50 sont de bonnes voitures, mais l’apprentissage est difficile. De plus, sa vie privée tumultueuse ne lui facilite pas la tâche.

Il abandonne lors de son premier Grand Prix à Reims puis enchaîne une belle deuxième place au Grand Prix de Grande Bretagne  à Silverstone, devant néanmoins partager les 6 points obtenus avec Collins qui a relayé l’espagnol après avoir eu quelques ennuis avec sa propre voiture.

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Son troisième Grand Prix se déroule au Nürburgring. La aussi, il doit partager le volant avec Collins. Ce-dernier sort de la piste alors qu’il luttait pour se rapprocher des hommes de tête.

La dernière course de la saison en Italie ne sera pas meilleure. Avec des pneus mal adaptés à l’exigeant anneau de Monza, De Portago abandonne, suspension endommagée.

Début 1957, son premier Grand Prix de l’année sera aussi son dernier. Après avoir prix le volant de la Ferrari de Gonzales au bout de 42 tours, il s’offre une belle remontée et termine la course en 5ème position.

En voitures de sport, il décroche sur une barquette 315S une décevante 7ème place à Sebring alors qu’à une heure de l’arrivée il était deuxième à la lutte avec la Maserati 450S de Fangio/Behra futurs vainqueurs de l’épreuve.

 

Le sport automobile peut être cruel !

Se presente alors l’épreuve phare en Italie, les Mille Miglia. La pression chez Ferrari est très forte. De Portago souhaiterait courir avec la 250GT qui lui a permis de gagner le Tour de France. Mais on lui impose de conduire une 335S  comme Collins et Von Trips.

Il choisit son ami de toujours Nelson pour lui servir de coéquipier durant cette épreuve difficile se déroulant sur 1597 kilomètres.

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Rapidement, Von Trips, Collins et Taruffi prennent le large. De Portago voit Gendebien sur une 250GT revenir sur lui après une étape Florence-Bologne parcourue sous la pluie. Il décide alors de faire l’impasse sur le changement de pneus prévu à Bologne malgré l’insistance de ses ingénieurs. 40 kilomètres plus loin , le pneu avant gauche éclate et la 335S quitte la route, fauche une borne et un poteau avant de s’immobiliser dans un caniveau. Le bilan est très lourd. De Portago et son copilote Nelson sont tués sur le coup tout comme neuf spectateurs massés au bord de la route.

Cet accident porte un coup fatal aux Mille Miglia qui ne repartiront que sous la forme historique que l’on connaît aujourd’hui.

Une enquête sera menée pour définir les responsabilités. Ferrari et Englebert son fournisseur de pneus seront montrés du doigt mais seront mis hors de cause une fois les résultats de l’enquête connus.

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Epilogue

Amoureux de la vie, Alfonso De Portago Cabeza De Vaca aura brûlé la chandelle par les deux bouts.Il aura traversé le monde de la compétition automobile telle une météorite. Enthousiaste, parfois trop, fier de ses origines aristocratiques il aura réussi en trois ans à devenir un mythe et à se construire une légende. Un des derniers exemples d’une race en voie d’extinction, celle des Seigneurs.

 

Écrit par Michel Claire

Sources photos : Revista Car, Ferrari Club Espana, Autobild, Formula Passion

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