Ah la Citroën Traction. C’est tout simplement un symbole de l’automobile de collection. Une auto qui a eu une très belle carrière et qui a marqué des milliers de conducteurs. Et quand on pense à elle, on pense à une révolution technologique. Pourtant, si la Citroën Traction a bien apporté une révolution technologique, ce n’est certainement pas celle à laquelle on pense !
André Citroën n’a pas attendu 1934 et la présentation de sa Traction pour être un constructeur innovant et à part. Dès ses premiers modèles, on sent l’influence Ford dans sa volonté industrielle. Lui aussi veut démocratiser l’automobile et faire en sorte que ses ouvriers puissent se les acheter. Il mettra quelques années à y parvenir en descendant en gamme.
Par la suite, Citroën va se démarquer technologiquement en rachetant une licence à Chrysler. Il s’agit des moteurs flottants, une solution qui consiste tout simplement à fixer le moteur sur des silentblocs en caoutchouc pour réduire le bruit et les vibrations qui se propageaient auparavant dans le châssis. La marque aux chevrons va installer le système sur ses C4 et C6, puis sur les Rosalie et les Tractions. Une solution désormais tellement répandue qu’elle fait sourire… comme les autres révolutions dont on va vous parler.
Quand on parle de Citroën Traction, on pense forcément à la première voiture à traction (d’ailleurs une traction c’est forcément avant, au moins dans le sens de la marche). Mais pour le coup, on va commencer par vous parler d’une non-révolution. Il est faux de penser qu’avant la Citroën la traction n’existait pas.
Pour vous refaire l’histoire en version accélérée, sachez que la première automobile de tous les temps, le Fadier de Cugnot, est un véhicule à traction. Ensuite, dans les années 1890, certaines automobiles apparaissent avec un essieu avant moteur mais non-articulé. Le père du système moderne, c’est Jean-Albert Grégoire, un génial ingénieur français qui va développer, avec son ami Pierre Fenaille, le joint homocinétique dont le premier brevet est déposé en 1926. S'ensuit la fabrication des Tracta par les deux hommes, des autos qui vont jusqu’à remporter leur classe aux 24h du Mans !
Le système est au point et on va le voir à l'œuvre sur des automobiles de série. Mais il ne s’agit pas encore de Citroën. C’est en Allemagne, sur les DKW F1 et Adler Trumpf que sont montés les premiers essieux directeurs et moteurs. Quelques temps plus tard, les américains s’y mettent. Le groupe Cord par exemple va l’utiliser dès 1929 avec les L-29 qui sont motorisés par des 8 cylindres en ligne !
Et la Citroën dans tout ça ? Déjà, il faut se rappeler que “Traction” ce n’est pas son nom ! L’auto est présentée avec des 7, 11 et 22cv qui sont les noms officiels des véhicules. Par contre les différents modèles vont faire entrer le système de la traction dans une autre ère. La DKW F1 a été produite à 4000 exemplaires, l’Adler Trumpf lancée en 1932 atteindra 18.000 exemplaires en 1936. Sur la seule année du lancement, 1934, ce sont déjà 28.000 exemplaires de Citroën 7 et 11cv qui sont sortis de Javel !
Que reste-t-il comme révolution à mettre au crédit de la Citroën Traction ? Vous pensez à la structure monocoque ? Comme la traction, la berline de Javel n’a fait que démocratiser la technologie, lancée par Lancia au début des années 20. D’ailleurs, la Citroën Traction a essuyé les plâtres à ce niveau, les premières caisses manquant cruellement de rigidité, certaines allant jusqu’à casser.
La Citroën Traction aurait aussi dû démocratiser une transmission avec embrayage automatique développée par Sensaud de Lavaud mais la solution est trop fragile et ne sera jamais au point.
En fait il y UNE seule vraie révolution que va apporter la Citroën Traction. Et pour le coup, elle tord le cou à une idée reçue, comme pour le système de traction, mais cette fois c’est à son avantage, et ce n’est pas du tout au début de la carrière de la Traction. Nous sommes en 1954, l’auto a 20 ans et sa remplaçante, la DS est bien avancée. La DS qui va d’ailleurs introduire un système révolutionnaire : la suspension hydropneumatique qui fera les beaux jours du constructeur aux chevrons. Sauf que c’est bien la Traction qui va l’inaugurer.
La présentation se fait le 15 Avril 1954 et c’est le haut de gamme de la marque qui va avoir l’insigne honneur… de servir de laboratoire roulant. C’est la Citroën Traction 15 Six H. Contrairement à la DS, c’est uniquement à l’arrière que la vénérable routière testera le système. Le gain en confort est perceptible mais n’est rien comparé à celui de la tenue de route ! C’est la seule vraie révolution que va apporter la Citroën Traction. Sous cette forme, elle sera produite jusqu’en juin 1956, après la sortie de la DS, à 3077 exemplaires.