C’est peut-être un peu exagéré de comparer une Jaguar Type D à une citrouille alors qu’elle est passée depuis bien longtemps au rang d’icônes. Ses performances, ajoutées à une ligne séduisante, ne peuvent être contestées et ses résultats sportifs ne font que confirmer son statut. Pourtant, quand on regarde ce que le designer Michelotti a réussi à produire à partir d’un châssis de Type D, on est pas loin de Cendrillon. Bonne raison pour nous rafraîchir la mémoire.
Quand en 1954, Jaguar sort sa Type D, personne n’a de doute sur sa capacité à gagner à nouveau les 24hrs du Mans et succéder ainsi à la Type C vainqueur en 1951 et 1953. Si 1954 est un coup d’essai, elle le confirme en 1955 et 1956.
Le châssis XKD 513, un des premiers vendus aux clients, part pour la France avec pour objectif les 24hrs du Mans 1957. Importée par Delecroix, la voiture est destinée au concessionnaire lyonnais Henri Peignaux propriétaire d’une petite écurie de courses au nom évocateur, « Los Amigos ». Préparée par l’usine, la voiture participe à la course mancelle dans une livrée bleu de France avec Jean Lucas et « Mary », alias Jean Marie Brussin à son volant.
C’est à une remarquable 3e place que termine la Type D de l’écurie française, assurant du coup à Jaguar un triplé, n’étant devancée que par deux autres Type D de l’Écurie Écosse.
Le règlement international ayant changé et la cylindrée maximum autorisée étant de 3l, la voiture repart à l’usine pour recevoir un moteur conforme aux nouvelles normes.
On retrouve la Type D au départ de ces 24hrs 1958. Elle porte le n°11 et ses pilotes sont toujours « Mary » associé, cette fois-ci, à André Guelfi surnommé « Dédé la Sardine ».
Mais là, les choses ne vont pas se passer comme prévu. Alors qu’une pluie diluvienne s’abat sur le circuit de la Sarthe, « Mary » alors au volant, percute la Ferrari 250 TR de Bruce Kessler et doit abandonner au bout de 6 heures de course. Pire, le pilote, grièvement atteint, succombe à ses blessures.
Cet évènement tragique clos la « première vie » de XKD 513. Partiellement détruite, elle est stockée dans un garage dans lequel elle reste jusqu’en 1960.
Michelotti est, début des années 60, un des designers italiens les plus en vue. Fort d’une longue expérience, il a débuté très jeune chez Stabilimenti Farina, il est à la source de plusieurs centaines de dessins, mais surtout de dizaines de projets ayant abouti à la construction de voitures remarquées. Depuis quelques années, il a pris son indépendance et est sollicité par bon nombre de marques.
Déjà auteur d’un coupé sur base de Jaguar XK140, Michelotti apprend l’existence de XKD 513 et décide de racheter ce qu’il en reste. C’est deux ans plus tard que le coupé est présenté au salon de Genève 1963. La base mécanique est celle de la Type D, mais la carrosserie se présente sous la forme d’un coupé des plus séduisant.
Son intérieur a été profondément modifié avec un tableau de bord de forme concave et un confort digne d’une GT prête à avaler les kilomètres. Une vraie réussite pour le designer italien.
Michelotti garde la voiture, vitrine de son savoir-faire, pendant quelques années avant de la revendre à un amateur américain. Elle change alors plusieurs fois de mains pour finir par revenir en Angleterre où son nouveau propriétaire décide de la faire restaurer.
Plus intéressé par la mécanique que par la carrosserie, il prélève la mécanique pour reconstruire la Jaguar Type D telle qu’elle était à ses débuts. La carrosserie est replacée sur la structure d’une Type E.
Alors que la Type D repart pour une nouvelle vie avec un châssis numéroté XKD513 telle que l’on peut la voir régulièrement aujourd’hui à Goodwood.
Le coupé Michelotti, ou ce qu’il en reste, reçoit lui un intérieur profondément modifié et une peinture rouge.
On perd alors sa trace avant que Roland Urban, grand amateur de Jaguar et ex président du FJDC, la retrouve et l’équipe d’un moteur conforme à sa première version.
Il la garde pendant une vingtaine d’années avant que sa collection ne soit vendue et que le coupé Michelotti reparte sous de nouveaux cieux.
Elle est aujourd’hui entre les mains d’un collectionneur belge qui lui a redonné sa teinte initiale et fait restaurer son tableau de bord comme à son origine.
Michelotti considérait son coupé sur base de Type D comme une de ses plus belles réussites et c’est vrai qu’on ne peut lui donner tort même si d’autres voitures issues de son coup de crayon méritent elles aussi d’être mises en avant.
Le fait qu’elle soit désignée plus beau design du salon de Genève au moment de sa présentation ne faisait que confirmer ce que tous les visiteurs de l’époque pensaient et renforçait l’idée que le designer italien avait de son coupé Type D.
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