Ces 24 heures du Mans 1949 ont une double importance dans l’histoire de la célèbre course mancelle. Tout d’abord, c’est la première édition après la 2e guerre mondiale, l’épreuve ayant été interrompue depuis la victoire de Bugatti et son Tank 57C en 1939 et c’est la première victoire de Ferrari qui débutait là une longue et fructueuse histoire d’amour avec l’épreuve se soldant par 9 victoires jusqu’en 1965 avant l’arrivée de l’ogre américain Ford et ses GT40. Retour en arrière sur le début de l’histoire.
Cela fait maintenant 10 ans que le circuit de la Sarthe n’a plus vu de voitures courir. La guerre est passée par là et à la sortie du conflit, la piste, suite aux bombardements, est à reconstruire totalement tout comme les infrastructures puisqu’il ne reste pas grand-chose des tribunes d’avant-guerre.
Les bonnes volontés ne manquent pas et c’est rapidement qu’un projet pour voir renaître l’épreuve, commence à circuler. Mais l’argent manque et les priorités du gouvernement ne vont pas forcément vers la reconstruction d’un circuit fut-il celui du Mans.
Le budget estimé par les membres de l’ACO pour restaurer la piste, tribunes et stands est loin d’être négligeable puisqu’il s’élève à plusieurs dizaines de millions de francs. Il faudra trois ans pour aboutir.
Bien aidé par Christian Pineau, ministre des travaux publics, député de la Sarthe, l’ACO réussit à boucler son projet et peut programmer le renouveau des 24 Heures Mans pour les 25/26 juin 1949.
C’est avec une grande impatience que les fans de compétition automobile et du Mans en particulier attendent cette 17e édition. Le circuit de 13,492 km est flambant neuf tout comme les installations totalement reconstruites. Si au niveau des spectateurs, les organisateurs savent qu’il ne devrait pas y avoir de difficultés à remplir les tribunes, niveau engagés, c’est un peu le flou. Quelques voitures et marques nouvelles devraient s’engager, mais ils comptent surtout sur celles présentes à la dernière édition de 1939 pour garnir le plateau. Ce sera avec soulagement que l’ACO voit les inscriptions affluer et ce n’est pas moins de 49 équipages qui s’alignent au départ.
Comme prévu, on retrouve des marques connues comme Delage, Delahaye ou Talbot qui font de suite figure de favorites,
Delahaye 135 S
Talbot Lago T26 Grand Sport Chambas
mais aussi, beaucoup de nouveautés avec des équipes privées engageant pour leur compte des voitures développées après-guerre.
C’est ainsi qu’Aston Martin aligne une DB1 et quelques DB2 qui préfigurent ce que sera la lignée des DB.
D’autres écuries anglaises ont également décidé de présenter leurs voitures comme HRG, Healey, Frazer Nash, MG, Singer, Riley, Alvis ou la Rolls-Bentley de Soltan Hay carrossée d’après un dessin de Paulin.
Mais le gros de la troupe est composé de voitures made in France, en particulier des Simca dont beaucoup sont retravaillées et préparées par des équipes privées telles celles d’Amédée Gordini ou Monopole, mais aussi des 4cv Renault, Panhard ou autres DB.
Parmi les françaises présentes, l’on découvre aussi une voiture particulière, la Delettrez. En effet, celle-ci, engagée par les frères Delettrez fonctionne avec un moteur diesel. Basée sur un châssis d’Unic, elle est motorisée par un 6 cylindres d’origine GMC que les deux frères ont passé de l’essence au diesel. Il s’agit donc là de la première participation d’une voiture à moteur diesel aux 24 Heures du Mans plus de 50 ans avant Audi.
On trouve également une voiture tchèque. L’Aero-Minor est, en effet, produite en Tchécoslovaquie. La aussi, c’est une première pour une voiture originaire de l’Europe de l’est.
Mais celle qui attire tous les regards est la Ferrari 166MM. Engagée à titre privé par Lord Selsdon, de son vrai nom Peter Mitchell Thomson, elle vient de gagner les Mille Miglia et peut jouer un rôle de trouble-fête d’autant plus que le 2e pilote n’est autre que Luigi Chinetti, déjà vainqueur en 1932 et 1934 sur Alfa Romeo. Une seconde 166MM pilotée par le duo Lucas/Heldé donne une deuxième chance à la Scuderia de bien figurer.
C’est sous un beau soleil et devant plus de 150 000 spectateurs que ce samedi 25 juin à 16hrs le départ est donné en présence du président de la République Vincent Auriol. Rapidement, ce sont les Delahaye qui se portent en tête devant la Talbot de Louis Rosier. Mais les Ferrari sont en embuscade même si la 166MM de Jean Lucas et PL Dreyfus, victime d’un accident, est contrainte à l’abandon dès la 6e heure.
La 2e Ferrari en piste prend alors le relais et va rester en tête de la course jusqu’au bout. Seule la Delage D6S de Jover/Louveau fera peser une menace sur la voiture italienne et terminera à un tour des vainqueurs.
L’équipage Chinetti/Selsdon s’impose après avoir parcouru un peu plus de 3178 km à 132,4km/h de moyenne. La Delage D6S termine à 1 tour, loin devant la Frazer Nash High Speed du duo Aldington/Culpan qui finit à 10 tours.
Les Aston-Martin ont encore des progrès à faire et la première d’entre elles finit 7e. Ce n’est que partie remise pour la marque anglaise qui reviendra briller les années suivantes sur le circuit de la Sarthe.
La victoire de la 166MM est d’abord due à Luigi Chinetti qui, sachant l’embrayage de sa voiture fragile, a conduit pendant plus de 22hrs, ne laissant à Lord Selsdon qu’un relai durant toute la course.
Même si Enzo Ferrari ne voulait pas s’engager officiellement dans ces 24 heures, il récolte le bénéfice d’une victoire qui contribuera grandement au développement de sa marque.
C’est aussi la première des 9 victoires de la Scuderia, la dernière étant obtenue en 1965 par la 275LM de Rindt/Gregory (Hugus ?).
À quand la prochaine ?
Lord Selsdon et Luigi Chinetti
Crédit photos : Motormania, Motor.f1, Pinterest, Classiccar catalogue, 24hrs Le Mans Blue print, Velocetoday, Simanaitis, MC
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