Quand au début des années 60, les Cobra commencent à semer la terreur sur tous les circuits américains, la concurrence cherche comment contrer celle qui domine sans partage. Qui mieux que Bill Thomas peut relever le défi ? Personne. C’est donc lui, le spécialiste de la Corvette survitaminée, qui va, avec l’appui de General Motors, se lancer dans l’aventure Cheetah.
Quand Bill Thomas se lance dans ce projet, l’objectif est clair : fabriquer et homologuer 100 exempl aires d’une nouvelle voiture capable de vaincre les Cobra. Fort de ses compétences de préparateur Corvette et grand connaisseur des moteurs « made in General Motors », il va puiser dans la banque de pièces de GM pour élaborer ce futur monstre de la piste.
C’est sur le V8 Chevrolet 327ci de 5358cm3 qu’il jette son dévolu. Alimenté par une injection maison, il est vite réalésé à plus de 6 litres ce qui lui permet de se prévaloir d’une puissance supérieure à 500cv.
Niveau châssis, Bill Thomas fait appel à Don Edmunds qui élabore une structure tubulaire dans laquelle viendra s’insérer le moteur.
Des énormes freins à tambours issus de la NASCAR sont chargés de ralentir la bête. Des imposantes jantes en magnésium placées aux quatre coins de la voiture donnent à cette dernière une allure singulière.
Pour des raisons d’aerodynamisme, il est décidé de construire une carrosserie fermée. Le système de fixation, par 6 boulons et quelques attaches rapides sur le châssis tubulaire, permet une intervention facile en cas de problème mécanique. Avec sa ligne compacte, son arrière tronqué et son long capot, la Cheetah n’est pas d’une élégance folle mais dégage une puisance qui n’a rien à envier à la Cobra.
Le moteur, placé en position centrale avant, empiète allègrement sur l’habitacle et oblige le pilote à conduire avec sa jambe droite en prise directe à la chaleur dégagée par le V8 Chevrolet. L’arbre de transmision ressemble plus à un joint, tant l’essieu arrière est proche de l’ensemble boite/moteur. Dernière particularité, l’utilisation de portes papillon est retenue compte tenu de la conception de la voiture.
Si les 2 premières carrosseries sont en aluminium, le reste de la production sera en fibre de verre garantissant un poids total d’environ 775 kilos.
Les premiers essais sonr effectués à Riverside par Jerry Titus. . La voiture est très rapide en ligne droite mais demande plus d’attention sur les parties sinueuses. Le freinage et quant à lui largement perfectible. Dernier point, Titus soulève un problème important : l’habitacle devient un vrai four après quelques tours de piste. Malgré ces soucis, les essais sont concluants et la Cheetah déclarée apte à se mesurer à la concurrence.
Dès les premières courses, on s’aperçoit très vite que la suspension et le train arrière de la voiture ont du mal à encaisser les 500cv du V8 Chevrolet. La tenue de route laisse aussi à désirer et la chaleur qui envahit l’habitacle pose toujours problème.
A Daytona, la Cheetah confirme sa vélocité en étant chronométrée à plus de 300km/h. A cette vitesse là, elle devient compliquée à conduire, l’air s’engouffrant sous le capot et dans l’habitacle donne le sentiment que la voiture va se désintégrer.
La 2ème Cheetah fabriquée est achetée par Jerry Entin qui l’engage aussi dans quelques épeuves sans résultats notoires.
La 3ème voiture est la première habillée par une carrosserie en fibre de verre. Elle naît sous la forme d’un coupé. Afin d’améliorer la circulation de l’air, une large découpe est faite dans le soubassement. Cette modification participe aussi à l’amélioration de la ventilation de l’habitacle. Jugeant ces modifications encore insuffisantes pour améliorer le confort de conduite, son propriétaire va aller encore plus loin en transformant la voiture en roadster.
Se sera sous cette forme qu’elle obtiendra les meilleurs résultats en compétition avec Ralph Salyer à son volant. Il gagne en Oregon, au National Road America, à Ekhart Lake ou Wilmot en devançant, parfois, quelques Cobra.
Des freins à disques remplaçent les antiques tambours, la puissance est même parfois augmentée, mais rien n’y fait, la Cheetah n’arrive pas à s’imposer.
Bill Thomas ne renonce pas pour autant. Il travaille sur une nouvelle auto, la Super Cheetah, destinée à la route. Quand il présente les premiers travaux aux dirigeants de General Motors, ceux-ci ne voient pas d’un très bon oeil le développement d’une voiture venant marcher sur les plates-bandes des Corvette. De plus, niveau compétition, la donne a changé et l’homolagation est passée à 1000 exemplaires en lieu et place des 100 prévus ce qui pousse la GM à stopper ses aides à Bill Thomas.
Comble de malchance, en 1965, les bâtiments où sont montées les Cheetah prennent feu. C’est le coup de grâce pour Bill Thomas qui jette l’éponge et se tourne vers d’autres projets.
Déterminer combien de Cheetah ont été construites est un exercice difficile. A priori, le nombre se situerait entre 16 et 26. Néanmoins, la quantité de 19 semblerait avoir été validé par des sources proches de Bill Thomas le créateur. A ce jour, une quinzaine de survivantes seraient encore en vie. Mais ce qui complique les choses, c’est que plusieurs répliques de différentes provenances ont été construites. Une série continuation a même vu le jour avec la bénédiction de Bill Thomas lui-même. Néanmoins, il n’est pas fréquent d’en voir une, vraie ou réplique, lors de compétitions réservées aux anciennes, ce, particulièrement en Europe.
Goodwood 2024.
Crédit Photos : Pinterest.MC