Un sorcier. Ça c’est une réputation qui doit faire plaisir quand on est un émigré italien qui a bavé pour se faire un nom ! Pourtant Amédée Gordini a patienté avant de connaître la gloire. Avant d’être associé aux Renault les plus poussées, il a d’abord été bricoleur et débrouillard avant de se faire un nom dans les plus grandes courses… Sans trop de moyens. On revient sur ses premières années.
Amedeo Gordini voit le jour le 23 Juin 1899 à Bazzano, entre Modène et Bologne. Fils de paysan, c’est avec le passage du Tour d’Emilie en 1907 qu’il attrape le virus de la mécanique. Les automobiles sont encore rares et les courses encore plus. Néanmoins il n’en démord pas et, à ses dix ans, il rentre en apprentissage chez un forgeron. Après avoir acquis un certain savoir-faire en mécanique, le voilà chez Fiat.
Son travail de mécanicien ne le cantonne pas au garage. Il se retrouve également en voiture, à l’époque où le mécanicien est le “copilote” de la voiture, prêt à sauter sur le bas côté pour une réparation de fortune avant de repartir.
En 1923, il décide de s’installer en France, pays où l’industrie automobile est alors beaucoup plus développée qu’en Italie. Ce sont les établissements Duval et Cataneo qui lui offrent son premier travail alors qu’il ne parle pas encore un mot de la langue de Molière. L’année suivante, décidé à rester en France, il obtient sa naturalisation. Amedeo Gordini devient Amédée Gordini.
En 1928, son expérience s’est encore améliorée. Il ouvre son propre atelier de mécanique à Suresnes. La course refait son apparition dans sa vie et il améliore des autos dans le but de les emmener en compétition. Il travaille beaucoup sur des Fiat, c’est d’ailleurs au volant de l’une d’elles qu’il participe à ses premières 24h du Mans en 1935 (abandon sur 508 S Ballila Coppa d’Oro).
Dans le même temps, Fiat se voit représenté en France par Simca. Ce sont les Simca-Fiat qui vont devenir les premières autos réellement créées par Gordini. Sur la base de voitures de série, il améliore moteurs et trains roulants pour créer de vraies autos de course. Sa spécialité devient alors les courses d’endurance. On le revoit au Mans avec des Simca 5 et Simca 8 de sa création. En 1937 et 1938 ce sont des Simca 5 qui terminent au fond du classement mais qui gagnent leur classe. Amédée Gordini n’est pas au volant, roulant lui sur des Simca 8, mais son nom s’inscrit au palmarès, notamment en 1938 avec la victoire au Prix de la Performance en plus.
En plus de ces succès, il en ajoute d’autres à Spa, mais surtout sur le Bol d’Or où on ne peut pas changer de pilote… Pendant 24 heures ! Amédée Gordini s’y impose en 1936 sur Fiat 508 avant de récidiver sur une Simca en 1938.
Après la seconde guerre mondiale, Amédée Gordini veut construire ses autos. Ce seront toujours des Simca-Gordini puisque la base moteur reste le bloc des Simca 8 dont il garde également quelques pièces des trains roulants. Pour autant les autos sont vraiment modifiées avec des carrosseries profilées. Les Simca-Gordini vont remporter les Bol d’Or 1947 (Cayla), 1948 (Scaron), 1949 (Manzon) et 1951 (Scaron).
Mais l’ambition de Gordini va plus loin. Ses T8 et TMM (châssis tubulaire et conduite centrale) sont au départ des 24h du Mans 1949 aux côtés des Simca 8 modifiées. Surtout, l’arrivée du Championnat du Monde de F1 l’oblige à de profonds investissements. Il veut en être et reprendra son châssis qui conserve des éléments de Simca 8 pour les trains roulants. Le moteur sera monté à 1430 cm³ et dopé par un compresseur ! Elle est même engagée en Formule 2, en démontant le compresseur.
Le travail est rude. Les moyens sont faibles et les mécaniciens travaillent sans relâche. Quelques accessits sont à noter comme une 4e place au Grand Prix de l’ACF en 1950 ainsi que quelques victoires en Formule 2, souvent hors championnat.
En 1951 il développe un nouveau moteur sur 5 paliers, plus performant que le 3 paliers d’origine Simca 8. Le châssis est toujours aussi léger, la puissance est bonne mais l’écurie se disperse entre F1, F2 et toujours les 24h du Mans. Au total, on ne compte qu’une victoire, signée par Trintignant à Albi, mais c’est hors championnat !
Les éléments Simca n’étant plus utilisés, Pigozzi coupe son soutien. Gordini développe quand même une auto pour le nouveau règlement F2 adopté également par la F1. Le moteur sort 155 ch avec un châssis léger et quelques bons résultats seront à mettre à son actif dont une brillante victoire hors championnat, à Reims en 1952 quand Behra devance les Ferrari de Farina et d’Ascari ! Cette année-là, Manzon se classe 6e du championnat à force de places d’honneur.
En 1953, une T24S, équipée d’un 6 en ligne de 2.5 litres se classe 6e des 24h du Mans, remportant sa classe avec Trintignant et Harry Schell. Une T15, avec le même moteur, l’imitera en 1954 avec les français Guelfi et Pollet.
Cette année là, Gordini a développé un nouveau moteur pour le nouveau règlement de Formule 1. Il reprend son moteur 6 en ligne de 2.5 litres, avec boîte 5 rapports. Le châssis est travaillé avec des roues avant indépendantes. Les résultats sont médiocres mais le “sorcier” s’entête.
Au Mans les abandons s'enchaînent. Une Gordini s'impose néanmoins en endurance : au Tour de France Automobile 1954 avec Jacques Pollet Hubert Gauthier.
En 1956, la dernière Gordini de F1, la 42 Type 32 s'équipe de freins à disque et d'un moteur 8 cylindres en ligne. Les résultats ne seront pas là pour autant...
En 1957, Gordini est presque ruiné. Il doit jeter l’éponge après le Grand Prix de Naples 1957. On ne reverra plus de Gordini, ni au Mans, ni en F1.
En 1957 c’est également le début d’une nouvelle aventure. L’année précédente, la rencontre avec Pierre Dreyfus a scellé un nouveau partenariat. La Dauphine Gordini apparaît quand Amédée Gordini se retire de la compétition. C’est désormais à Renault, mais aussi à Alpine en compétition et notamment aux 24h du Mans, que son nom sera associé. Il se retire en 1975, au moment où apparaît la dernière vraie Renault-Gordini : la R17. Il s’éteint en 1979, et son nom restera finalement plus attaché aux Renault qu’à ses propres créations…