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Ferguson P99: 4 roues motrices en F1

Même si son apparition fut furtive et ne laissa pas un grand souvenir dans le monde de la F1, la Ferguson P99 fut particulièrement innovante et ce, pour deux raisons. Elle fut la première Formule 1 à quatre roues motrices, mais aussi celle qui proposa pour la première fois un système d'antiblocage des roues au freinage. Pas mal pour une marque dont la principale activité était la commercialisation de tracteurs. Retour sur son bref passage dans le monde merveilleux de la F1.

Des terres agricoles au bitume des circuits.

Quel rapport entre un tracteur et une F1 ? Pas grand-chose à vrai dire si ce n’est que c’est sous l’impulsion de Harry Ferguson, le Ferguson de la marque d’engins agricoles bien connus Massey-Ferguson, qu’est né le projet P99. 
C’est d’abord avec Ford qu’Harry Ferguson a commencé à vendre des tracteurs. Fort de quelques brevets, comme le relevage hydraulique, il travaille pendant quelques années avec Henry Ford. Une rupture de contrat avec le géant américain et un procès à la clef, le voilà dorénavant associé avec Massey-Harris ceci débouchant sur la création de la marque Massey-Ferguson.
Mais cela ne suffit pas au bouillant ingénieur irlandais qui fonde Harry Ferguson Research Limited qui lui permet de lancer quelques projets. C’est en 1960, qu’il approche Tony Rolt, le pilote Jaguar, et Claude Hill, ingénieur en chef chez Aston Martin pour travailler sur un système utilisé sur ses tracteurs : la transmission intégrale.
C’est par le biais de la compétition qu’il compte promouvoir son invention et décide de se lancer dans la conception d’une monoplace de course à quatre roues motrices.

Un développement pas de tout repos.

La création n’est pas forcément un long fleuve tranquille. C’est ce que va constater l’équipe constituée par Harry Ferguson. Alors que la voiture devait être prête pour participer à quelques courses en 1960, elle ne le sera que pour la saison suivante. Le challenge est grand et, dès le départ, il faut faire face à quelques contrariétés. Tout d’abord, afin de respecter une répartition des masses équivalente entre l’essieu arrière et l’essieu avant, Claude Hill doit positionner le moteur à l’avant ce qui va à l’encontre de la tendance du moment qui favorise une position arrière comme sur les Cooper ou Lotus.
De plus, la Commission Sportive Internationale décide de ramener la cylindrée des voitures disputant le championnat F1 à 1500cm3 alors que c’était un Climax 2,5l qui était prévu à l’origine. La puissance dégagée par ce plus petit moteur sera-t-elle suffisante pour bénéficier des avantages d’une quatre roues motrices ?
Le moteur est placé en position légèrement inclinée de façon à laisser un espace suffisant pour permettre au système de transmission de prendre place. Celui-ci possède un différentiel central qui renvoie la puissance via deux autres différentiels vers l’avant et l’arrière. Le siège du pilote est décalé vers la droite pour laisser passer l’arbre relié au différentiel arrière.


 Autre nouveauté, les quatre freins à disques bénéficient d’un système antiblocage signé Dunlop-Maxaret. Cet ancêtre de l’ABS, qui équipe d’habitude les avions, est une première sur une Formule 1.
Si sur le papier l’auto semble performante malgré le changement de cylindrée, deux points noirs viennent assombrir le tableau. Elle est une bonne centaine de kilos plus lourde que les monoplaces concurrentes, et sa conduite demande au pilote un temps d’adaptation certain.

Une carrière trop courte

Jack Fairman à Silverstone


Jack Fairman à Silverstone

Avant même d’avoir participé à sa première épreuve, l’équipe anglaise prend de plein fouet le décès de son fondateur, Harry Ferguson. Celui-ci ne verra donc pas courir la première voiture élaborée par son équipe.
Le coup est rude, mais ne décourage pas Claude Hill et Tony Rolt, bien décidés à voir leur création en découdre sur la piste.
C’est sur le circuit de Siverstone, le 8 juillet 1961 que l’on voit pour la première fois la P99 participer aux essais qualificatifs du British Empire Trophy. La voiture est engagée sous les couleurs du Rob Walker Racing et c’est Jack Fairman qui est au volant. Même si cette course n’est pas au calendrier du championnat du monde de Formule 1, ce sera un test grandeur nature qui permettra de juger véritablement du potentiel de cette quatre roues motrices. 
Aux essais, la Ferguson réalise le 11ème temps sur 18 voitures présentes. Alors que Surtees décroche la pôle, Fairman boucle son tour de piste 5,2’’ derrière. Visiblement, il y a encore du travail à faire pour être en première ligne.
Malheureusement, la course ne permettra pas de récolter plus d’informations puisqu’au bout de deux tours, c’est l’abandon à la suite d’un accident.
C’est mi-juillet, sur le circuit d’Aintree, au GP de Grande Bretagne, que l’on retrouve la P99. C’est de nouveau Fairman qui est derrière le volant. Aux essais, il réalise le 20ème temps à 4,6’’ de la Ferrari de Phil Hill. Après un début de course au milieu du peloton, Fairman laisse son volant à Stirling Moss. En effet, celui-ci engagé sur une Lotus du Rob Walker Racing rencontre des problèmes mécaniques. Son statut de premier pilote au sein du team, lui donne la priorité. Mais l’expérience pour lui va rapidement tourner court, puisque la voiture est disqualifiée, ayant dû être poussée pour pouvoir redémarrer après un arrêt au stand.
Même si le passage derrière le volant de la Ferguson a été rapide pour lui, Moss a perçu un certain potentiel et demande à Rob Walker de l’engager pour une des dernières courses de Formule 1 de l’année, l’International Gold Cup.

Stirling Moss et la P99


Stirling Moss et la P99

C’est à la fin de l’été que les principales écuries anglaises se sont données rendez-vous à Oulton Park. Certes, la course est hors championnat, mais la quasi-totalité des meilleurs pilotes du monde de la F1 sont là. Moss crée une mini surprise en réalisant le 2ème temps de la séance d’essai derrière Bruce McLaren. Le jour de la course, les dieux semblent avec le pilote au casque blanc puisqu’une petite bruine fine tombe de façon continue. Les quatre roues motrices de la Ferguson, alliée au pilotage tout en finesse de Stirling vont faire merveille pendant les 60 tours de la course. C’est avec 46 secondes d’avance sur Jack Brabham que l’anglais et sa P99 gagne l’épreuve en réalisant au passage le meilleur tour en course.

Stirling Moss. La seule victoire pour la P99 à Oulton Park


Stirling Moss. La seule victoire pour la P99 à Oulton Park

Ce sera la première et dernière victoire d’une voiture à quatre roues motrices dans une course de Formule 1. 
C’est en 1963 que l’on retrouve la Ferguson sur une piste. Pas en Angleterre, mais en Australie. Cette fois-ci, c’est Graham Hill qui se glisse derrière le volant. Le moteur de 1500cc a été remplacé par le 2500cc Climax. La puissance est là, mais la voiture reste lourde et beaucoup moins agile que la concurrence à moteur arrière.

Graham Hill en Australie


Graham Hill en Australie

Le 10 février 1963, elle prend part au Grand Prix d’Australie qui se déroule sur le Warwick Farm Raceway. C’est une épreuve hors championnat mais beaucoup de pilotes de premier plan y préparent leur saison européenne. C’est toujours sous les couleurs du Walker Racing Team que Graham Hill qualifie la P99 en 8ème position à 2,5’’ de la Lola de John Surtees qui décroche la pôle. Après une course sans éclat, c’est 6ème que termine la quatre roues motrices à un tour du vainqueur Jack Brabham. Elle fait un peu mieux quelques jours plus tard en prenant la 2ème place à Lakeside à une trentaine de secondes de la Lola MK4A de John Surtees.
La suite de la carrière de la Ferguson se passera en Angleterre entre les mains de Peter Westbury. Il inscrit la voiture dans des courses de côtes dont il est un des spécialistes.

Peter Westbury et la P99


Peter Westbury et la P99

Avec, il remporte le titre britannique de la spécialité en 1964.
Avant d’être définitivement retirée du circuit, La Ferguson P99 va être source d’inspiration pour l’élaboration d’une quatre roues motrices pour l’Indy Car. C’est elle qui sert de base à la Novi P104 qui sera engagée deux années de suite aux 500 miles d’Indianapolis aux mains de Bobby Unser. Sans succès puisqu’il devra abandonner en 64 et 65.

La monoplace du Walker Racing Team est alors remisée dans un musée. Elle réapparaît quelquefois à Goodwood, ou dans des courses de côtes.
A ce jour, et malgré quelques timides études et essais menés par BRM, Matra ou McLaren, aucune voiture à quatre roues motrices n’est venue animer le championnat du monde de Formule 1.

Crédit photos : Primotipo, MotorSport, Pinterest, MC, Sprintracerclub, historiqueF1, flickr


 

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