Après quatre heures de festivités, de discours en tous genres, le gouverneur de l’Etat de Chihuahua donna le signal du départ de la course pour la première voiture en lice, une Hudson de 1950 conduite par le mexicain Luis Iglesias Davalos.
La première partie du tracé était un parcours plutôt rapide, une voie rectiligne et sans dénivelé, à travers une étendue désertique. Très vite, les pneumatiques sollicités commencèrent à éclater « comme du pop-corn ». A peine sorti de la ligne de départ, le play-boy milliardaire américain Joël Thorne, vainqueur des 500 Miles d’Indianapolis, explosa sa Cadillac V8 5400 cc de 1949, sans dommage pour lui mais qui mit un terme définitif à sa participation. Le record d’accident et sans doute de ténacité aurait pu être attribué au pilote de la Cadillac qui enregistra deux crashs sur la même portion du tracé. Le toit de la voiture effondré, le pare-brise détruit, le pilote n’hésita pas à reprendre la course un bras dans le plâtre. A seulement 30 km de Juarez, le guatemaltèque Enrique Hachmeister fut moins chanceux, perdit le contrôle de sa Lincoln et se tua sur le coup.
A Chihuahua, 113 voitures étaient toujours en course.
Bill Sterling arriva en tête de l’étape, après 375 km, en 2 heures 19 minutes 12 secondes, enregistrant une moyenne de plus de 160 km/h. Une minute plus tard, c’était au tour d’Anthony Musto originaire de Chicago dans une autre Cadillac, puis de Johnny Mantz au volant de sa Lincoln. Hershel McGriff, futur vainqueur de la course, arriva septième. L’italien Piero Taruffi déclara alors qu’aucune Stock-Car n’était en mesure de soutenir une telle moyenne sur une si grande distance. Mais comme la plupart des propriétaires et pilotes en tête de course étaient des préparateurs, mécaniciens ou vendeurs expérimentés en ce qui concernait la mécanique de compétition sportive, en mesure de se livrer les uns comme les autres à quelques petits arrangement ou adaptations aptes à modifier les caractéristiques et les performances de leurs bolides, les résultats étaient au rendez-vous ! Le record de vitesse fut enregistré pour l’Alfa de Taruffi avec plus de 165 km/h mais avec une petite moyenne de 143,232 km/ h sur l’étape, sans doute en raison d’une panne d’essence qui le contraignit à siphonner le réservoir d’un spectateur coopérant. Néanmoins, le jour suivant, on eut la surprise de voir la Cadillac de Sterling arborer une toute nouvelle inscription, le proclamant détenteur du record de vitesse mondial.
Avec l’étape suivante de 299 km jusqu’à Parral, la course commença à aborder des contreforts montagneux : aucun accident ne fut à déplorer et seulement 3 pannes. George Lynch en Cadillac la remporta avec une moyenne de 152 km/h suivi de Bill Sterling et Johnny Mantz. Jean Trevoux occupe alors la cinquième place avec sa Delahaye et Piero Taruffi termine l’étape vingt-huitième, Felice Bonetto trente-et-unième.
A la fin de la troisième étape, il reste 110 voitures en lice.
Bien évidemment, la voie est fermée avant le passage de la course et les spectateurs qui affluent très tôt s’installent au bord des routes pour des pique-niques festifs. On comptabilise jusqu’à 40000 personnes qui se rassemblent ainsi pour assister aux passages des concurrents.
Le troisième jour, il reste 105 voitures prêtes à disputer l’épreuve la plus longue de la course : 547 km. Le danger est désormais les chevaux postés en pleine voie qui ralentissent les concurrents malgré l’intervention de l’armée qui veille et qui tente de les effrayer tant bien que mal.
A l’arrivée à Mexico, l’accueil est absolument délirant, les concurrents doivent être escortés par la police jusqu’au lieu de réception. Plus d’un million de personnes a envahi les rues pour apercevoir les pilotes et 1500 policiers sont alors appelés en renfort pour contenir la foule. Un des pilotes témoignera que l’épreuve la plus compliquée de la journée fut d’atteindre le centre ville sain et sauf !
Au cours de la sixième étape, peu après avoir quitté Mexico, Mantz qui occupait la première place, tombe brutalement victime de la triste et célèbre et bien handicapante tourista. Son co-pilote fut alors contraint de prendre le volant. Arrivés enfin à destination, Mantz qui allait de plus en plus mal, demanda à voir un médecin qui lui administra une injection digne selon Stroppe de tuer un cheval. Le lendemain matin, celui-ci qui s’attendait à trouver son compagnon sans vie, le vit miraculeusement frais et dispos et prêt à en découdre une nouvelle journée.
La course se poursuivit sur des étendues désertiques seulement peuplées de quelques chèvres accompagnées d’indiens et de rares soldats postés aux endroits stratégiques. Nulle doute que si la course avait alors été filmée, le résultat eut été digne de la meilleure production hollywoodienne. Malheureusement pour les concurrents, et pour Johnny Mantz et Bill Stroppe à nouveau en très bonne position à mi-trajet de la neuvième étape, la route qui aurait dû offrir une facilité déconcertante se révéla pavée de cailloux gros comme le poing. Rapidement, les quatre pneus ne résistèrent pas au traitement subi et les crevaisons s’enchaînèrent de façon effrayante, malgré toutes les précautions prises pour rouler le plus lentement possible. Quand La Lincoln Cosmopolitan atteignit miraculeusement la ligne d’arrivée à El Ocotal alors qu’ils n’avaient plus une roue de rechange, ce fut sur trois pneus et une jante. Trente-cinq voitures les précédaient désormais et ils se trouvaient relégués au neuvième rang du classement général. Hershel McGriff, lorsqu’il avait appris la qualité de la route, s’était enquis rapidement de pneus beaucoup plus résistants lui permettant de traverser l’épreuve du jour sans encombres. Il expliqua plus tard que le vendeur refusa le paiement en indiquant que les pneus étaient offerts à la condition de gagner la course. Ce qui fut selon lui une raison suffisante pour s’exécuter !
Les derniers trente-deux kilomètres comportaient un large terre-plein central. Rouler dessus était plutôt confortable. En revanche, le moindre écart rendait impossible le contrôle de la voiture et les pilotes durent terminer l’épreuve, concentrés sur cette disposition pour le moins dangereuse. La route se finissait avec un dénivelé brutal et McGriff déclara avoir entendu un craquement sourd et inquiétant lorsque la voiture le descendit. Il aurait été impossible au vainqueur de faire dix mètres supplémentaires ayant perdu son réservoir d’essence et d’huile dans l’aventure...
Hershel McGriff remporta la première édition de la Carrera Panamericana au volant son Oldsmobile 88 avec une minute et seize secondes sur Tom Deal, après plus de 27 heures de course. Les troisièmes furent les frères Rogers qui avaient mené une course tranquille mais régulière à bord de leur Cadillac 62.
Les officiels de la course décidèrent alors que le trophée, une somptueuse sculpture en argent massif, gravé de la carte du Mexique et du tracé de la course pavé d’émeraudes devait revenir au héroïque et malheureux pilote inscrit dans l’équipe mexicaine officielle, victime d’accidents à répétition. La raison en était purement politique et nationale et McGriff bon joueur trouva qu’il aurait été grossier de se plaindre et de le réclamer à ses hôtes mexicains. Il dut donc se contenter d’une réplique moins imposante et ostentatoire mais toute aussi prestigieuse à ses yeux.
Cette première édition avait été il faut bien le dire un peu foutraque, un galop d’essai avec des pilotes pour la plupart malchanceux et pour certains carrément inexpérimentés, les voitures n’étant pas adaptées et surtout pas préparées pour une telle compétition d’endurance, avec une organisation novice loin d’être efficace. Et malgré ces défaillances, ce fut un véritable succès. Course qui à la base avait été conçue pour ne connaître qu’une seule édition fut alors considérée comme une véritable plus-value tant au niveau économique que médiatique et sportif. Aussi il fut imaginé de la perpétuer en l’inscrivant au calendrier du Championnat du Monde mais en modifiant son planning et en la situant désormais en Novembre, donnant ainsi toutes les chances aux équipes européennes et nord-américaines de concourir et surtout de disposer alors de 18 mois de préparation. Le tracé fut aussi revu, raccourci et inversé. Désormais le départ serait donné au Sud du Mexique ce qui avait été la dernière étape de l’édition de 1950, pour se conclure à Ciudad Juarez. Cette modification signifiait aussi de pouvoir célébrer l’arrivée dans un secteur « civilisé » et non pas en pleine pampa comme précédemment, permettant ainsi une meilleure couverture médiatique.
Le règlement fut aussi revu concernant les voitures éligibles en terme de modèles et de sécurité en particulier en exigeant des arceaux, des ceintures de sécurité et des casques pour les concurrents. Il fut aussi décidé de poster sur le parcours des commissaires de course chargés d’informer les concurrents des particularités et des incidents éventuels.
La seconde édition vit ainsi l’inscription d’équipes sportives professionnelles avec 105 inscrits.
Piero Taruffi qui s’était promis de revenir, va le faire avec des modèles prestigieux et des pilotes expérimentés. En 1951, la marque au cheval cabré était nouvelle en compétition automobile et particulièrement sur le continent américain. Le rythme de production de la firme de Maranello était de trois voitures par mois.
Et cette année-là deux furent envoyées à Mexico pour concourir avec les numéros de série 0161 et 0163.
To be continued.