Quand Aston Martin décide de produire une version plus sportive de sa DB4, afin de concurrencer Ferrari et ses 250 GT, la marque de Newport Pagnell n’imagine sans doute pas qu’un des châssis produits pour devenir une bête de course se transformera en une magnifique GT carrossée par Bertone.
Il est tout d’abord nécessaire de faire un peu d’histoire et de revenir sur le lancement de l’Aston Martin DB4. Celle-ci est présentée à Londres en 1958. Carrossée par Touring, son beau 6 en ligne signé Tadek Marek délivre environ 240cv, suffisant pour le commun des mortels, insuffisant pour en faire une voiture capable de rivaliser avec les meilleures sur la piste. Rapidement, l’idée d’une auto plus compétitive germe dans la tête de John Wyer. Le lancement de la DB4 GT se fait un an plus tard lors du London Motor Show. Sur un châssis raccourci d’un bon 12cm, avec un moteur dont la puissance fait maintenant plus de 300cv et grace à quelques kilos gagnés en utilisant des tôles en mélange magnésium/aluminium, la voiture est plus compétitive, mais pas assez pour vaincre les Ferrari 250GT. C’est alors Zagato qui est sollicité pour produire une auto à la carrosserie mieux profilée et avec un poids plus contenu. C’est chose faite avec la sublime DB4 GT Zagato et sa centaine de kilos en moins, mais ce ne sera pas suffisant ou peut-être trop tard pour vaincre les nouvelles 250GT SWB plus légères et tout aussi puissantes.
C’est alors que le dernier châssis de DB4GT produit est envoyé en Italie, mais pas chez Zagato ou chez Touring, chez Bertone qui va en faire une GT des plus désirables.
C’est donc sur le châssis DB4/GT/0201/L que Bertone demande à son tout jeune designer Giorgetto Giugiaro de travailler et de donner à la voiture l’allure d’une GT susceptible de gagner des concours d’élégance et non de vaincre sur la piste.
Si le moteur conserve ses caractéristiques d’origine et notamment ses trois Weber et son double allumage, tout le reste va être retravaillé par le designer.
Il privilégie la luminosité et dessine un habitacle où le pavillon repose sur des montants d’une remarquable finesse. L’intérieur de la voiture est celui d’une grande GT où la notion de confort l’emporte sur la recherche d’un poids minimum. Les sièges sont larges et confortables, une poignée pour le passager est prévue devant la boîte à gants et le tableau de bord est redessiné pour laisser de la place à un panneau central sur lequel se trouvent 6 petits cadrans tournés vers le conducteur.
Comble du luxe pour cette GT, destinée à sa naissance pour la course, des vitres électriques remplacent les manivelles habituelles.
La hauteur du 6 cylindres Aston a obligé le designer à opter pour un bas de caisse d’une autre couleur de façon à alléger le profil de la voiture ce qui lui donne une allure élancée.
L’arrière est affiné et, contrairement à la DB4 GT d’origine, le capot du coffre descend très bas.
L’avant possède également ses propres codes. Les phares sont placés au bout des ailes et ne sont plus recouverts par un plexi. Même si la forme de la calandre reprend, de façon atténuée, celle de la DB4, sa forme rectangulaire lui est propre et lui donne un aspect plus moderne. La prise d’air, particulièrement importante sur la GT, se fond dans le design du capot.
Le gain de poids n’étant plus un objectif prioritaire pour Bertone, la carrosserie est fabriquée en acier, seuls l’avant et l’arrière sont faits pour partie en aluminium. La Jet rend donc une petite centaine de kilos à sa grande sœur bâtie pour la compétition.
Le pare-chocs avant lui est spécifique et ne couvre pas tout le devant de la voiture. La prise d’air, sur la face avant, est maintenue dans des dimensions plus raisonnables.
L’Aston Martin DB4GT Jet Bertone est prête pour le Salon de Genève 1961. Peinte en vert pâle avec un intérieur gris, elle ne laisse pas indifférent. Malheureusement, sa présentation coïncide avec la sortie de celle qui fera la une de tous les journaux de l’époque, la Jaguar Type E. Cette dernière remportera tous les suffrages et il sera bien difficile pour les autres voitures présentes sur le salon de se faire une place devant les photographes.
Elle sera à nouveau exposée un peu plus tard au salon de Turin.
Elle est vendue en 1961 et prend la direction des Etats Unis où elle y restera quelques années.
Après avoir transité par Beyrouth, elle repart aux US avant de revenir en Europe où Victor Gauntlett le patron d’Aston Martin entreprend une restauration totale. Revendue en Suisse, elle participe alors à des concours d’élégance avec de nombreux trophées à la clef.
Elle a été depuis revendue par Bonhams en 2013. Elle est peut-être, la voiture la plus élégante jamais dessinée par Guigiaro.
Crédit photos : Bonhams, Bertone, Ultimatecarpage