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Jaguar XK140 Boano : Quand Raymond Loewy revisite la belle anglaise

Il n’est jamais facile de revisiter ce que l’on considère déjà comme un chef d’oeuvre. Ce fut le cas pour Raymond Loewy, styliste touche à tout, qui s’aventura à vouloir rhabiller un châssis de Jaguar XK140. Pas certain qu’il ait pris, ce jour là, la décision la plus judicieuse de sa longue carrière.

Un projet contrarié

Au milieu des années 50, Raymond Loewy est à la tête d’un véritable empire stylistique. Très éclectique, il est capable de passer du réfrigérateur aux logos publicitaires, comme des locomotives à l’automobile. Il est considéré comme le père du design industriel et rien ne semble devoir résister à sa créativité débordante où à celle de ses équipes.

En 1954, Ferrari fait appel à son cabinet pour travailler sur un châssis de Ferrari 250 Europa. Pinin Farina, le carrossier habituel de la marque de Maranello ne voit pas cela d’un très bon oeil. De peur de mettre à mal un partenariat long de plusieurs années, Ferrari abandonne le projet. Loewy, qui avait fait travailler ses équipes sur le dossier, ne compte pas en rester là et souhaite le concretiser. Il envisage alors de remplacer le châssis prévu à l’origine par celui d’une Jaguar XK 140 proche en dimensions à celui de la Ferrari. Fin du premier acte.

La XK140 rentre en piste

La future XK140 de Raymond Loewy chez Boano

En 1955, Raymond Loewy fait l’acquisition d’une Jaguar XK 140 dans sa version coupé, avec une conduite à gauche.

C’est au carrossier italien Boano que le travail est confié. Celui-ci doit faire quelques aménagements pour adapter l’étude originale au nouveau châssis. Notamment à cause du volumineux moteur XK qui a du mal à trouver sa place sous le capot,

Après une année de travail, l’auto est présentée au salon de Paris en octobre 1956.

           

La réalisation n’a plus grand chose à voir avec le dessin d’origine. La carrosserie est beaucoup plus fine et élancée. Très basse, elle détonne par son avant singulier. Celui-ci a fait l’objet de plusieurs études, le positionnement des phares soulevant quelques problèmes.

L’énorme calandre épousant la forme d’un capot plongeant ne fait pas l’unanimité même si les concepteurs ont cherché à la rendre moins visible en atténuant son aspect chromé.

La lunette arrière, imposante, apporte beaucoup de luminosité dans l’habitacle.

La voiture présentée ne possède pas de pare-chocs, le choix définitif de leur forme et positionnement n’étant pas acté.

Les deux ailes arrières reprennent les gimmicks en vigueur dans la production américaine des années 50.

Dire que cette XK140 Boano est bien accueillie serait un euphémisme. Les critiques ne manquent pas. Certains journalistes n’hésitent pas à se moquer de la réalisation de Loewy en reprenant le titre d’un de ses livres « La laideur se vend mal ». 

Raymond Loewy et son oeuvre

A la fin du salon, le styliste franco/américain va garder la voiture en France avant de l’embarquer pour les Etats-Unis.

En 1957, il vend la XK140 Boano à Archie Moore, boxeur champion du monde en catégorie mi-lourd.

Jusqu’au bout, la Jaguar aura une vie mouvementée puisqu’elle va finir totalement détruite dans un incendie.

    

Cet essai sur base d’XK140 restera sans suite, ce qui ne surprendra personne. Raymond Loewy se risquera encore une fois, quelques années plus tard, à élaborer une carrosserie sur une base Jaguar. C’est la Type E qui sera, à son tour, « victime » de son esprit créatif. Réalisée en France par le carrossier Pichon-Parat, elle n’aura pas plus de succès que sa réalisation précédente et subira aussi les foudres de la presse spécialisée.

Preuve en est que malgré des talents stylistiques reconnus par tous, il y a des domaines où cela ne suffit. Raymond Loewy en fit l’amère expérience.

Crédit Photo : Pinterest, Boano Archives,

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