Quand on pense à Porsche et à une voiture populaire, la Coccinelle vient rapidement en tête. Pourtant le nom de Ferdinand Porsche est lié à une autre du même genre, bien française cette fois : la 4CV. Une histoire qui mêle Peugeot, Renault, le procès d’un prisonnier de guerre et une sacrée guerre de pouvoir !
Non, Ferdinand Porsche, ce n’est pas QUE Porsche et Volkswagen. Si on regarde un peu son CV… il est vraiment conséquent.
Né en 1875, surdoué, il se passionne pour la technologie. En 1890 sa maison est la première à avoir l’électricité dans la ville… grâce à un générateur qu’il a construit ! Passé par l’École Technique Impériale de Reichenberg, il développe lors de son premier travail un moteur électrique intégré à la roue ! Il est recruté par Lohner et la première auto conçue par Porsche est donc électrique et révélée en 1898. Il la conduit même en course !
Vient ensuite une hybride, toujours avec Lohner, essence et électricité, qui plus est c’est une 4 roues motrices. On est alors en 1902 ! L’électricité automobile se heurte à un problème de batteries et voilà Ferdinand Porsche embauché par le fils Daimler chez Austro-Daimler en tant que directeur technique ! Il en deviendra même directeur général et finit PDG de Daimler en 1923. Pour autant il conçoit toujours des autos, dont les S, SS et SSK destinées à la compétition.
En 1929 il commence à voler de ses propres ailes et fonde son bureau d’étude. Dans les années 30 il crée les flèches d’argent Auto Union qui se feront remarquer en Grand Prix puis, à partir de 1933 il travaille sur la Volkswagen, la voiture du peuple voulue par le reich.
Comme beaucoup d’industriels Ferdinand Porsche entre au parti nazi en 1937, ce qui lui permet surtout d’obtenir des marchés intéressants. Pendant la guerre il est “coordinateur de l’effort de guerre industriel du IIIe reich”. Un poste qui l’amène à concevoir et superviser la fabrication des voitures, camions et chars de tous les corps d’armée.
En France, il est particulièrement mal vu. Il supervise ainsi la production des usines Peugeot à Sochaux. Comme tout ne va pas aussi vite que voulu, il fait déporter 8 directeurs et dénonce les actes de sabotages qui ralentissent la production.
Plus à l’ouest, du côté des usines Renault, les automobiles ont quitté les chaînes de production en 1941. À la place on remet en état des chars français pour l’armée allemande. Cela vaut à l’usine de recevoir son lot de bombardements.
Mais dès Octobre 1940 Charles-Edmond Serre et Fernand Picard se sont lancés dans la conception d’une auto populaire pour l’après-guerre. C’est évidemment fait en secret et même Louis Renault, qui voit toujours d’un mauvais œil les populaires et qui n’a accepté qu’à regret l’arrivée de la Juvaquatre, n’est pas au courant.
Le premier prototype est roulant en décembre 1942. On est loin de la Renault 4CV qu’on connaît, avec deux portes et une carrosserie en alu. Un autre suivra plus tard et un dernier sera fabriqué après-guerre.
À la fin du conflit, l’auto est affinée et elle s’apprête à sortir. On fait même modifier la loi quand on se rend compte que ses phares sont trop bas. Les outillages entrent en fabrication et on se prépare à lancer une des premières autos d’après-guerre.
Pour autant, chez Renault il règne une drôle d’ambiance. Louis Renault est incarcéré à Fresnes, où il décédera peu après, accusé de collaboration… et le gouvernement en a profité pour nationaliser le constructeur devenu la Régie Nationale des Usines Renault.
Fin 1945 le ministre de la production industrielle, Marcel Paul, invite officiellement Ferdinand Porsche, Ferdinand Anton Ernst (Ferry) Porsche, son fils, et Anton Piëch (son gendre) à venir visiter les usines Renault. Néanmoins cela ne plaît pas, ni à Pierre Lefaucheux, ni à Jean Pierre Peugeot. Lors d’un rendez-vous, ils sont emprisonnés. Ferry est libéré sous caution mais Porche père et Piëch restent sous les verrous en France.
Marcel Paul a cependant de la suite dans les idées et les deux ingénieurs arrivent à Billancourt en mai 1946. Le ministre veut toujours leur faire visiter les usines et surtout, leur faire étudier, voire superviser, la fin de la conception de la 4CV. Le ministre communiste a en tête une gestion de Renault très soviétique. Néanmoins Lefaucheux fait tout pour que Porsche et Piëch ne fassent rien.
Pour autant, on fait tester le prototype aux allemands à la fin Juillet 1946. L’expérience est de courte durée puisque les usines ferment pour les vacances ! En Octobre les essais reprennent… et cessent bien vite. Marcel Paul est remplacé par Robert Lacoste qui n’est pas de l’avis de son prédécesseur.
Et puis Porsche fait des siennes. Déjà, il veut faire venir ses collaborateurs et une secrétaire afin de bien étudier le projet. Tout cela est refusé par Lefaucheux. De toute façon l’ingénieur allemand n’est pas dupe. Il voit bien que la voiture est aboutie, que l’outillage est là. En fait il va se contenter “d’adouber” le travail de Serres et Picard en déclarant que l’auto peut être construite et commercialisée dans l’année.
La Renault 4CV est présentée au salon de Janvier 1947. Aucune modification n’a été apportée par Porsche. On tente de le “recaser” chez Panhard qui travaille sur sa Dyna, mais un refus de plus laisse l’ingénieur allemand désoeuvré et prisonnier.
Malade, déprimé, il est finalement libéré, au grand dam de Sochaux, après avoir été en grande partie acquitté et après que Piero Dusio, très bon ami de Ferry - ils travaillaient ensemble sur les Cisitalia - n’ait payé la caution d’un million de Francs à l’état français !
En fait, on notera une seule influence allemande sur les Renault 4CV. Si l’auto est surnommée “la motte de beurre” c’est autant à cause de sa forme que de la couleur des premières autos. En effet les premières autos sont peintes avec un jaune-sable, en fait un stock de peintures de l’Afrika Korps que la régie a récupéré !