Tout le monde s’accorde à dire que l’âge d’or de la carrosserie française correspond à la période des années 30. La créativité des carrossiers de l’hexagone ajoutée à leur savoir faire fut l’occasion pour eux de présenter au public des voitures au design raremant égalé depuis. La Talbot Lago T150C SS « Goutte d’eau » des établissements Figoni & Falaschi en est l’exemple type et demeure aujourd’hui une des plus extraordinaires autos jamais produites.
Quand en 1935 Guiseppe Figoni s’associe à Ovidio Falaschi pour créer la carrosserie Figoni & Falaschi, cela fait quelques années déjà qu’il a quitté son Italie natale et qu’il exerce ses talents de taulier formeur sur tous types de châssis. Située à Boulogne sur Seine, la jeune entreprise n’aura alors de cesse de présenter, la plupart du temps, des châssis habillés de carrosseries au style flamboyant.
En 1936, Talbot Lago décide de produire une voiture de grand tourisme appelée Spécial Grand Sport à partir d’un châssis de Talbot Lago T150 à empattement de 2,95m ou raccourci à 2,65m. Quelques mois plus tard les modèles construits sur le châssis court vont changer d’appellation et se nommer « Super Sport ». La première auto, présentée au Salon de Paris 1937 sera un roadster habillé, à la demande de la marque de Suresnes, par Figoni & Falaschi.
Quelques semaines plus tard, au salon de New-York est présentée celle qui va prendre rapidement le pseudonyme de Talbot Lago T150C SS « Goutte d’eau ».
Dès sa présentation, c’est une foule de superlatifs que déclenche la voiture. Sa forme profilée très homogène lui donne une allure très fluide. Rien ne vient troubler l’harmonie du dessin. Pas d’arrête superflue ou de détail venant perturber une slhouette douce, quasi sensuelle. Le style est le fruit de Figoni & Falaschi, même s’il est possible que Geo Ham, le célèbre peintre, ait contribué au croquis.
Si la carrosserie détonne sur le reste de la production de l’époque, la motorisation est connue puisque c’est celle de la T150. Le moteur 6 cylindres de 3996cm3 est alimenté par 3 carburateurs inversés Solex. Il développe aux alentours des 150cv et permet une vitesse de pointe de plus de 180 km/h.
La voiture est équipée d’une boite Wilson préselective à 4 rapports, des freins mécaniques à tringles sont chargés de l’arrêter.
Inutile de dire que, compte tenu de l’exclusivité de cette auto et de son positionnement « haute couture », l’intérieur est fait sur mesure. Même si la plupart des « Gouttes d’eau » comporte une large et unique banquette pouvant quasiment accueillir confortablement trois personnes, l’habitacle diffère d’un châssis à l’autre. On remarque le grand volant, placé à droite, qui incite plus à la promenade qu’à la compétition même si la 3ème place d’une Super Sport au Mans en 1938 est là pour nous rappeler que la mécanique propose des performances non négligeables.
La Talbot T150C SS « Teardrop » de Figoni & Falaschi va être surnommée aussi « New York » pour rappeler le lieu de sa première sortie. Elle est commandée par certains happy few de l’époque, artistes, sportifs, industriels et même maharadjah. Même s’il n’est jamais facile de s’y retrouver dans la production des carrossiers indépendants, il semblerait que 10 châssis aient été habillés sous cette forme. A cela, il faut en ajouter 5 ou 6 avec une carrosserie très proche baptisée type « Jeancart » du nom de son premier acheteur. Ces dernières diffèrent par quelque détails. Certaines d’entre elles sont plus longues car réalisées sur un châssis de 2,95m, mais aussi, présentent une face avant avec une calandre différente et des phares non intégrés.
A ce jour, la plupart des voitures produites sont dans de prestigieuses collections. Il est rare d’en voir une proposée aux enchères. Mais si c’est le cas, il faudra prévoir plusieurs millions d’euros ou d’USD si vous voulez la ramener dans votre garage.
Crédit Photos: Ultimatecarpage, MC