Pour la première fois en 1973, le titre de champion du monde des rallyes est attribué à un constructeur. C’est Alpine qui est couronné avec plus de 60 points d’avance sur son 2ème, Fiat. Ce n’est pas un simple succès que la firme de Dieppe obtient là mais un véritable triomphe tant sa domination a été flagrante. Retour en arrière sur cette fabuleuse aventure.
Pour la saison 73, la FIA lance le premier Championnat du Monde des Constructeurs dans le domaine des rallyes. Il remplace le Championnat International des Marques, qui n’a vécu que trois ans dans l’attente de la création de cette nouvelle compétition.
Si Alpine a remporté le Championnat International en 71, devant Saab, la saison 72 a été beaucoup plus difficile pour la marque chère à Jean Rédélé. L’Alpine 1800 censée remplacer la 1600, souffre d’un problème de boite de vitesses. La puissance du moteur, en augmentation continue depuis les débuts de l’A110, n’est plus « acceptée » par celle en provenance de la R8 Gordini. Une nouvelle boite de type 364 avec une pignonnerie renforcée voit le jour en cours d’année, ce qui permet à l’équipe placée sous le direction de Jacques Cheinisse d’envisager une saison 73 sous de meilleurs augures.
L’A110 1800 dont le moteur, toujours préparés chez Mignotet, développe près de 170cv est prête à affronter une concurrence venant principalement de chez Fiat et Ford, les autres marques ne venant que ponctuellement défendre leurs couleurs.
Avoir une voiture capable de gagner, c’est bien, mais faut-il aussi mettre derrière le volant des pilotes de premier plan. Ce sera fait avec JC Andruet, JL Thérier, B Darniche, JP Nicolas, O Andersson ou JF Piot.
Ce nouveau championnat est ouvert aux voitures des groupes 1 à 4. Cela écarte donc tous les protos. Sur les treize épreuves prévues au programme, les marques ne pourront comptabiliser que les 9 meilleurs résultats. De plus, à chaque course, seule la voiture la mieux placée du team marque des points.
Cela va permettre à l’équipe de Dieppe de faire l’impasse sur des rallyes où elle juge n’avoir que trop peu de chance de bien figurer, comme l’East African Safari ou d’autres, jugés trop couteux en terme d’intendance, comme la manche américaine se déroulant du côté de Detroit.
La saison débute de façon traditionnelle, en janvier, par le Monte Carlo. Dans une course marquée par de nombreux abandons, seul Mikkola sur Ford Escort va pouvoir rivaliser avec les pilotes Alpine. Malgré sa grande classe, rien n’y fera, il ne pourra pas empêcher la marque de Dieppe de faire un triplé.
Mieux même, les cinq voitures officielles engagées terminent dans le top 10. Andruet l’emporte devant Andersson et Nicolas. Thérier termine 5ème, Darniche 10ème.
Quelques semaines plus tard, c’est vers la Suède que les équipes se retrouvent. Pas prévu initialement au calendrier par Alpine, une voiture est finalement alignée pour Thérier. La puissance n’étant pas forcément un paramètre primordial sur la neige, l’A110 est motorisée par un 1600cm3. Le pilote normand va réaliser un véritable exploit en plaçant sa voiture sur la 3ème marche du podium. Sans reconnaissances, avec des notes empruntées à Nicolas, il épate les pilotes locaux et empoche 12 points.
Quand un mois plus tard, le Portugal se présente, les hommes de Cheinisse ont déjà une belle avance au championnat. Là aussi, rien ne va arrêter les bleues. Ce sont 3 berlinettes officielles qui sont présentes pour Thérier, Darniche et Nicolas.Dès le départ, les français dominent, seul Warmbold sur la nouvelle BMW 2002Tii fait un moment illusion. Si Darniche doit abandonner dans l’ES26 sur un problème de différentiel, c’est Thérier qui l’emporte en devançant Nicolas de plus de 6’.
Comme prévu, Alpine fait l’impasse sur l’East African Safari remporté par Shekhar Mehta sur une Datsun 240Z. C’est donc au Maroc que les A110 retrouve le champonnat du monde. Le terrain, très cassant, ne les place pas au rang de favorites. Les voitures ont été renforcées et pèsent une centaine de kilos de plus. Citroën avec ses DS 23 semble la marque à battre. Pourtant, c’est Darniche qui l’emporte. Les deux autres A110 inscrites terminent 5ème pour Nicolas et 7ème pour Thérier.
Sur les plus de 60 voitures engagées, seules 12 terminent classées.
En Grèce, 15 jours plus tard, toutes les équipes se retrouvent pour le fameux rallye de l’Acropole. Les trois mêmes équipages qui viennent de terminer le Maroc prennent le départ. Le rallye débute mal pour Alpine puisque Darniche victime d’une sciatique doit rapidement renoncer. Heureusement, Thérier va faire des merveilles. Il prend la tête du rallye dès la première étape et la gardera jusqu’à l’arrivée. Nicolas termine 3ème derrière la Fiat Spider 124 d’Aaltonen.
Ce n’est que mi-juillet pour le rallye de Pologne, que l’on retrouve une épreuve du championnat du monde. Alpine, qui pensait faire l’impasse envoie quand même une voiture confiée au vainqueur de l’Acropole. Ce rallye va être un véritable désastre. D’abord pour Thérier qui est disqualifié après avoir passé une ligne d’arrivée à l’envers mais également pour la plupart des engagés puisque seules trois voitures sont classées, la victoire revenant à la Fiat 124 de Warmbold/Todt qui temine avec 2hrs47’ d’avance sur une Wartburg.
En Finlande, pour le rallye des 1000 Lacs, la firme de Dieppe a renoncé au déplacemant. Les 7 premières places du classement final sont occupées par des finlandais, Makinen l’emportant sur une Ford Escort RS1600.
En Autriche, les A110 reprennent du service. Ce rallye ne laissera pas que des bons souvenirs dans la mémoire de Jacques Cheinisse. Se déroulant surtout sur des pistes en terre très rapides, les Alpine avec, leur garde au sol très basse, sont pénalisées et glissent beaucoup. De plus, les organisateurs improvisent tout au long de l’épreuve. Si Darniche l’emporte au bout des trois jours de course, sa victoire lui est retirée 1 an plus tard suite à une réclamation de l’équipe BMW. Warmbold se voit donc déclaré vainqueur sur tapis vert, Darniche reculant à la 2ème place. Suite à tous ces soucis, inhérents à l’organisation, ce sera la dernière année que le rallye Autrichien des Alpes sera inscrit au championnat du monde.
A ce moment là de la saison, alors qu’il ne reste plus que 4 courses au calendrier, Alpine possède plus de 30 points d’avance sur son seul concurrent au titre : Fiat.
C’est au San Remo, en terre italienne, que les deux marques vont à nouveau se confronter.
Fiat engage de gros moyens pour vaincre à domicile puisque ce ne sont pas moins de 4 spiders 124 officiels qui sont engagés, sans compter les semi officiels qui viendront prêter main forte si besoin. Fidèle à elle-même, l’équipe française fait confiance à ses trois mousquetaires habituels : Thérier, Darniche, Nicolas. Le suspense ne va pas durer longtemps puisque dès la première spéciale, Jean-Luc Thérier particulièrement inspiré va prendre la tête du rallye et ne plus la quitter. Au final, ll termine avec plus de 6’ d’avance sur la 1ère Fiat et 10’ sur son coéquipier JP Nicolas.
Avec ce succès, Alpine est assuré de remporter le titre des constructeurs avant la fin de la saison. Reste plus qu’à la finir de la meilleure façon possible.
Les équipes européennes ont toutes décidé de faire l’impasse sur la manche suivante se déroulant aux Etats-Unis. Toyota en profite et gagne le Press on Regardless.
Le RAC et l’avant dernière manche du championnat. L’équipe de Dieppe aligne deux A110 pour l’équilibriste Thérier et pour Nicolas. Ils ne pourront rien faire contre les Ford Escort. Nicolas sauve l’honneur en terminant 5ème, Thérier ayant du abandonner.
C’est par le Tour de Corse que le championnat du monde se termine. Inutile de dire que l’équipe française est motivée. Le titre est déjà dans la poche, mais il n’est pas question de laisser à quiconque la possibilité de vaincre les A110 sur leur terrain de prédilection.
Pour terminer en beauté, Alpine inscrit 4 voitures officielles pour Thérier, Nicolas, Darniche et JF Piot et 2 semi officielles pour les locaux Serpaggi et Manzagol.
La concurrence a déjà renoncé puisqu’aucune Fiat officielle n’est au départ et que seul Ford France engage deux Escort pour Chasseuil et Gamet.
La course ne sera qu’un chassé-croisé entre les pilotes Alpine. Nicolas termine 1er, remportant là sa 1ère victoire de la saison. JF Piot finit 2ème à 8’, JL Thérier assurant avec sa 3ème place son titre de champion de France des rallyes.
C’est sur ce succès que se termine pour Alpine une année exceptionnelle. Grace à ses brillants pilotes et à une voiture très performante, la firme de Dieppe remporte le premier titre constructeur de Champion du Monde des Rallyes, Si celui des pilotes avait existé à cette date, il ne sera créé qu’en 1979, Jean Luc Thérier l’aurait emporté d’un petit point devant son ami et coéquipier Jean Pierre Nicolas. Cela aurait été une récompense mille fois méritée pour celui qui illumina toute la saison par sa très grande classe.