Si Loeb et Ogier peuvent être considérés comme les plus grands rallymen de ces dernières années, d’autres pilotes français ont su, bien avant eux, imposer leur talent dans les épreuves du championnat du monde des rallyes. Ce fut le cas pour Jean Luc Thérier que beaucoup de ses confrères considèrent encore aujourd’hui comme le pilote le plus brillant des années 70. S’il ne fut pas sacré en 1973, le titre de champion du monde des pilotes n’existait pas, tout le monde s’accorde à dire qu’il fut, officieusement, le premier à qui le titre peut être attribué. Focus sur un pilote hors normes.
Jean Luc Thérier est né en 1945 en Seine Maritime. Si c’est au volant d’un karting qu’il fait ses premières armes, c’est sur des Citroën qu’il débute en rallye, notamment sur une Traction 11 BL avec laquelle il remporte un rallye local. Cette phase « d’apprentissage » terminée, c’est sur une R8 Gordini qu’il va faire parler de lui et devenir un des pilotes les plus brillants du monde des rallyes.
Monte Carlo 1969
En 1969, alors qu’il découvre l’épreuve, il termine à une très belle 5ème place du
Monte-Carlo suscitant l’admiration et la reconnaissance de tous les pilotes présents, y compris des plus grands. Sur des routes à l’adhérence « changeante », il fait preuve d’une agilité hors norme et d’un sens de l’anticipation peu commun.
Jean Luc Thérier, vite surnommé « le fox » va aussi se laisser tenter par la piste. Il participe pour la première fois au 24 Heures du Mans en 1967 sur une Alpine M64 mais doit abandonner. Ce sera mieux en 68 où, associé à Bernard Tramont sur une Alpine A210, il termine à la 10ème place et remporte la catégorie 1151/1300cm3.
Alpine A210 Le Mans 1968
Ses deux autres participations à l‘épreuve mancelle ne seront pas aussi fructueuses puisqu’en 69 et 77 il doit abandonner.
Après son exploit au Monte Carlo, Jacques Cheinisse l’intègre dans l’écurie Alpine. C’est le début d’une période faste qui va débuter pour le normand. Engagé pour piloter une A110 il va, en compagnie de Darniche, Andruet et Nicolas, participer à la conquête du titre de champion du monde des constructeurs.
En 70, dans le cadre du championnat international des marques, il obtient 2 premiers succès prestigieux puisqu’il s’impose au San Remo et à l’Acropole.
Mais c’est en 1973 qu’il va être l’élément phare de l’équipe des mousquetaires. Sur son Alpine A110 1800, il s’impose à trois reprises. A nouveau en Italie et en Grèce mais aussi au Portugal permettant à l’équipe française de remporter le premier titre mondial des constructeurs.
Portugal 1973
Malheureusement pour lui, le titre pour les pilotes n’existe pas encore, alors qu’il aurait été sacré. Maigre consolation, beaucoup considèreront qu’officieusement, il est le premier à l’avoir gagné.
En 74, ce n’est pas sur son Alpine qu’il va remporter sa victoire la plus prestigieuse de l’année mais sur une Renault 17 Gordini. Il termine premier du Press on Regardless, manche américaine du championnat du monde des constructeurs.
Press on Regardless 1974
Engagé par Toyota pour piloter une Celica, il va poursuivre sa carrière sur sa surface de prédilection. Avec une voiture pas toujours très fiable, il va briller dans le championnat de France des rallyes sur Terre.
C’est sur ce terrain qu’il est le plus à l’aise. Ses qualités d’improvisateur lui permettent de se sortir des situations les plus scabreuses.
Sans surprise, il va y obtenir de beaux résultats. Une Coupe de France et un titre de champion de France sont là pour en témoigner. Au rallye des 1000 Pistes, son épreuve favorite, il s’imposera 5 fois dont trois fois consécutivement avec sa Celica.
Rallye des 1000 Pistes
De retour sur l’asphalte, il va remporter en 1980 son ultime victoire au championnat du monde des rallyes sur une Porsche 911 SC du Team Alméras. Il va dominer le Tour de Corse de la tête et des épaules, loin devant les voitures usines, Walter Röhrl terminant à la 2ème place à plus de 11 minutes.
Tour de Corse 1980
C’est sur Renault 5 Turbo qu’il obtiendra ses derniers succès sur Terre comme sur asphalte obtenant 2 nouvelles victoires aux 1000 Pistes et un titre de champion de France sur asphalte en 1982.
Au Monte-Carlo 1984, Jean-Luc Thérier participe pour la dernière fois à un rallye qu’il aurait dû gagner en 81 si des abrutis n’avaient pas déversé de la neige dans la spéciale du Turini.
Pour son ultime participation, il termine 4ème derrière 3 Audi Quattro mais devant toutes les autres 2 roues motrices.
Monte Carlo 1984
En 1985, on retrouve le pilote normand au volant d’une Citroën Visa au départ du
Paris-Dakar.
Paris-Dakar 1985
Malheureusement, l’aventure va vite tourner au drame. JL Therier est victime d’un grave accident alors qu’il était en passe de gagner la spéciale du jour. Mal pris en charge, mal soutenu par Citroën et Guy Verrier, le team manager, il ne se remettra jamais vraiment de ce coup du sort qui le laissera handicapé d’un bras pour le reste de sa vie.
Il continuera alors de s’occuper de son garage, à l’enseigne Citroën, et de sa famille, jusqu’à son décès en 2019.
Disparaît alors plus qu’un grand pilote célébré par ses pairs. Le « fox » avait su, tout au long de sa carrière faire l’unanimité autant par son sens de la glisse, son talent de funambule que par sa gentillesse. Beaucoup pense qu’il n’a pas eu la carrière qu’il méritait privilégiant souvent sa famille avant la course. Rébarbatif aux longues reconnaissances qu’impose le métier de pilote à plein temps dans un team de premier plan, il est certainement passé à côté de titres qui lui tendaient les bras. Mais la reconnaissance du public, comme des autres pilotes lui ont certainement apporté plus de satisfactions que tout autre chose.
Crédit photos : Pinterest, ACO