Il est courant de voir des pilotes ayant fait leurs premières armes au guidon d’une moto, passer sur quatre roues avec succès. Pour le public français, JP Beltoise en est l’exemple type, lui qui commença sa carrière par plusieurs titres de champion de France sur deux-roues avant de passer à la monoplace et devenir l’un des plus brillants pilotes de sa génération. Mais un seul a réussi l’exploit de devenir champion du monde moto et gagner le championnat du monde de Formule 1 : John Surtees.
Big John, surnom donné à Surtees, est né en Angleterre le 11 février 1934. Son père gère un magasin de vente de motos et c’est donc, très naturellement, que le jeune John commence à faire de la compétition sur deux-roues à l’âge de 17 ans. Ces premières années, au volant principalement d’une Norton, sont celles de l’apprentissage pendant lesquelles il fait ses armes dans diverses catégories, 250, 350 ou 500cm3. En 1956, alors que sa carrière commence à décoller, il quitte Norton pour MV Agusta. C’est avec cette marque qu’il va atteindre la consécration et devenir champion du monde.
Entre 1956 et 1960, il va remporter 37 victoires en catégories 350 ou 500cm3 ce qui lui permet de coiffer 7 couronnes de champion du monde, 3 en 350cm3 et 4 dans la catégorie reine, les 500cm3. En 1958 et 1959, sa domination est totale puisqu’il remporte toutes les courses auxquelles il participe, et ce dans les deux cylindrées.
Après avoir encore gagné les deux titres en 1960, considérant qu’il n’a plus rien à prouver, il décide de quitter le monde des deux roues et prend la décision de tenter sa chance derrière un volant.
C’est en parallèle de son activité de pilote moto que Surtees débute en Formule 1 puisqu’après avoir tâté de la F2, il se retrouve engagé par Lotus, au côté de Jim Clark, pour le GP de Grande Bretagne 1960. Il termine l’épreuve à une belle 2ème place, derrière Jack Brabham, et marque ainsi ses premiers pions au championnat du monde de Formule 1.
Pour son 3ème GP, se déroulant au Portugal, Surtees frôle l’exploit puisqu’il réalise la pôle position et mène une bonne partie de la course avant de devoir abandonner, de l’huile sur la piste ayant occasionné une sortie de route.
Ne voulant pas brûler les étapes, les deux années suivantes servent à Surtees pour parfaire son pilotage. Il s’engage d’abord en 61 chez Yeoman Credit Racing Team, une écurie privée, où il court sur une Cooper T53. Sa saison est en demi-teinte puisque seules deux 5ème places en Belgique et Allemagne lui permettent de marquer des points.
Malgré tout, 61 restera pour lui une année marquante puisqu’il remporte, hors championnat, sa première course de Formule 1 en gagnant le Glover Trophy à Goodwood devant Graham Hill, Roy Salvadori et Stirling Moss.
Pour la saison 62, Surtees signe un contrat avec l’équipe Lola-Climax qui lui propose de conduire sa nouvelle Lola Mk4. Cette saison est la confirmation qu’il est parmi les pilotes les plus rapides du plateau. Il termine quatrième au championnat grâce notamment à deux belles 2ème places en Angleterre et Allemagne. C’est suite à ces bons résultats que Ferrari propose à l’anglais de rejoindre la Scuderia pour la saison 63. Tout est alors réuni pour arriver sur la plus haute marche du podium.
1963 sera une année d’apprentissage au sein de l’écurie italienne. D’abord, la Ferrari 156 n’est pas au niveau des Lotus 25, celle de Jim Clark en particulier, et l’opposition entre le caractère très perfectionniste de l’anglais et la nonchalance italienne provoque quelques étincelles. Il parvient néanmoins à gagner son premier GP en championnat en s’imposant sur le mythique tracé du Nürburgring devant Clark. Une 4ème place sanctionne cette première année chez Ferrari et permet à « Big John » d’envisager une saison 64 de haute volée.
Le début de saison est plutôt à l’avantage de Graham Hill sur BRM et Jim Clark sur Lotus qui gagnent 4 des 5 premiers GP de la saison alors que Surtees et sa 158 ne marque que les 6 points d’une deuxième place en Hollande auxquels s’ajoute une troisième place en Angleterre. Heureusement, la fin de la saison sera d’un autre niveau. Il gagne en Allemagne et en Italie avant de terminer par deux 2ème places aux US et au Mexique. Au championnat, il finit premier, devançant G Hill d’un petit point. C’est la consécration pour l’ex motard. Il devient le premier pilote sacré champion du monde sur deux et quatre roues. Inutile de dire que ce succès comble de joie Enzo Ferrari lui qui a dû subir la loi des voitures anglaises les deux années précédentes.
Les deux saisons qui suivent vont être difficiles pour l’anglais. La 158 puis la nouvelle Ferrari 1512 sont, ou dépassées par la concurrence pour la première ou manque de fiabilité pour la seconde. Cela se solde par de nombreux abandons et seuls 17 points s’inscrivent au compteur de Big John en 65.
Alors que l’espoir d’une renaissance se profile pour 66, c’est sur une rupture en milieu de saison entre l’anglais et la Scuderia que se termine leur collaboration. Pourtant, Surtees a gagné le GP de Belgique sur sa 312 mais devant les manœuvres malsaines entreprisent par Dragoni, le directeur sportif de la Scuderia, à son encontre, il préfère jeter l’éponge et trouver refuge chez Cooper. Avec sa voiture à moteur Maserati, il termine en beauté avec une victoire au GP du Mexique. Avec 28 points, il prend la 2ème place au championnat très loin derrière Brabham.
Ces années chez Ferrari lui ont aussi permis de briller en endurance. Si 1963 est marqué par un abandon spectaculaire de la 250 P qu’il partage avec Mairesse au Mans, il gagne sur cette même voiture au 12hrs de Sebring et aux 1000km du Nürburgring.
En 1964, c’est sur la troisième marche du podium qu’il termine au Mans en compagnie de Bandini sur une 330P.
Il finit aussi 3ème à Sebring et 2ème aux 12hrs de Reims.
C’est également en 66 qu’il crée sa propre structure. Sous son nom, il va alors entamer une carrière en Can-Am au volant de Lola T70, McLaren M12 ou Caparral 2H.
Il y obtiendra quelques succès et de nombreuses places d’honneur jusqu’en 1969.
En 1967, c’est vers les Japonais d’Honda que l’anglais se tourne. Ou plutôt, ce sont les Japonais, connaissant bien Surtees par le biais de la moto, qui le sollicitent. Il participe activement au développement de la Honda RA273. Trop lourde, elle est vite remplacée par la RA300 élaborée en collaboration avec Eric Broadley de Lola. Elle permet à l ‘anglais de remporter le GP d’Italie en devançant Jack Brabham de 2/10 de seconde.
Mais la suite de la saison tout comme la suivante sera sans nouveau succès pour une voiture trop fragile. Il termine la saison 68 courue sur la nouvelle RA301 à la 8ème place du championnat avec deux podiums, une 2ème place au GP de France et une 3ème aus USA.
Après un passage décevant chez BRM en 69, il décide de monter sa propre équipe de F1. Il utilise d’abord une McLaren MC7 avant de courir sur ses propres voitures (basées sur la McLaren). Il marquera bien quelques points en 70 et 71, mais après un dernier GP couru en Italie en 72, il jette l’éponge et décide de se consacrer à plein temps à son rôle de manager.
Jusqu’en 1978, il va essayer de faire survivre sa structure et glanera ici et là quelques points en championnat. Mais le financement ne suit pas et il est obligé de jeter l’éponge, Vittorio Brambilla inscrivant le dernier point de l’équipe Surtees en championnat du monde au GP d’Autriche 1978.
On verra de nouveau Big John dans les paddocks dans les années 2000 quand il s’occupera de la carrière de son fils devenu pilote lui aussi. Malheureusement, en 2009, ce dernier décédera dans un accident lors d’une course de Formule 2 à Brands Hatch. En sa mémoire, John Surtees créera une fondation portant son nom : Fondation Henry Surtees.
On le reverra par la suite participer régulièrement à diverses manifestations, notamment à Goodwood, où il reprendra le guidon de sa MV Augusta ou d’une de ses monoplaces.
Il décède en mars 2017 à 83 ans à la suite d’un problème respiratoire.
À ce jour, il est toujours le seul pilote à avoir remporté le titre mondial sur deux et quatre roues.
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