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Coup d'oeil dans le rétro #15 - L'histoire de Louis Renault - Partie 1

L’enfance d’un chef

Louis Renault naquit un 12 Février 1877 dans une famille de la bonne bourgeoise française qui assoit tranquillement et discrètement sa fortune sans faire d’éclat, petit dernier tardif d’une fratrie de trois garçons, Marie-Joseph-Georges, Fernand, Marcel, et d’une unique fille, Marie-Berthe.

Louis Renault, sa mère et sa soeur


Du côté paternel, on est vignerons en Anjou de père en fils depuis le XV ieme siècle avant de se spécialiser dans la confection. Alfred Renault, 48 ans à la naissance de son dernier fils, avait quitté l’Anjou pour la capitale à 20 ans où il s’installait et investissait, déjà visionnaire, dans des entreprises en difficulté s’enrichissant ainsi sans prendre de risques inconsidérés. A 30 ans, alors que son entreprise dans le commerce de tissus en gros acquiert une dimension européenne, il étend son activité dans la production de soieries, tissu de luxe par excellence et la fabrication de boutons.

Alfred Renault


Du côté maternel, on est artistes et musiciens avant de se diriger vers la confection de chapeaux. En s’unissant, les deux jeunes gens vont faire prospérer les affaires familiales respectives jusqu’au décès brutal d’Alfred le 7 Juin 1892 qui laisse néanmoins sa famille dans une belle aisance avec un petit empire industriel constitué efficacement en quelques décennies. Contrairement à tout ce que Louis Renault a laissé courir sur ses origines, c’est dans ce contexte familial économique et financier confortable qu’il grandit à l’abri du besoin dans les différentes propriétés familiales dont la résidence secondaire de Boulogne Billancourt qui tiendra le rôle que l’on sait dans l’épopée du futur constructeur. Louis s’élève donc dans l’immeuble cossu haussmannien, à deux pas de la gare Saint Lazare, petit garçon choyé et protégé.

Mais en grandissant, il se révèle vite un enfant solitaire, un peu ombrageux et  réfractaire à l’école. Les remarques de ses maîtres ne sont pas tendres et commentent des résultats médiocres et faibles, notant sa résistance à l’acquisition de savoirs dits intellectuels. Il écrit mal et s’exprime plus mal encore. Au lycée Condorcet, il s’échappe régulièrement jusqu’à grimper clandestinement en 1891 dans une locomotive à destination du Havre. Découvert pendant le trajet par les mécaniciens, il sera ramené à Paris par le chef de gare lui-même. La légende voudrait qu’il fût déposé dans son lycée par deux gendarmes, sous le regard d’un de ses camarades, un peu envieux, un certain André Citroën.

En revanche, l’enfant s’affirme vite comme un grand passionné de mécanique.

La société française de l’époque est en pleine mutation en cette fin du XIXème siècle et les avancées technologiques sont légions : l’avènement de l’électricité, les débuts de l’aviation, la démocratisation de la photographie, les premières projections cinématographiques. Très peu pour lui les élucubrations intellectuelles de L‘Instruction Publique : il préfère de loin usiner de petites pièces métalliques grâce à un tour installé dans sa chambre. Alfred, d’abord inquiet de la résistance de son fils à l’enseignement que se doit de recevoir tout fils de bonne famille, est intrigué par sa propension à se passionner pour les machines que recèle l’usine familiale. Il lui confie donc l’entretien de celles-ci, presses à découper, laminoirs, meules dont il s’acquitte avec succès.

La résidence secondaire de Billancourt abrite alors un petit atelier au fond du jardin où Louis dispose très vite d’un établi, d’une forge, d’un tour, d’une chaudière à vapeur et où, toujours très solitaire, il s’isole pour y fabriquer son premier bateau à vapeur qui obtiendra non sans difficulté un agrément de navigation.

Atelier de Louis Renault
Atelier de Louis Renault


C’est l’époque où les premières automobiles apparaissent, curieuses machines montées sur charrette, alimentées en charbon et conçues par un certain Léon Serpollet qui obtient le premier permis de circuler dans la capitale avec une vitesse limitée à 16 km/h. Louis va faire sa connaissance et celui-ci l’accueille dans son atelier de Montmartre où il peut tout à loisir assister aux recherches de l’inventeur.

C’est aussi malheureusement la période où les deuils vont se succéder dans la famille : d’abord le frère aîné Joseph qui disparaît en 1886 emporté par une fièvre typhoïde puis Marie-Berthe en 1889. Alfred le patriarche, décède brutalement en 1892. Plus tard, Marcel mourra en 1903 et Fernand en 1909 : des cinq enfants, Louis sera le seul survivant. Mais auparavant, avec la mort du père, les aînés vont devoir prendre en charge l’éducation de leur jeune frère qui n’a alors que 15 ans tandis que la mère s’abîme dans un océan de chagrin et de dévotions.
 

Les trois frères Renault

Très vite, Louis affirme son refus de participer aux affaires familiales et de devenir un marchand de tissus ou de boutons  mais déclare fermement son intérêt pour la mécanique. On accepte mais à la condition qu’il suive une formation, car il n’a que 16 ans. Et c’est ainsi qu’il se retrouve à préparer le concours d’entrée de Centrale pour devenir ingénieur. Qu’il ratera copieusement alors même que les conditions d’obtention sont moins drastiques qu’aujourd’hui : des années à ignorer l’enseignement de ses maîtres a pesé lourd dans la préparation au concours qui s’avoue être un échec prévisible. Mais avait-il vraiment l’intention de réussir et de rester à nouveau sur les bancs d’une école aussi prestigieuse fût-elle ? On peut en douter et se dire que cette tentative n’eut pour objectif que d’affirmer à nouveau l’incompatibilité du jeune homme avec les études. Et l’atelier du fond du jardin de la maison de Billancourt reprend la place centrale qu’il occupe dans l’univers du jeune Louis où il conçoit un procédé pour améliorer le rendement des chaudières dont il dépose le brevet en 1897.

Son véritable projet est de construire un moteur à pétrole, un procédé qui permettrait de s’affranchir des moteurs à charbon et des chaudières qui alourdissent les premières voitures et les rendent malcommodes. Il va se présenter alors chez les constructeurs de l’époque : Panhard Levassor qui l’éconduit en raison de son inexpérience ; pas plus de réussite chez De Dion Bouton. C’est pourtant des chaudières que viendra l’ouverture au monde industriel avec M. Belleville, directeur de la firme Delaunay Belleville qui l’embauche comme dessinateur, intrigué par la personnalité du jeune homme.

Mais Louis est appelé sous les drapeaux quelques mois plus tard  où il va passer son temps à l’armurerie. Là, il invente un procédé qui automatise le relevé des silhouettes d’entraînement de tir, un pont démontable, un projecteur électrique. Ses inventions sont soutenues par l’Etat Major et bénéficiant de nombreuses permissions, cantonné à Paris, c’est régulièrement qu’il rejoint son petit atelier où il commence à élaborer un projet d’envergure : une automobile dotée d’une transmission de son invention.

Mécanisme de transmission et de changement


A la sortie du régiment, ses frères lui octroient une pension qui va lui permettre de se consacrer désormais à ses inventions. Il s’installe alors à Billancourt, engage un apprenti et est rejoint par un camarade de régiment, Edward Richet.

Ils s’attèlent à la tâche jour et nuit et en deux mois et quelques semaines sort de l’atelier en Décembre 1898 une voiture  révolutionnaire avec un  arbre de transmission articulé par cardans reliant la boîte de vitesse au pont arrière. Ce procédé, s’il utilise des éléments qui existaient déjà séparément mais qui sont désormais assemblés, est encore utilisé aujourd’hui avec un moteur à l’avant et des roues motrices à l’arrière. La vitesse de pointe de l’engin est de 50 km/h. Le double système de freinage est lui aussi révolutionnaire. L’ensemble comporte une vraie suspension à ressorts elliptiques. La direction est toujours assurée par un guidon sur une colonne verticale, les vitesses sont passées grâce à un levier à poignée tournante encore difficile à manœuvrer, l’automobile pèse 250 kg : il s’agit bien là de la première voiture Renault que Louis n’hésite pas à conduire dans les allées du Bois puis sur Les Champs Elysées.

Voiturette Renault 1998
Voiturette Renault 1998


Cette voiture à pétrole est bien la première réussite de l’ambition du futur constructeur qu’il définira plus tard comme le fruit de tout ce qu’il affectionne : l’indépendance et la vitesse. Ce Noël du 24 Décembre 1898 voit les deux frères Marcel et Louis réveillonner dans un restaurant proche de l’Opéra, arrivant sur place à bord de la nouvelle invention. Et c’est vite à une promenade dans Paris à laquelle veulent se livrer les invités avec l’ascension de la rue Lepic, impatients de tester le nouvel engin.
 

Publicité des voitures Renault Frères


Au petit matin, les frères Renault se retrouvent avec une douzaine de commandes accompagnées d’acomptes sonnants et trébuchants. L’aventure Renault est lancée et semble bien démarrer comme un conte de Noël.

To be continued 
 

Article par Marie-Catherine Ligny

Crédits photos: SHGR et APR

 

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