Quand en 1971, François Cevert remporte le GP des Etats-Unis sur le circuit de Watkins Glen, cela ne surprend personne et tout le monde s’accorde à dire que ce n’est qu’une suite logique pour celui que l’on voit déjà comme le futur champion du monde de formule1. Personne alors ne s’imagine que deux ans plus tard celui à qui semble promis un si bel avenir, va se tuer lors des essais de ce même Grand Prix.
François Cevert nait le 25 février 1944 à Paris dans une famille installée à Neuilly. Très tôt le jeune François s’intéresse à la mécanique et passe rapidement du scooter familial à la moto, une Norton, avec laquelle il tâte à la compétition. Rapidement, il décide de passer aux quatre roues et se donne les moyens de ses ambitions en s’inscrivant à l’école de l’AGACI pour suivre des cours de pilotage. Déjà, il clâme haut et fort son premier objectif : gagner le Volant Shell. Après un service militaire passé en Allemagne, il atteint son but et devient le lauréat du Volant Shell 1966. Après une première saison décevante au volant d‘une voiture fragile et peu performante, celle qu’il aurait du avoir en gagnant le Volant Shell terminant entre les mains de Depailler son dauphin, il réussit à acquérir une Tecno-Ford pour disputer dans de meilleures conditions le championnat de formule 3 1968. Malgré une concurrence redoutable et avec un petit coup de pouce du destin - Jaussaud en tête du championnat victime
d’un accident à Monza ne peut courir la dernière manche à Albi en pleine possession de ses moyens- Cevert gagne et enlève le titre devant Jabouille.
Engagé en formule 2 pour la saison 69, il concrétise tous les espoirs placés en lui en gagnant à Reims devant les Brabham et termine 3ème du championnat d’Europe de Formule 2.
Jean-Luc Lagardère, patron de Matra, suit les performances de Cevert avec attention et n’hésite pas à l’engager pour courir l’année suivante sur les Matra 650 en Sport-Prototypes.
Ses premières courses chez Matra ne sont pas de tout repos. Que ce soit d’abord à Daytona puis ensuite à Sebring des incidents mécaniques l’empêchent de bien figurer. Il en sera de même aux 24 Heures du Mans où, associé à Jack Brabham, le duo doit abandonner. Les équipiers se rattraperont enfin hors championnat en gagnant aux 1000km de Paris sur le circuit de Monthléry.
On retouve Cevert chez Matra à l’occasion des 24h Heures du Mans 1972. Longtemps en tête, associé à Howden Ganley, ils terminent à une belle deuxième place après quelques soucis les obligeant à rentrer au stand pour réparer (suite à une collision avec MC Beaumont).
1973 sera un meilleur cru. Associé à son beau-frère JP Beltoise, ils sont un des deux équipages vedettes de l’écurie française avec le duo Pescaolo/Larrousse. Après un abandon à Daytona, il gagne à Vallelunga devant la Ferrari 312PB de Tim Schenken au terme d’une magnifique remontée après avoir repris le volant de la Matra de Larousse/Pesacarolo. L’équipage Beltoise/ Cevert termine ensuite 2ème en Autriche et 3ème à Dijon. Pourtant, l’ambiance n’est pas sereine entre les deux hommes.
Divergences sur certains réglages de leur voiture, et surtout, manque de réussite quand, en tête de la course, Beltoise, au volant, doit abandonner à Monza, aux 1000km du Nüburgring, au Mans alors que Cevert subit le même sort que son coéquipier à Watkins-Glen. Heureusement, la victoire finale de Matra au Championnat du Monde des Marques met un peu de pommade sur leurs plaies. Ce sera la dernière course de François Cevert en Sport Prototypes.
Son programme en Sport-Prototypes étant « léger » en 1972, il en profite pour faire quelques courses dans le réputé championnat Can-Am. Et ce n’est pas pour rien que le français fait le déplacement.
Au volant de sa McLaren-Chevrolet, il termine 4 fois sur le podium dont une belle victoire à Donybrooke et termine 5ème du championnat. Belle performance pour quelqu’un dont ce n’est pas l’objectif principal.
Grace à l’appui de François Guiter directeur des relations publiques chez Elf, qui l’a recommandé auprès de Ken Tyrrell mais aussi, un peu grâce à Servoz-Gavin qui a décidé d’arrêter en pleine saison alors qu’il était le deuxième pilote de l’écurie britannique, Cevert se retrouve chez Tyrrell. Stewart, champion du monde en 69, est le premier pilote mais surtout, sera un fantastique mentor pour le jeune français pour ses débuts dans le grand cirque de la F1.
La première saison ne sera pas facile. Son meilleur résultat sera une 6ème place à Monza ce qui lui permet de marquer son premier point. Globalement la saison ne sera pas non plus très brillante pour Stewart qui attend avec impatience une nouvelle voiture capable de le faire gagner, la Tyrrell-Ford.
La saison 71 sera celle de l’éclosion pour Cevert et celle d’une nouvelle consécration pour son coéquiper. Après être monté sur le podium à la deuxième place derrière Stewart en France et en Allemagne, il termine 3ème en Italie et surtout, remporte sa première victoire lors du Grand Prix des Etats-Unis sur le circuit de Watkins Glen. Parti en 5ème position, il prend la tête de la course au 17ème tour et résiste aux assauts répètés de Jacky Ickx dans un premier temps avant de pouvoir terminer la course avec une belle avance sur Siffert. Avec ces bons résultats, Cevert termine 3ème au Championnat derrière Stewart 1er et Peterson.
1972 sera une saison à oublier pour Cevert. Fittipaldi sur Lotus domine et gagne le championnat pilote tout comme Lotus le titre constructeur. Stewart sauve la saison pour Tyrrell en gagnant 4 grands prix, Cevert doit se contenter de 15 petits points après une saison décevante marquée par deux deuxième place en Belgique et aux USA.
1973 devrait permettre à Cevert de concrétiser enfin tous les espoirs placés en lui. Pourtant, le début de saison ne se déroule pas comme prévu. Si à Bueno-Aires il termine deuxième devant Stewart, les deux Grands Prix qui suivent ne lui permettent pas de marquer des points pour le championnat. Il se rattrape en Espagne où il termine à nouveau second derrière Fittipaldi tout comme à Zolder où il est devancé par son coéquipier après une course superbe qu'il a menée jusqu’au 20ème tour. Il continue sur sa lancée pour les trois Grands Prix suivant et termine 4ème à Monaco, 3ème en Suède, 5ème en Grande-Bretagne avant deux deuxième place derrière Stewart en Hollande et en Allemagne.
La fin de saison s’annonce serrée pour le titre mondial et Ken Tyrrell demande au français d’aider Stewart dans sa conquête pour un nouveau titre. Après un abandon en Autriche, il termine 5ème en Italie mais abandonne au Canada après un accrochage avec Shekter ce qui lui vaut deux chevilles foulées.
Stewart est d’ores et déjà certain de remporter le titre quand se présentent les essais du dernier Grand Prix de la saison à Watkins-Glen. Seul le titre constructeur est encore en jeu. C’est lors des essais, le 6 octobre 1973, que Cevert quitte la piste et vient s’écraser contre les glissières de sécurité. L’enquête pour essayer d’expliquer l’accident sera menée sans arriver à trouver une autre raison que celle d’une éventuelle erreur de pilotage à un endroit du circuit particulièrement délicat car composé d’une suite de virages appelée les S, ou peut-être tout simplement à cause d’un manque de chance pour un pilote conduisant la plupart du temps à la limite.
Tyrrell renoncera en signe de deuil à prendre part à la course laissant le titre constructeur à Lotus.
Son troisième titre en poche, Stewart qui avait déjà annoncé à son team manager sa retraite perd ce jour là celui qu’il considérait comme son meilleur ami. Une raison supplémentaire pour se retirer.
François Cevert aura traversé le milieu de la compétition automobile telle une météorite. Doué, audacieux, charismatique, tout le monde sera unanime pour lui reconnaitre un talent hors normes devant l’amener au titre suprême. Sa mort brutale aura brisé son rêve et celui de tous ses supporters qui voyaient en lui le premier français champion du monde de formule 1.
Photos D.P.P.I
Associated Press
Sources François Cevert “La mort dans mon contrat” Jean-Claude Halle 1974