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Cord 810/812 : un ovni dans la production américaine des années 30

Après avoir mis la main sur Auburn et Duesenberg, Errett Loban Cord décide, à la fin des années 20, de commercialiser une voiture sous sa propre marque. Ce sera la naissance de Cord. Fortement ébranlé par la crise de 29 et par le semi échec de la Cord L29, première traction avant américaine, il se refuse à baisser les bras et décide en 1935 de lancer un nouveau modèle, la Cord 810. Cette voiture, hors normes pour l’époque, ne va être produite que 2 ans. Retour sur ce qui fut l’échec commercial d’un modèle devenu culte.

Le projet de deux hommes

Cord 810 Westchester

La crise de 29 a mis à mal le marché des voitures de luxe et les marques Auburn et Duesenberg battent de l’aile. Errett Loban Cord projette alors de produire une voiture moins « haut de gamme » nommée rapidement « baby Duesenberg ». Après de nombreux atermoiements, il est décidé que cette nouvelle auto sera commercialisée par la firme Cord. Afin de mener à bien le projet, E.L Cord fait appel à un jeune styliste de 30 ans, Gordon Buehrig. Celui-ci travaille déjà dans le groupe et a fait ses preuves, notamment, chez Auburn sur les Speedster 851/852. Rapidement, il fait réaliser un premier prototype sur une base d’Auburn. Même si la silhouette n’est pas définitive, on retrouve déjà ce qui sera les éléments stylistiques clefs de la future Cord 810.

Après quelques frayeurs, dont le risque de voir le programme annulé, il est fixé comme objectif de présenter la voiture au salon de New York prévu en novembre 1935.

C’est en un temps record que Buehrig et son équipe vont réussir à finaliser le projet et être prêt pour le jour J.

Quand on peut enfin découvrir la voiture, c’est le succès immédiat, tant parmi les visiteurs que dans la presse. D’un pur style « Art déco », les personnes présentes remarque en priorité ce long capot massif strié tout comme ses ailes avant profilées qui englobent des phares escamotables dont l’ouverture se fait par deux manivelles placées sur le tableau de bord. 

La Cord 810 fait preuve de retenue pour ce qui est des chromes ce qui lui donne un côté très moderne. Les roues, munies de pneus à flancs blancs, sont ornées d’enjoliveurs bombés, percés par des ouvertures, gage d’un meilleur refroidissement. 

Moteur V8 Lycoming de la Cord 810

                                                              

C’est la filiale maison. Lycoming Manufacturing, qui fournit le moteur 8 cylindres en V de 4730cc. Il développe 125cv, puissance relativement modeste pour une voiture de cette gamme. Il se contente de soupapes latérales et est alimenté par un carburateur Stromberg.

La boite de vitesse est une Borg-Warner « pré-sélective » à 4 rapports que l’on manoeuvre depuis un boitier placé sur la colonne de direction.

Comme l’était déjà la Cord L29, la 810 est une traction avant, chose singulière aux US à cette époque. Afin d’éviter les désagréments rencontrés avec la L29, les ingénieurs n’hésitent pas à faire venir de France une Traction 11 afin d’étudier au plus près ses spécificités techniques et les appliquer à la nouvelle venue.

L’intérieur est très « cosy ». Les sièges sont garnis d’un cuir de très belle qualité et sont très confortables.

Cord 810 cabriolet 1936

Le tableau de bord est recouvert pour partie par une plaque en alu bouchonné. La voiture bénéficie en série d’un autoradio, d’essuie-glaces à vitesse variable et d’un éclairage du tableau de bord.

Le parebrise est en 2 parties, chacune d’entre elles pouvant s’ouvrir.

Une mise au point laborieuse, des livraisons repoussées. 

Si la présentation au salon de New York est un grand succès, la 810 souffre d’un manque de mise au point. La voiture chauffe, son capot moteur ne facilitant pas l’évacuation de la chaleur. De plus, les durites de refroidissement passent trop près des collecteurs ce qui accentue le problème. Si l’on ajoute à ça quelques soucis pour fiabiliser l’auto ce n’est pas surprenant de voir les premières livraisons n’intervenir qu’à la fin du premier trimestre 36 alors que les acheteurs attendaient leur voiture pour Noël.

Sur le catalogue publié pour l’occasion, on retrouve 4 modèles . 2 berlines avec un degré de finitions différent, 1 cabriolet et une découvrable 4 places.

Les prix pratiqués se veulent raisonnables même s’ils restent au niveau de ceux d’une voiture haut de gamme.

Cord 810 4 places découvrable.

Afin de palier au plus vite aux problèmes rencontrés par les premiers acquéreurs, un service après-vente est mis en place à l’usine. Le principal souci vient de la boite de vitesse. Son système est sophistiqué et sa mise au point pas encore aboutie. Pour le reste, les clients sont contents de leur acquisition, saluant au passage le confort de conduite, la tenue de route et son freinage équilibré.

Durant sa première année d’exploitation, Cord va vendre 1174 exemplaires de la 810. Le résultat est modeste et ne permet pas à la marque de remettre ses finances à flot.

La 812 Supercharged arrive.

Cord 812 Custom Beverly Sedan

Pour 1937, Cord décide d’améliorer les performances de la 810 en ajoutant un compresseur Schwitzer-Cummins. La puissance fait un bon à 170cv ce qui lui permet d’envisager une vitesse maiximum de plus de 170km/h. Les échappements de celle appelée 812 ressortent de chaque côté du capot moteur ce qui la différencie de la 810.

2 conduites intérieures 5 places sont ajoutées à la gamme. La firme en profite pour revoir ses tarifs qui, cette fois, se situent en haut de l’échelle des voitures haut de gamme.

Malgré toutes ses qualités, les ventes de la 812 ne décollent pas. Comble de malchance, Errett Loban Cord est visé par le fisc. Il liquide précipitamment ses actifs et vend son groupe à une société dépendant de l’armée américaine. A peine arrivé, le nouveau propriétaire décide de stopper la production automobile du groupe. 

Jusqu’à l’arrêt définitif de ses activités en août 1937, 1146 812 auront été vendues. Ce sont 2320 810 et 812 qui se seront écoulées tout au long de leur brève production dans les usines de Connersville dans l’Indiana.

Cord 812 Sportsman Convertible

Les raisons d’un échec.

Comme c’est souvent le cas pour un projet particuliérement innovant, il aurait sans doute mieux fallu qu’il soit lancé par un groupe aux finances solides, capable de mener à bien une longue période de mise au point. En même temps, aurait-on pu voir un projet aussi nouveau, voir le jour au sein d’une Major Company peu à même de prendre autant de risques qu’une jeune et ambitieuse société comme Cord ?

Les problèmes de jeunesse rencontrés, des prix pratiqués pour la 810 trop bas pour assurer des bénéfices suffisants, une crise financière mal venue et une concurrence féroce n’hésitant pas à affubler du nom de « coffin nose » (nez de cercueil) la 810, auront eu raison d’une auto     peut-être trop en avance sur son temps.

Il sera rendu justice en 1951, à Gordon Buehrig et à la Cord 810/812, quand le MoMA de 

New York la déclare comme « une contribution américaine exceptionnelle au design automobile ». De même, en 1996, elle sera proclamée plus belle voiture américaine par le magazine American Heritage.

Depuis sa sortie en 1936/37, beaucoup de solutions ont été apportées aux différents problèmes rencontrés. Les nombreux propriétaires de 810/812 ont su rendre leur voiture fiable et parfaitement utilisable en toutes circonstances. Dommage que ce travail ne fut ou ne put être fait au moment de sa mise en circulation. 

Crédit photos : Pinterest, Mecum Auctions, 

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