Il devait être le successeur du grand Juan Manuel Fangio. Il avait toutes les qualités pour réussir une brillante carrière. Au final, malgré ses nombreuses victoires et un talent reconnu par tous, Carlos Reutemann se retira du monde de la F1 en laissant sur sa fin tout un peuple qui crut si fort en lui.
C’est au volant d’une Fiat 1500 que le natif de Santa Fé fait ses débuts officiels derrière un volant. Même si cette première course se solde par un abandon, le concessionaire local Fiat, conquis par son pilotage, lui confie une même voiture pour courir le championnat national de tourisme.
Après cette première expérience, Lole, surnom qui lui a été donné dans son enfance, découvre la monoplace. Une modeste De Tomaso à moteur Fiat sera sa première monture. Il s’engage dans le championnat argentin et y fait ses armes. Sa voiture, peu performante, ne lui permet pas de briller mais d’apprendre.
Brillant au volant d’une Ford Falcom V8, il va réellement montrer ses qualités dans le très réputé et disputé championnat argentin « Turismo Carretera ». Le choix de sa voiture n’est pas le fruit du hasard. Il l’expliquera plus tard en disant qu’il lui avait semblé opportun de choisir la marque Ford, présente en F1 via le moteur Ford-Cosworth, s’il voulait avoir des ouvertures pour venir courir en Europe. A la fin de la saison, il termine 4ème de la manche finale de ce championnat très relévé.
Pour autant, sa priorité reste la monoplace. Il est l’un des deux gagnants d’un concours organisé par l’Automobile Club d’Argentine afin de donner leur chance aux pilotes locaux lors des épreuves de la Temporada Argentina. Une monoplace de Formule 2 est mise à sa disposition par l’équipe britannique de Ron Harris. Les débuts de Reuteman, face aux pilotes européens sont modestes. Après avoir piloté une Tecno durant les premières courses, il court en finale sur une Brabham. Après une 8ème place honorable lors de la 1ère manche, il abandonne dans la 2ème suite à une fuite d’huile.
L’Automobile Club d’Argentine, associé au journal local et à la compagnie pétrolière nationale YPF, décident de monter une structure pour permettre à l’argentin de venir se frotter aux pilotes européens sur leur sol. Le montage financier prenant plus de temps que prévu, il profite de sa dernière saison sur ses terres pour remporter le championnat « Formula 2 Nacional ».
C’est en 1970 que l’on retrouve Lole pour sa 1ère « vraie saison » F2 en Europe. Sur sa Brabham BT30, il termine le championnat à une lointaine 15ème place. Il peut, à cette occasion, se rendre compte de l’écart existant entre les écuries européennes et la sienne et du travail à accomplir pour se mettre au niveau.
Ce sera rapidement fait puisque l’année suivante, il termine 2ème du classemant final derrière le suédois Ronnie Peterson. Même s’il ne gagne aucune des manches, sa régularité et sa capacité à monter sur le podium lui permettent d’acquérir ses premiers galons dans le milieu.
Ses perfomances sont remarquées par Bernie Ecclestone qui lui propose une place dans son team pour l’année suivante. Ce sera alors les débuts en F1 pour l’homme de Santa Fé au volant d’une Brabham BT37 avec G Hill et W Fittipaldi comme coéquipiers.
En Argentine, chez lui, il débute la saison du championnat du monde de Formule1 1972. C’est du délire dans les gradins quand, au terme des essais, Reutemann décroche la pole devant Stewart. C’est un vrai renouveau pour le public argentin qui attendait ce moment depuis la retraite du grand
JM Fangio.
Sa course sera plus modeste puisqu’il termine à la 7ème place. Malheureusement, le reste de la saison ne sera pas à la hauteur des espoirs procurés lors de ce premier Grand Prix. La BT37 n’est pas performante et seule une 4ème place au Canada premettront à l’argentin de marquer ses premiers points au championnat du monde.
Il rempile dans la même équipe en 1973. Après un début de saison en demi teinte, la BT 42 est encore en phase de mise au point, il obtient 2 podiums au Castellet et à Watkins Glen et termine 7ème au classement final.
En parallèle à ses courses F1, il participe à quelques épreuves d’endurance au volant d’une Ferrari 312PB. Avec son coéquipier Tim Shenken, il abandonne au Mans et à Watkins Glen mais termine 2ème à Vallelunga et Monza.
Toujours au volant d’une Brabham en 74, Reutemann va vivre une saison faite de hauts et de bas.
Dès le 1er GP, en Argentine, il domine la course avant de devoir laisser sa voiture au bord de la piste à cause d’une stupide panne d’essence. Il obtient enfin sa revanche et son premier succès en F1 2 mois plus tard en Afrique du Sud. Il termine en tête en devançant Beltoise et Hailwood. Il gagne à nouveau en Autriche et aux Etats-Unis. Mais sa BT44, très performante quand elle fonctionne, est toujours victime de problèmes de fiabilité et malgré ses victoires, les abandons subit tout au long de la saison ne lui permettent que de terminer 6ème à la fin de la saison.
Si 74 a été une année encourageante pour Reutemann, 75 et 76 seront 2 années noires à oublier. Alors qu’il espère que la BT 44 va encore progresser, il va devoir faire face à la décision d’Ecclestone de motoriser ses voitures du 12 cylindres Alfa-Romeo dès 76. Dès lors, la BT 44 ne progresse plus alors que la concurrence est passée devant. Malgré une victoire en Allemagne et une belle 3ème place au championnat, l’argentin est déçu. De plus, l’arrivée de Carlos Pace comme coéquipier va fortement le perturber. Ayant pris ses habitudes au sein de son équipe, il voit l’ambiance se dégrader et l’entente avec le brésilien se déteriorer tout au long de la saison. Alors qu’il aurait du en parler avec Ecclestone, il va s’enfermer dans une carapace qui le coupera de plus en plus du reste du team.
76 sera pire encore. La BT 45 manque cruellement de fiabilité. Seule une 4ème place en Espagne lui permet de marquer des points. Lassé par ses nombreux abandons, il abandonne son baquet après le GP de Hollande.
Alors que Lauda vient d’avoir son terrible accident en Allemagne, Ferrari propose à l’argentin de venir épauler Regazzoni pour le GP d’Italie. C’était sans compter sur le retour, plus rapide que prévu, de l’autrichien qui voit d’un mauvais oeil l’arrivée de Reutemann à la Scuderia. Ce ne sera que le début d’une relation difficile entre les deux hommes, Reutemann étant retenu par Ferrari pour piloter une 312T en 77. De plus, il est désigné pilote n°1 ce qui laisse Lauda dans l’incompréhension la plus totale.
Alors que les 312 ont beaucoup de mal à suivre le rythme des Lotus, Lauda va faire parler toute son expérience et dominer son coéquipier pour au final remporter un nouveau titre de champion du monde.
Même si Reutemann gagne au Brésil, il est souvent surclassé par l’autrichien et termine 4ème au championnat.
Pour 1978, Lole fait équipe avec le canadien Gilles Villeneuve, Lauda étant parti chez Brabham. Si le début de la saison est encourageant avec 2 victoires pour la 312 de l’argentin au Brésil et à Long Beach il doit bien admettre que les Lotus d’Andretti et Peterson sont plus performantes. Malgré deux autres victoires en Angleterre et à Wartkins Glen il termine derrière les 2 Lotus 79.
Malgré ses bons résultats, Ferrari ne reconduit pas Reutemann pour 79 le jugeant pas assez impliqué dans son travail de pilote. C’est vers Lotus, où un volant est libre suite à l’accident de Ronnie Peterson, que l’argentin va rebondir.
La Lotus 79 a tellement survolé le championnat 78 que personne ne doute qu’elle sera à nouveau la voiture à battre quand la saison commence. Mais là où elle dominait ses rivales grâce à l’utilisation de l’effet de sol, elle va se retrouver rattrapée et vite dépassée par la concurrence qui, elle aussi, a su mettre à profit les bienfaits de cette nouvelle technique. L’arrivée de la mal née Lotus 80 ne changera rien au problème et Reutemann va vivre une saison en enfer.
Si les premières courses lui permettent de marquer des points et de faire quelques podiums en Argentine, Brésil, Espagne et Monaco, le reste de la saison sera catastrophique. Sa 7ème place au championnat n’est pas ridicule, mais pour celui qui se présentait comme un des favoris, nul doute qu’elle ne correspond pas à ses attentes.
Quand Frank Williams lui propose de rejoindre son écurie pour les deux années suivantes, l’argentin n’hésite pas un instant et va rejoindre Alan Jones et sa Williams FW07.
Même si les résultats durant cette première année chez Williams ne sont pas mauvais, l’argentin va devoir s’effacer devant son coéquipier. A eux deux, ils vont dominer le championnat. Jones remporte 5 victoires contre une seule pour Reutemann. Certes, il termine 3ème au championnat, loin de Jones, et Williams remporte le titre constructeur, mais force est de constater qu’il n’a pas été à la hauteur de ce qu’il espérait. Le coup est rude pour lui, mais n’est rien à côté de ce qui va se passer en 81.
Le début de saison semble lui sourire avec deux victoires au Brésil et à Spa. Seulement, l’entente déjà médiocre entre les deux pilotes Williams va finir par devenir exécrable. Au Brésil, alors que Reutemann est en tête, il reçoit comme directive de laisser passer son coéquipier ce qu’il refuse de faire, jugeant injuste de lui demander de s’effacer alors qu’il a dominé la course jusque là. Ce refus signera pour lui son arrêt de mort au sein de l’équipe anglaise. Jones, 3ème de la course, refusera de monter sur le podium et conservera, à l’encontre de l’argentin, une rancune tenace qu’il entretiendra jusqu’à la fin de la saison. Même les membres du Team, mécaniciens et ingénieurs, se rangeront derrière l’australien et ne feront plus beaucoup d’effort pour permettre à Reutemann de défendre ses chances dans la course au titre.
Cette mésentente atteindra son paroxysme lors du dernier GP de la saison à Las Vegas. Alors qu’il est en tête du championnat et bien placé pour l’emporter, Reutemann se retrouve, lors des essais libres, au volant d’une voiture pas au mieux de sa forme alors qu’il a décroché la pôle la veille. Il ne peut défendre ses chances. Persuadé qu’on a modifié les règlages de sa voiture, il termine 8ème d’une course qui est un véritable chemin de croix pour lui. Jones l’emporte et Piquet marque les 2 points qui lui permettent de devenir champion du monde avec 1 point d’avance sur Reutemann.
Malgré son immense déception et sous l’insistance de Frank Williams qui voit Alan Jones prendre sa retraite, Lole décide de rempiler pour une année supplémentaire. Mais cette saison 82 sera brève puisqu’il ne va participer qu’aux 2 premiers Grand Prix de la saison en Afrique du Sud et au Brésil. S’il termine 2ème à Kyalami, il abandonne à Jacarepagua et annonce son retrait de la Formule 1. Aucune explication ne sera officiellement donnée si ce n’est une grande lassitude à continuer son métier de pilote de F1.
Après son retrait, on reverra quelque fois Lole au volant de voitures de rallye, comme c’est le cas en 1985 où il termine 3ème du rallye d’Argentine au volant d’une 205T16 officielle.
C’est dans la politique que qu’il va se reconvertir. Après avoir été gouverneur de la province de Santa Fé pendant quelques années, il va être élu sénateur fédéral à la chambre haute. Il exercera cette fonction jusqu’à son décès qui intervient le 7 juillet 2021.
Il laissera l’image d’un pilote doué mais trop fragile pour arriver à dominer ses doutes ou faire face à un environnement pas toujours favorable. Dommage pour lui et pour le peuple argentin qui attend toujours un successeur à Juan Manuel Fangio.
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