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La Jaguar XJS HE TWR Groupe A, la classe anglaise se frotte au tourisme

Si vous aimez les courses historiques, vous savez sûrement que ce week-end se déroulent les Dix Mille Tours du Castellet. Le plateau Héritage Touring Cup rassemble les autos qui ont fait la gloire du Championnat d'Europe de Tourisme. On y retrouve des BMW 3.0 CSL, des Escort, des Capri, des Mustang mais aussi une massive anglaise dont on vous parle aujourd'hui : la Jaguar XJS HE TWR.

Le mariage entre TWR et Jaguar

TWR qu'est ce que c'est ?

Là, on reprend les bases. TWR signifie Tom Walkishaw Racing. C'est une structure montée par le pilote du même nom qui se lance dans la préparation et l'engagement de voitures de course à la fin des années 70. Après avoir notamment engagé des Mazda RX7 et des Rover SD1 en Groupe 2, voilà qu'arrive le Groupe A, nouvelle catégorie plus permissive qui va régner sur les courses de tourisme. Il doit entrer en vigueur au début de la saison 1982 et Walkinshaw se met à la recherche d'une auto à engager en ETCC, l'European Touring Car Championship.

Début 80, Jaguar et la compétition, cela n'est plus ce que c'était!

L'ère des glorieuses Type C, Type D et autres Jaguar Type E Lightweight est bien loin... Le dernier engagement de la marque en compétition remonte au milieu des années 70 avec les impressionnantes XJC Broadspeed. Mais ces dernières n'ont pas laissé que des bons souvenirs.

Et puis l'image de Jaguar n'est plus très bonne. La marque fait partie du (désastreux) conglomérat British Leyland tellement tentaculaire qu'on s'y perd. John Eghan à la tête de la marque au félin veut la faire revenir dans le game, ça passera par la compétition.

1982 : apparition remarquée de la Jaguar XJS HE TWR... pas si officielle

La volonté ne fait pas tout. John Eghan est bien conscient que Jaguar n'a pas un sou en poche. Du coup le projet que lui soumet TWR est tout benef' pour les deux parties :

  • TWR va préparer une Jaguar, avec (un) peu de soutien de l'usine, mais du coup aura les mains libres sur les modifications à apporter
  • Jaguar ne fait que du soutien technique et ne payera que des primes de résultats, et uniquement s'il s'agit de podiums !

TWR a un peu la pression, surtout au niveau financier. L'équipe va concevoir la voiture en moins de trois mois. C'est une sacrée perf. Premièrement, la caisse et le châssis : c'est une auto refusée aux tests qualité qui leur est cédée pour un prix défiant toute concurrence. Le poids mini est de 1400 kg, on enlève donc tout l'intérieur. Côté trains, on peut modifier le freinage et on installe les plus gros disques possibles, avec des étriers performants. On installe aussi des triangles supérieurs réglables.

Côté motorisation, on récupère deux blocs laissés à l'abandon chez Jaguar, heureusement en alu, et on remonte le tout. La prépa est limitée par le règlement. On va utiliser un moteur V12 pré-HE, plus facile à modifier, mais sans trop le dire pour limiter l'impact commercial. La modification du boitier de gestion d'injection va se révéler être un casse-tête mais on fera avec. Tout l'équipage mobile reste d'origine, même si on commande des pistons forgés chez Cosworth... qui prend son temps pour les fabriquer.

La voiture est prête, très semblable au modèle de série, principale revendication du Groupe A. Elles sont peintes en noir et siglées Motul, Jaguar n'est cité que sur le pare-soleil... mais on rappelle que ce sont des autos non-officielles.

La Jaguar XJS HE TWR en course

Le programme commence aux 4 Heures de Monza, fin Mars. Les pilotes sont Tom Walkinshaw et Chuck Nicholson, gentleman driver qui participe au financement de l'aventure.

Dès sa première sortie, la voiture se place sur la seconde place sur la grille. Les 390 ch sortis du moteur en font la voiture la plus puissante du plateau... c'est compensé par l'agilité des autres autos. Malgré un abandon, la voiture a été en tête un moment. Chez TWR on prend ça comme une séance d'essai grandeur nature et on démonte une partie de la voiture. Quelques modifications sont apportées au carter d'huile pour limiter les déjaugeages et à la bobine pour éviter qu'elle ne chauffe trop.

Dès la seconde course à Vallelunga, la voiture signe la pôle et une belle troisième place. Jaguar doit payer !
 

En revanche, à Donnington, devant le board de Jaguar, puis au Mugello, la Jaguar XJS HE TWR va abandonner. Le premier succès arrive cependant à Brno, en Tchécoslovaquie, à la course suivante. Une première victoire encourageante, qui plus est sur un circuit plutôt sinueux. En Autriche, la voiture prend la seconde place mais surtout, elle s'impose au Nürburgring au nez à la barbe des BMW.

À partir des 24h de Spa on engage deux Jaguar XJS HE TWR. La course belge se solde par un double abandon mais dès Silverstone, puis à Zolder, les autos signent le doublé !

Walkinshaw est finalement 3e au classement pilote et Jaguar 2e des constructeurs ! Et c'est très important pour la suite.

1983 : l'aventure devient officielle

Devant ces succès, Jaguar s'implique plus. Les Jaguar XJS HE TWR sont les représentantes officielles de la marque en ETCC, même si TWR est toujours aux commandes, y compris pour le choix des sponsors.

La livrée change, maintenant blanche avec du British Racing Green. On en profite également pour modifier les autos. Le créateur du système de gestion de l'injection, Bill Gibson, est contacté et va proposer un module sur mesure. Onéreux, il dope cependant le moteur. On installe aussi un système de refroidissement des freins par projection d'eau pour palier à un souci fréquent en 1982. La modification la plus importante concerne le radiateur du différentiel arrière. Il est déplacé et ses fixations forment un appendice aéro intéressant... mais réglementairement on argue que c'est juste une fixation !

La nouvelle mouture de la Jaguar XJS HE TWR pèse 1435 kg mais la puissance atteint 480 ch ! Il faut bien ça pour lutter contre les toutes nouvelles BMW 635.

La Jaguar XJS HE TWR en course

La saison sera rythmée par les réclamations contre les fixations de radiateur... ou n'importe quel prétexte. La Jag' fait peur.

Dès Monza elle prend la seconde place. À Vallelunga c'est une troisième place. À chaque fois la seconde auto a cependant abandonné. À Donnington, et une nouvelle fois devant le board de Jaguar, Brundle, Fitzpatrick et Calderari - qui sont sur la deuxième auto - l'emportent.

Les Jaguar gagnent de nouveau au Mugello puis à Brno. Walkinshaw est alors en tête du classement pilote. Ils enfoncent le clou en Autriche où c'est un doublé qui les attend. Par contre on ne réédite pas l'exploit de 1982 au Nürburgring où les deux autos abandonnent. Heureusement on se remet vite chez TWR en remportant la course du Salzburgring.

Les 24h de Spa se soldent une nouvelle fois par un double abandon. Les Jaguar XJS HE TWR vont finir par perdre leur avance en se ratant à Silverstone et Zolder.

Jaguar-TWR est deuxième du championnat, tout comme Walkinshaw.

 

1984 : dernier coups de projecteurs sur les Jaguar XJS HE TWR

On commence par répéter sur les deux autos la technique déjà vue en 1983 sur une seule : on plonge la carrosserie dans un bain d'acide pour enlever 25% de sa masse ! Le bas moteur est source de bien d'autres modifications, entre le vilebrequin désormais terminé chez un spécialiste et une pompe à huile à deux étages. On change aussi l'arbre à cames, les freins qui passent en 14" et on abaisse l'auto de 20 mm. Une troisième auto est préparée et même une quatrième qui sera gardée en réserve. C'est la grande offensive.

En course, Walkinshaw fait désormais équipe avec l'allemand Hans Heyer. Les Jaguar XJS HE TWR font 1, 2 et 4 en qualifs à Monza mais une seule est à l'arrivée... gagnante ! Une seule auto termine à Vallelunga, troisième cette fois-ci.

Pour la première manche anglaise, c'est un triplé en qualifications à Donnington qui s'enchaîne sur la victoire de Percy et Nicholson.

À Pergusa en Sicile, c'est un triplé qui est récolté. Brundle-Calderari devancent  Walkinshaw-Heyer et Percy-Nicholson. À Brno, nouveau triplé, avec le patron sur la première marche du podium cette fois. La tournée autrichienne, Osterreichring - Salzburgring, deux nouveaux doublés !

Le Nürburgring ne sourit pas à l'équipe anglaise mais les 24h de Spa voient la victoire de Walkinshaw, Heyer et Percy. Une troisième place à Silverstone, les 2e et 3e à Zolder puis une petite 5e place au Mugello, qui n'empêche pas l'équipe de remporter les deux titres.

Les Jaguar XJS HE TWR vont (presque) être remisées, mais c'est pour la bonne cause. Les Jaguar-TWR vont maintenant s'attaquer à un plus gros poisson : les 24h du Mans !

Dernières apparitions australiennes

Les autos ne seront que presque remisées puisqu'on les retrouve à la fin 1984 à Macao où elles s'offrent une victoire qui n'a pour but que de rentrer de l'argent.

Ensuite direction Bathurst en Australie. La XJS s'y vend mal et l'importateur a besoin d'un coup de pub. Deux Jaguar XJS HE TWR s'y rendent et Walkinshaw va se montrer intraitable en signant une incroyable pôle sur ce circuit de spécialistes. Il terminera 3e mais les australiens Goss et Dickinson l'emportent sur leur auto. 

Epilogue

La Jaguar XJS HE TWR a eue une courte carrière, mais elle fut couronnée de succès sur les plus grands circuits européens. Surtout : elle a relancé l'intérêt pour le modèle, permettant même à Jaguar de légitimer la XJS-C, plus sportive.

En endurance, les Jaguar TWR seront championnes du monde 1987, 1988 et 1991 et s'offriront les 24h du Mans en 88 et 90. TWR continuera seul mais un châssis sera modifié et confié à l'équipe Joest-Porsche... qui remportera les 24h du Mans 1996 et 1997 !
La carrière de Tom Walkinshaw en sports mécaniques continuera à la tête d'Arrows en Formule 1 puis en... Australie dans la série des V8 Supercars. Il décédera en 2010 des suites d'un cancer.

Source principale : RetromotivBlog
Photos additionnelles : News d'Anciennes

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