Parmi tous les pilotes français ayant participé au championnat du monde de Formule 1, Jean Pierre Beltoise a été un de ceux qui a permis au Sport Automobile français de retrouver le haut de l’affiche. Rares sont les pilotes qui se sont battus avec autant de courage et de persévèrance, et sa victoire au Grand Prix de Monaco 1972 a été ressentie par tous comme une forme de justice pour celui qui, ce jour là, domina de façon magistrale sous une pluie battante, toute la concurrence.
Après avoir piloté en F1 pendant 5 années pour Matra, Beltoise quitte la marque de Velizy, Chris Amon ayant été nommé premier pilote. C’est vers BRM qu’il se tourne en acceptant la proposition que lui fait Louis Stanley président de l’Ecurie anglaise.
Le V12 qui équipe la P160 semble compétitif, l’équipe vient de terminer 2ème au championnat constructeur, et il n’y a pas de raison pour le français d’hésiter.
S’il fait l’impasse sur la 1ère course de l’année en Argentine, il vient à peine d’intégrer le team, il se rend vite compte que ce ne sera pas facile de briller. En Afrique du Sud et surtout en Espagne, aucune des BRM ne terminent, le français abandonnant au bout de 9 tours à Jarama. C’est donc en plein doute que le GP suivant se profile. Et ce n’est pas n’importe lequel puisque c’est sur le tourniquet de Monaco que les F1 vont devoir s’expliquer.
C’est 15 jours après l’Espagne que l’équipe BRM se retrouve dans la principauté. Les P 160 n’ont pas subit de modification depuis leur dernière prestation et même si Beltoise aime les circuits en ville et particulièrement Monaco où il a gagné en Formule 3, la tendance n’est pas à un optimisme débordant.
Si les essais se passent sur le sec les jeudi/vendredi, la pluie s’invite pour la séance du samedi. La grille de départ est donc figée le vendredi soir. Emerson Fittipaldi réalise la première pôle position de sa carrière sur sa Lotus 72D à moteur Ford Cosworth. Les deux Ferrari 312B2 d’Ickx et Regazzoni suivent. Le 4ème temps, et c’est une bonne surprise est l’oeuvre de JP Beltoise qui place sa BRM P160B en deuxième ligne à 1,1 seconde du brésilien.
Pour l’anecdote, on retrouve en 22ème position un jeune autrichien dont c’est la première apparition en GP, Niki Lauda sur une March 721X
Ce dimanche 14 mai, une pluie soutenue tombe sur les monoplaces au moment de la formation de la grille de départ.
Ce n’est pas pour déplaire à JP Beltoise. En effet, suite à son acccident aux 12 Hrs de Reims quelques années plus tôt, il ne peut plus plier son bras gauche qui ne lui sert qu’à tenir le volant quand il utilise sa main droite pour changer de rapport. Une piste humide implique moins d’adhérence de la part des voitures, donc moins d’effort à fournir pour tourner le volant. De plus, la BRM sera moins sollicitée, la cadence adoptée pendant l’épreuve devenant tributaire des conditions de course.
Dès le drapeau baissé, le français très concentré bondit de sa 2ème ligne, surprenant Ickx et Fittipaldi. Il arrive ainsi au virage de Sainte Dévote en tête. C’est tout bénéfice pour lui. La visibilité est meilleure et sa position lui enlève le souci de devoir doubler sur un circuit où on sait qu’il n’est jamais facile de le faire.
La course est longue, 80 tours, et les conditions météo obligent les pilotes à redoubler d’attention, les voitures ne demandant qu’à quitter la route.
Rapidement, le seul capable de suivre le rythme est Jacky Ickx sur sa Ferrari. Il est reconnu comme le spécialiste de la pluie et n’entend pas laisser Beltoise mener sans réagir.
Cela se complique un peu plus pour le français quand il commence à rattraper les attardés. Il doit parfois faire preuve d’autorité en jouant des coudes comme avec Tim Schenken qu’il devra « bousculer » pour passer.
Dépasser un attardé n’est jamais facile à Monaco. Beltoise doit jouer des coudes.
Grace à un pilotage fluide, il fait mieux que résister au retour du belge, se permettant même de réaliser le meilleur tour en course.
Au bout de 2hrs26’54’’ la BRM franchit la ligne d’arrivée avec plus de 38’’ d’avance sur la Ferrari. Fittipaldi complète le podium, avec un tour de retard sur le vainqueur.
Jean Pierre Beltoise vient d’obtenir une incontestable victoire dans la principauté. C’est aussi, pour lui, la reconnaissance de son talent, lui si souvent considéré injustement comme un casseur de voiture.
Malheureusement, pour le français, cette victoire ne sera qu’un feu de paille. Il se confirme, pendant tout le reste de la saison, que sa voiture n’est pas compétitive dans des conditions « normales » et il ne marquera plus aucun point.
Les deux saisons suivantes, toujours chez BRM, ne lui permetront pas de retrouver la victoire. Les finances de l’équipe anglaise au plus mal, elle doit se retirer à l’issue du championnat 1974.
Ce succès à Monaco reste donc la seule et unique victoire de JP Beltoise en championnat du monde de Formule 1. Elle est également la dernière victoire pour l’écurie BRM.
A la suite de ce GP, la FIA décidera de limiter à 2 heures tous les GP de Formule 1.
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