Avec 176 victoires en F1 entre 1967 et 2003, c’est un nom qui compte, on pourrait tout simplement placer Cosworth à la 3e place des constructeurs ayant aligné le plus de victoires. Mais Cosworth n’a été “qu’un” motoriste, de génie certes, et qui a eu le malheur de rester dans l’ombre du géant Ford à qui il était associé… jusqu’aux modèles routiers qui ont fait une partie de sa renommée. On vous raconte son histoire.
Oui, Cosworth est un nom lié à Ford, mais finalement c’est bien Lotus qui est très important pour la société. Quand la société est créée en 1958, Mike Costin et Keith Duckworth (qui utilisent donc leurs noms de famille pour créer le nom de leur entreprise) sont deux employés de Colin Chapman. Duckworth quitte la société mais Costin y reste. En tant qu'ingénieur, il travaille sur les Lotus de course et gère même l’équipe de course. Il travaille sur les moteurs de la marque sur son temps libre.
Le premier projet mené par la société, c’est un moteur de Fiat 1100 ! Commandé par Howard Patton, il est utilisé en Formule Junior. Les résultats sont mauvais mais Patton, distributeur Ford, propose alors aux deux motoristes de s’orienter vers une base Ford : le moteur de l’Anglia.
Le bloc des Ford Kent est réutilisé, ce sont surtout les culasses qui sont revues. Très vite, ces moteurs se retrouvent dans des… Lotus évidemment ! Tant que la cylindrée le permet, ce sont des Formule Junior, mais la Lotus Seven l’utilise ensuite et petit à petit les moteurs sont de plus en plus performants.
Cosworth va plus loin avec le moteur de la Cortina qui va être montée sur des Formule 2. La culasse est entièrement maison, le vilebrequin est spécifique, bref on commence vraiment à tout revoir.
Chapman est satisfait de ces travaux. Dès 1963 le moteur Ford 109E, créé donc par Cosworth, est utilisé en F1 par des équipes privées, sur des Lotus. L'année suivante on le retrouve sur des Cooper ou des Brabham.
En 1966, Brabham, Lotus et Matra utilisent des moteurs Ford-Cosworth. Cette année-là, Chapman réussit à faire conclure un vrai contrat entre le géant à l’ovale bleu et le motoriste. On crée ainsi le moteur 4 cylindres FVA (Four Valves type A) qui a la particularité de compter 4 soupapes par cylindres et qui sera utilisé dans les courses de voitures de sport de moins de 2 litres… mais également un moteur qui va faire entrer Cosworth dans la légende.
En plus du FVA, on crée le DFV. C’est le Double Four Valve. Double ? Parce que c’est un V8 ! La F1 abandonne la réglementation 1,5 litres pour passer aux moteurs 3 litres. C’est donc à l'initiative de Chapman que Ford verse 100.000 £ à Cosworth pour développer ce moteur. En fait, le FVA n’est que la version expérimentale du DFV.
C’est un V8 à 90° qui va devoir affronter des 12 cylindres sur la piste. Sa puissance de 410ch est peut-être un peu juste… mais son intérêt est ailleurs. Sa légèreté est un formidable atout, on connaît tous la maxime de Chapman. Surtout, il est très rigide et va servir à la structure de la voiture. Boulonné à la partie avant, le V8 Ford-Cosworth DFV reçoit les ancrages des suspensions arrière. On fait donc l’économie d’une structure arrière qui amène du poids en plus.
Les Lotus sont les premières à l’utiliser, avec un clause d’exclusivité. Son développement prend du retard et il n’est disponible qu’au Grand Prix des Pays-Bas 1967, 3e manche du championnat. Les deux pilotes Lotus font mieux que le tester : Hill part en pôle, Clark signe le meilleur tour et gagne. Certes, Hill a abandonné à cause du moteur… mais les débuts sont excellents. Avec 4 victoires en 1967, Lotus est 2e du championnat du monde.
Dès l’année suivante, le moteur est disponible pour les autres clients et sera monté dans les McLaren, les Matra et donc les Lotus. Résultat : Jacky Ickx à Rouen sur Ferrari est le seul à gagner sans DFV Cosworth ! Lotus est championne du monde… devant McLaren et Matra !
Le DFV vient de commencer une razzia incroyable. 100% des victoires en 1969 et 1973, et 154 victoires jusqu’en 1983 et la victoire d’Alboreto sur une Tyrell à Détroit.
Dans ce laps de temps, le Cosworth est associé à 10 titres constructeurs et 12 titres pilotes. Mais surtout, ce moteur est la “base” de la F1. La plupart des équipes en sont équipées. Les “petits” utilisent ce moteur et une boîte Hewland pour créer leurs monoplaces et se lancer en F1. En 1975, si c’est Ferrari qui est titré, le moteur DFV équipe les équipes classées de la 2e… à la 17e place du championnat (seules 12 ont marqué des points).
Le DFV évoluera d’ailleurs avec les DFY et DFR qui continueront la série en F1, mais dans l’ombre des moteurs Turbo, même si Cosworth s’y essayera sur le tard, notamment avec des Benetton, mais sans succès.
Le DFV sera également la base du DFX qui deviendra le moteur de base d’une autre série de monoplace, l’Indycar, entre 1975 et la fin des années 80.
Enfin, le DFV a également été utilisé en endurance ! Les victoires de Mirage et Rondeau aux 24h du Mans ont été réalisées avec ce moteur ! Il évoluera, en endurance, en DFL au début des années 80 notamment en Groupe C mais surtout en C2 où il obtiendra 5 victoires de classe.
En 1980, Cosworth est vendu. Si Duckworth reste à la tête de la société, le nom de Cosworth rentre dans le rang. Les DFY et Turbo n’apportent pas de victoires. Le HB, qui apparaît en 1989 permet à Nannini sur Benetton de remporter une course, avec un moteur Ford-Cosworth, et pour la première fois, ce n’est pas un DFV ! Le HB glane quelques victoires au début des années 90 où il est toujours aussi populaire chez les “petits” constructeurs… les moins argentés utilisant encore des DFR ! En 1993, les dernières victoires de Senna se font avec un moteur HB.
L’année suivante on introduit le Zetec-R et il permet à Schumacher de s’emparer du titre pilote.
En 1996, Cosworth propose son premier V10. Toujours utilisé par les “petits” cette génération de moteurs remportera une victoire avec Stewart en 1999 et la toute dernière de Cosworth en 2003 avec Fisichella sur Jordan au chaotique Grand-Prix du Brésil.
V10 et V8 continueront à équiper de “petites équipes” mais aussi de grands noms comme Williams ou RedBull. En 2013 Marussia est la dernière équipe à être motorisée par un moteur Cosworth.
La “route” c’est un bien grand mot. Les premiers débuts de moteurs Cosworth en dehors des circuits, c’est avec… des Ford évidemment. Mais des Ford de rallye en fait. On parle des moteurs des Escort RS1600, RS1800 et RS2000.
Pourtant, en 1975, Cosworth, qui n’a en fait jamais appartenu à Ford, fait une infidélité à l’ovale bleu ! La Chevrolet Vega embarque un moteur revu par les anglais. Produit à 5000 exemplaires, c’est un gros échec, en partie à cause de base utilisée mais aussi à cause des normes antipollution. Seules 3500 de ces autos seront vendues.
Toujours dans la galaxie GM, Cosworth interviendra sur la conception des moteurs haute-performances d’Opel. Naîtront de ce partenariat les Ascona et Manta 400, les Kadett et Astra GSi, les Vectra et Calibra Turbo.
En parallèle, le nom de Cosworth s’affiche clairement sur les Ford. Qu’elles soient Escort ou Sierra, les RS sont des sportives pures et dures et les moteurs revus par les anglais y sont pour quelque chose !
Au début des années 80, c’est Mercedes qui frappe à la porte de Cosworth pour développer les 190 qui doivent s’engager en rallye et même en Groupe B. Mais cette pure propulsion connaîtra surtout le succès en DTM. Les 190E Evo seront des épouvantails de cette série.
Elles y affronteront d’ailleurs des Audi… propriétaire de Cosworth depuis 1988. Le motoriste anglais sera un acteur important des voitures de course mais aussi des premières autos de la série RS qui apparaît au début des années 90.
En 2005 Audi vendra la partie Engineering de Cosworth à Mahle. Le nom disparaîtra ainsi.
Si on retrouve encore la trace de moteurs Cosworth, notamment sur la T50 de Gordon Muray ou sur l’Aston Martin Valkyrie, c’est en fait la partie “moteurs de course” qui a repris la route !