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Tour d'horizon des tentatives de haut de gamme des constructeurs généralistes français

Il paraît que chez Stellantis on veut faire monter le lion en gamme. C’est pas la première fois qu’on entend ce refrain et il faut bien avouer que bien des patrons avant Carlos Tavares ont essayé. Pour autant… ça n’a pas vraiment pris. On revient sur les tentatives des constructeurs généralistes français à proposer des véhicules haut de gamme. Attention, succession d’échecs à venir !

Avant-guerre : pas le même tableau !

Avant la seconde guerre mondiale, le Haut de Gamme fait partie de la gamme. On met tout de suite de côté les Bugatti, Hispano-Suiza, Delage, Hotchkiss et consort. Leur fond de commerce, c’est le haut de gamme.

Mais parmi les constructeurs plus généralistes, il existe des autos très haut de gamme. Ainsi Renault ne s’invite dans la course des 6cv qu’en 1937 et propose encore des autos avec des 8 cylindres en ligne jusqu’en 1939 ! Peugeot, de son côté, s’est fait remarquer avec sa 601, même si aucune 602 ne suivra et si la mythique 802 ne restera qu’au stade du prototype.

Une Peugeot 601 :

Peugeot 601

Une Renault Reinastella :

Renault Reinastella

Pour Simca et Citroën, c’est différent. La marque à l’hirondelle produit alors des dérivés des Fiat les plus populaires, de la Topolino appelée Simca 5 à sa 11cv qui reste alors une auto relativement accessible. Citroën a basé une grosse partie de sa réussite sur la vente d’autos au plus grand nombre. En fait, ce sont ses 15cv et leurs moteurs 6 cylindres qui constituent son haut de gamme, là où commence celle de certains de ses concurrents !

Citroën : la maîtrise du grand écart

On va commencer par parler de Citroën car c’est peut-être la marque qui a le mieux réussi dans le segment du haut de gamme d’après-guerre… mais il va falloir relativiser.

Ainsi, au début des années 50 on trouve dans sa gamme la 2CV, très bas de gamme, et les Traction 11 et 15. Celle-ci est, comme avant le conflit, le haut de gamme du constructeur.

Citroën Traction 15

Quand arrive la DS, finie l’offre des 6 cylindres. Si la question est étudiée, aucune auto n’ira jusqu’à apparaître en concessions. Par contre, même avec son 4 cylindres, la reine de la route est tellement en avance technologiquement qu’elle va s’imposer comme le haut de gamme “généraliste” français, notamment dans ses versions cossues Pallas. En plus, c’est la seule auto tricolore de son époque à avoir encore la possibilité de se faire habiller par un grand carrossier, à savoir Chapron. 

Citroën DS

Elle cohabite dans la gamme avec la deuche ce qui crée un grand écart important entre le haut et le bas de gamme. Par la suite, les Ami puis Dyane et GS complèteront la gamme tandis que la DS ne cessera d’offrir des prestations plus élitistes. Sa remplaçante, la CX, reprendra le flambeau de fort belle façon avec, notamment, une version rallongée et des moteurs performants mais elle ne sera jamais proposée en 6 cylindres. Ce sera un vrai souci au moment où les constructeurs allemands seront vraiment menaçants et il faudra attendre la XM pour que la question ne soit réglée… même si cette dernière restait en retrait de nombreuses autos germaniques pour ce qui est du raffinement. On terminera ce tour d’horizon avec la C6, unanimement saluée mais qui restera un bide avec 23.384 autos en 7 ans !

Citroën CX
Citroën C6

Renault : entre échecs et fausses tentatives

Très haut de gamme avant-guerre, Renault va vite prendre goût aux autos populaires en voyant le succès de sa 4CV et de sa Dauphine. Une trajectoire logique pour une marque nationalisée, qui n’empêche pas le constructeur de tenter sa chance, souvent maladroitement.

Premier exemple : la Frégate. Grosse automobile des années 50, on lui reproche son comportement routier (qui coûtera la vie au président de Renault de l’époque) mais surtout sa sous-motorisation. On croît trouver la parade en allant directement piocher une voiture de l’autre côté de l’Atlantique : la Rambler. Née AMC, elle est proposée sur le marché français mais reste typiquement américaine et pas spécialement adaptée à notre marché automobile.

Renault Frégate

Les deux tentatives suivantes peuvent être qualifiées de “haut de gamme mais pas Renault”. Ainsi en 1965 c’est la R16 qui devient le vaisseau amiral. Seul souci, son hayon. La solution est encore mal vue, avec une connotation trop utilitaire ce qui pénalise les ventes malgré des prestations correctes, bien qu’en deçà de la DS. Du coup la Renault 16 perd vite son ambition de haut de gamme pour devenir une grande routière populaire.

Renault 16

Avec la R30, la régie possède une auto avec un 6 cylindres. Mais le fait que le PRV soit partagé avec Peugeot enferme Renault dans la solution à hayon, pour ne pas faire d’ombre à son partenaire. Le succès commercial ne sera pas au rendez-vous. La Renault 25 ne visera plus aussi haut, malgré des prestations en hausse, et sera bien mieux accueillie. Son remplacement par la Safrane sera un énième échec avec seulement 310.000 exemplaires en 6 ans.

Renault 30
Renault Safrane

Peugeot : construire une gamme, c’est pas facile

Pendant presque 20 ans, Peugeot a été un constructeur quasi mono-modèle. Certes, la 203 est restée au catalogue à l’arrivée de la 403 qui perdurera malgré l’arrivée de la 404 qui perdurera avec l’arrivée de la 504. En 1965, c’est vers le bas que Peugeot ouvre sa gamme avec la 204. Pour autant on a pas vraiment besoin de haut de gamme : les dérivés coupés et cabriolets des différentes autos se chargent de ce segment et la marque garde une image très bourgeoise, mais surtout traditionnelle, qui lui permet de se faire une place sur le marché à l’opposé des innovantes DS et de la clivante R16.

Peugeot 404

Pour autant le V6 rebat les cartes et Peugeot renoue avec sa gamme des 60X en introduisant la 604. Comme la R30, ce moteur sera son principal argument, hors version diesel. Pour autant, même avec une version rallongée, les prestations sont faibles par rapport aux allemandes. Le succès n’est pas au rendez-vous même si on tente longtemps de relancer les ventes qui terminent à un petit score de 153.252 voitures en dix ans !

Peugeot 604

Finalement la 605 prendra le relai mais en restant encore en retrait. Même la Safrane se vendra mieux : en 10 ans elle ne s’écoule qu’à 254.461 exemplaires. La 607 ne fera pas mieux et Peugeot sera l’avant-dernier constructeur français à déserter le segment.

Simca et Talbot : un cas à part

Il faut attendre une bonne opportunité pour que Simca ne se place sur le haut de gamme… et encore, il faut bien remettre la chose dans son contexte. Au début des années 50, les dérivés de la gamme Simca Sport sont le haut de gamme du constructeur. Elles sont certes basées sur des populaires mais reçoivent une carrosserie élégante chez Facel.

Quand la marque rachète Ford France, surtout pour le bel outil industriel de Poissy, il y a une toute nouvelle Vedette dans la corbeille. Simca va donc proposer une voiture motorisée par un V8, sur le marché français (et brésilien d’ailleurs), une chose unique mais pas forcément si haut de gamme que cela. En effet, la voiture n’offre pas une puissance énorme et un gabarit qui reste important mais européen. En fait, elle concurrence les Peugeot mais reste en retrait par rapport à la DS. Elle cesse d’être produite en 1961 après 105.060 exemplaires vendus en 7 ans.

Simca Vedette

Si les 160/180 et 2 litres, qui n’arrivent qu’en 1969, reprennent le flambeau du haut de gamme de chez Simca-Chrysler, elles restent surtout des concurrentes des R16 et autres 504 mais avec un succès commercial bien moindre : 275.000 exemplaires en 10 ans.

Il faut en fait attendre la reprise par PSA et le passage de Simca à Talbot pour revoir une auto haut de gamme, prévue pour cela, dans le catalogue de la marque. C’est la Tagora, qui mixe les solutions de la 505 et de la 604. Pour autant, la 604 va être tellement protégée que la Talbot Tagora sera un échec complet avec 20.133 exemplaires seulement entre 1980 et 1983. Une mise à mort clairement volontaire qui sera sans descendance, Talbot cessant d’exister au milieu des années 80.

Talbot Tagora

Conclusion : laissons ça aux autres

Après tant d'échecs, on comprend la stratégie actuelle des constructeurs français qui se désintéressent du segment du haut de gamme. Même DS n'a que l'ambition mais pas les produits pour concurrencer les constructeurs allemands, devenus des références du secteur. Pire : les constructeurs délaissent les berline, symbole fort du haut de gamme pour les SUV qui viennent progressivement envahir le segment. Mais à moins d'un retournement de situation qu'on a du mal à voir venir, les constructeurs généralistes français ne devraient plus concurrencer personne dans le haut de gamme.

Au passage, même si elles n'ont pas marché, chez Mecanicus on aime TOUTES les autos. Vous avez l'une des voitures citées à vendre ? Estimez là en quelques clics, c'est par ici.

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