Jean Bugatti, né en 1909, n’a pas encore un an quand Ettore Bugatti fonde sa propre marque de voiture. Rapidement, le succès est au rendez-vous et l’entreprise va devenir un des fleurons de l’automobile de luxe française.C’est très tôt, à moins de 20 ans, que Jean va s’impliquer de façon active dans l’usine créée par son père.Sa première création, qu’il réalise pour sa sœur Lidia, voit le jour en 1928, où, sur une base de Type 40, il conçoit un roadster très inspiré des coupés hippomobiles.
Il va alors prendre de plus en plus de place dans la direction de l’usine de Molsheim et influencer nombre de décisions prises...Il fait parler sa créativité en dessinant des habillages classiques à l’équilibre parfait mais aussi des voitures caractérisées par une recherche poussée dans le domaine de l’aérodynamisme.Il exerce son talent de styliste sur la Type 46, la 50 T, la 55 mais aussi sur la Type 41 Bugatti Royale Coupé Napoléon utilisée par Ettore Bugatti.
Il intervient aussi bien sur le dessin que sur le mariage des couleurs proposées aux futurs clients. Sa responsabilité va encore s’accroître quand son père décide de rester à Paris pendant les grèves qui vont affectées la bonne marche de l’usine en 1936. C’est Jean Bugatti qui va alors travailler sur l’avenir de la firme de Molsheim et prendre bon nombre de décisions en cette période troublée.Déjà en 1935, apparaît au Salon de l’Auto à Paris celle qui annonce les prochaines Bugatti : l’Aérolithe.
Baptisée dans un premier temps « Coupé Spécial », elle présente une ligne qui tranche avec le style « baroque » proposé par beaucoup de grands carrossiers français de l’époque. La forme tendue privilégie l’aérodynamisme. Seule des arrêtes rivetées viennent agrémenter un dessin d’une grande fluidité.C’est elle qui va donner naissance à la mythique série des Type 57 avec notamment la 57SC Atlantic.
Jean Bugatti ne s’intéresse pas uniquement au style des futures productions de Molsheim. Il suit de près le développement des autos destinées à la compétition. Il sait que les résultats commerciaux sont étroitement liés à ceux des voitures engagées en course.On le voit ainsi aux 24 Heures du Mans 1937 venir encourager et fêter la victoire du Tank 57G de JP Wimille et Robert Benoist.
Mais sa passion pour l’automobile de compétition ne s’arrête pas au bord de la piste. Il paye de sa personne en jouant le rôle de pilote d’essai et tient à tester lui-même les voitures préparées pour de futures épreuves.C’est ainsi que le 11 août 1939, sur une des routes jouxtant Molsheim, il prend le volant de la 57G Tank engagée au GP de la Baule quelques semaines plus tard. En voulant éviter un cycliste, il perd le contrôle de son bolide à plus de 200km/h et vient s’écraser sur le bas-côté. Le choc est très violent et Jean Bugatti décède dans les minutes qui suivent l’impact.
La mort de son fils, successeur désigné, va être terrible pour Ettore Bugatti. Il ne s’en remettra jamais. Il faut dire aussi que la période est délicate pour lui. La guerre va être déclarée et sa situation financière n’est pas des plus brillante. En 1947, après avoir bataillé avec les Domaines pour récupérer ses usines, le « patron » meurt d’épuisement après une congestion cérébrale.
Personne ne peut refaire l’histoire mais nombre de personnes pensent que la société Bugatti aurait pu retrouver sa splendeur à la sortie de la guerre si Mr Jean, comme l’appelaient respectueusement les ouvriers, avait été encore là pour insuffler toute son énergie et sa créativité à une marque encore auréolée de sa gloire passée.
Il avait su, avant le conflit, moderniser les voitures et apporter les nouveautés nécessaires à sa survie comme le double arbre à cames, le châssis surbaissé ou les freins hydrauliques. Nul doute qu’il aurait trouvé ce qui aurait pu permettre à la Bugatti 101 d’être autre chose qu’une Type 57 déguisée et un échec commercial. Le sort en aura décidé autrement.
Crédit photos : Pinterest, DNA, MC, Archives Bugatti.