18 Juin 1995, circuit des 24 Heures du Mans. Après 24 heures de course, une McLaren F1 GTR floquée du numéro 59 franchit la ligne d’arrivée, en première position. Les vainqueurs sont Yannick Dalmas, JJ Lehto et Masanori Sekiya. Si les trois hommes ne s’attendaient peut-être pas à remporter la 63ème édition des 24 Heures du Mans, il ne s’attendaient certainement pas non plus à être les acteurs d’un changement important dans la compétition automobile. De même, cette victoire acquise par la firme de Woking venait “confirmer” la tendance de l’époque, apparue un an avant : la renaissance des GT. Deux ans plus tard, en 1997, la FIA va s'approprier le seul championnat de GT et le rebadger “FIA GT”. Ce championnat, appelé BPR - pour Barth (Jürgen) Peter (Patrick) et Ratel (Stéphane) - ne dura que 3 ans. Né en 1994, avec pour ambition de permettre aux gentlemen drivers de “s’amuser” sur les plus beaux circuits du monde, le BPR va faire bien plus. Malgré lui, son attractivité va servir les intérêts de beaucoup : ACO, FIA et grands constructeurs qui, avec un succès fulgurant, s’y précipitent. Des “simples” Porsche et Venturi, le championnat va voir débarquer les F40 LM/GTE, McLaren F1 GTR, Chrysler Viper, Jaguar XJ220, Nismo GTR et autres Honda NSX.
Qu’ont elles en commun ? Elles sont toutes nées entre 1990 et 1995, elles ont toutes participé au BPR, elles ont toutes concouru aux 24 Heures du Mans et elles sont toutes devenues iconiques… Iconiques, voire symboliques. Car oui, la McLaren F1 est sans conteste un des symboles de cette époque, au même titre que les Porsche 911 GT1. N’avez-vous jamais évoqué la McLaren F1 GTR en parlant de ce que nous pourrions appeler “la grande période du GT” ? À l’heure où nous redécouvrons l’héritage laissé par la production automobile des années 80 et 90, où les F50 atteignent des prix astronomiques (à titre d’exemple), où les 993 GT2, Toyota GT One, Nissan R390 et Panoz Esperante GTR-1 font sensations et nous rendent nostalgiques d’une époque - déjà - lointaine, penchons-nous sur les autos qui ont fait le succès du BPR en évoquant leurs parcours, pas toujours victorieux, dans ce “petit championnat”.
Alors par où commencer ? Par une des têtes d’affiches de ce championnat, certainement, et par une de ses plus fidèles compétitrices. La Ferrari F40 LM/GTE était sans conteste la plus vieille du grand duel qu’elle forma avec la McLaren F1 GTR à compter de 1995, mais elle fut l’une des premières “vedettes” du modeste championnat…
Il n’est peut-être pas nécessaire de rappeler ici - une énième fois - l’histoire de la F40. S’il vous fallait toutefois une piqûre de rappel, un coup d’oeil à la fiche dédiée sur Autopédia vous sera utile. La F40 n’a jamais vraiment été destinée à la compétition. On doit l'initiative, ou l’idée, d’une version compétition de la dernière Ferrari d’Enzo à un français : l’importateur bien connu Charles Pozzi. C’est sous son impulsion que le projet fut confié à Michelotto, fidèle préparateur du “Cheval Cabré”. Michelotto avait fait ses classes auparavant avec la 308 GTB Group 4 ainsi qu’avec le développement de la 288 GTO. Le but, à l’époque, était simple : concourir dans la catégorie GTO en IMSA. Le travail effectué par Michelotto fut impressionnant. Le châssis fut allégé et renforcé avec de nombreuses pièces en fibre de carbone. La suspension fut durcie à l’aide de ressorts et de nouveaux amortisseurs Koni. Esthétiquement, la F40 reçut un déflecteur avant ainsi qu’un extracteur arrière. L’aileron fut surélevé tandis qu’à l’avant une prise d’air béante fut creusée dans le capot pour une meilleure ventilation, alliée à une plus petite de type NACA sur le devant du nez. La cylindrée du V8 à 90° fut d’abord limitée à 2855 cm3 et le reste entièrement revu : arbres à cames plus performants, taux de compression poussé à 8:1 et une pression des turbos portée à 2.6 bar contre 1.1 à l’origine. La LM pouvait développer entre 700 et 780 chevaux à 7800 tr/min selon les réglages. Enfin, le régime opéré fît gagner en tout 100 kilos. La première version de compétition vît le jour en 1989. Surnommée “LM”, elle fît des débuts prometteurs à Laguna Seca entre les mains de Jean Alesi, terminant l’épreuve à la troisième place. En 1990, aux mains de Jean-Pierre Jabouille, Jacques Laffite et Hurley Haywood, l’auto fît quelques bons résultats mais trop peu pour inquiéter la supériorité des Audi. Une seconde version est venue s’ajouter à la F40 LM en 1992, la F40 GT, construite spécialement pour le championnat GT italien, qui fut également préparée par Michelotto. Celle-ci conservait le système de freinage ainsi que le châssis de la LM, mais à la différence de cette dernière, elle bénéficiait d’un packaging moteur bien moindre (entre 540 et 590 ch).
Quand le BPR fait son apparition en 1994, la Ferrari F40 a déjà 5 ans. Vieillissante, on connaît en revanche son potentiel. La belle est toujours compétitive : elle remporte en 1993 et 1994 l’Italian GT Championship. Il ne fait aucun doute pour plusieurs équipes comme le Jolly Club qu’il lui reste de belles heures devant elle. Michelotto révise donc les GT pour les “passer” aux spécifications LM (pièces en fibres de carbone et boîte à 6 rapports). L’aéro est légèrement amélioré pour produire davantage d’effet de sol. Enfin différentes cylindrées furent essayées : 3.0 litres, 3.5 litres et 3.6 litres. Pour ces trois moteurs, la puissance développée se situait entre 620 et 650 ch. La première équipe à engager la F40 en BPR fut le Jolly Club, champion d’Italie en 1993 et 1994. Trois voitures devaient être engagées par les italiens mais des problèmes d’homologations ont fini par les contraindre à se retirer. Une seule F40 participa à la “saison” (aucun titre ne fut décerné), engagée par Strandell aux couleurs Totip (blanche, verte et orange). Confiée au duo Anders Olofsson / della Noce, elle fît forte impression. Si de nombreux abandons étaient à déplorer, elle remporta les 4 Heures de Vallelunga et prit la seconde place aux 4 Heures de Spa-Francorchamps. La performance pure était au rendez-vous, mais la fiabilité était encore un soucis. Pour la saison 1995, la tâche allait s’annoncer plus compliquée. L’arrivée de la McLaren F1 GTR contrecarrait les plans des différentes F40, bien plus nombreuses que l’année précédente. Le team Pilot engagea deux F40 à la mythique livrée bleue. Le Ferrari Club Italia engagea deux autos, enfin une dernière sous la bannière du Jolly Club. Malgré ces efforts, une seule victoire sera remporté aux 4 Heures d’Anderstorp ainsi qu’une troisième place à Monza et à Suzuka. À Silverstone, deux F40 termineront sur le podium derrière une inévitable McLaren F1 GTR. Si à Montlhéry les F40 auraient pu accrocher une nouvelle victoire en présence d’une seule F1 GTR, la fiabilité frappa les italiennes comme souvent durant la saison. La saison 1996 ne sera pas meilleure pour les Ferrari. Deux autos furent engagées par l’équipe Ennea SRL/Igol, une par le Ferrari Club Italia (Ennea) et une par le team Pilot. Au Paul Ricard, pour la première manche, les Ferrari terminèrent seconde et troisième. Un beau résultat pour un début de saison prometteur. À Jarama, troisième manche, nouveau podium pour Gounon / Bernard / Belmondo pour Ennea. Le trio finit ensuite cinquième à Silverstone et quatrième au Nürburgring alors que la voiture soeur remporte une nouvelle victoire à Anderstorp. Les F40 prendront ensuite une seconde place à Suzuka (Ennea), une troisième place à Nogaro (Pilot) et enfin une seconde place dans la manche finale de Zhuhai, derrière la Porsche 911 GT1 mais devant les McLaren. L’arrivée de Jean-Marc Gounon au volant de la F40 aura fait beaucoup de bien par sa vitesse et par ses mises au point.
Malgré les efforts et la performance de l’auto, la F40 n’est pas parvenue à battre régulièrement les McLaren. Il faut aussi se rappeler que la F1 était bien plus récente… Aussi belle que rapide, sa fiabilité n’a jamais vraiment été au rendez-vous. Quoiqu’il en soit, les F40 GT et LM ne sont pas prêtes d’être oubliées et enterrées. Ces fascinantes autos aux livrées mythiques resteront comme les plus “cool” GT des 90’s. Pas seulement parce qu’elles seront les seules représentantes de Ferrari dans cette lutte mémorable des meilleures supercar du monde, mais également parce qu’elles étaient et restent des F40 de compétition !