Porsche aura mis 19 ans pour vaincre aux 24hrs du Mans. Et c’est grâce à sa 917 - la plus belle voiture jamais vue en Sport Prototype pour certains spécialistes - que la marque de Zuffenhausen réussit son coup, exploitant au mieux une réglementation trop permissive.
Quand en 67, il est décidé que les moteurs seraient limités à 3L en Championnat du Monde d’endurance, il est aussi décrété, sans doute pour ne pas se priver des voitures américaines habituées aux gros V8 5litres (ou plus), qu’il sera possible d’y participer avec un moteur supérieur à ces 3L si au moins 25 voitures sont produites en une année. Personne n’imagine, à ce moment-là, que deux constructeurs vont s’engouffrer dans la brèche.
Ferrari et Porsche décident de lancer en petite série, une voiture hyper performante animée par un 12 cylindres avoisinant les 5L. La 512 et la 917 sont (presque) nées.
Le programme coûtera plus de 20 millions de DM à Porsche et ne sera jamais rentabilisé compte tenu du prix de vente des autos. Mais il permettra de voir sur la piste une des plus impressionnante voiture jamais produite qui donnera à la marque allemande le titre mondial des constructeurs et sa première victoire au Mans.
C’est un nouveau 12 cylindres qui va motoriser la 917. Sa cylindrée sera de 4,5l ou 4,9l suivant les voitures. De la même façon, on trouvera deux types de carrosseries, des versions courtes, appelées K et des « longues queues » dénommées LH.
Les 917 vont faire pour la première fois leur apparition dans la Sarthe à l’occasion des 24 Heures du Mans 1969. Longtemps dominatrices, les 2 voitures finissent par abandonner et doivent laisser la victoire à Jacky Ickx qui, sur une vieillissante Ford GT40, réussit à prendre l’avantage sur la Porsche 908 d’Herrmann dans le dernier tour.
Double frustration pour l’écurie allemande, leurs 917, voitures les plus rapides du plateau, ont dû se retirer et leur 2e atout, la 908, n’a pu vaincre.
Inutile de dire que quand les 24 Heures du Mans 1970 arrivent, Porsche n’envisage rien d’autre que la victoire. Les 917 dominent le championnat en Sport Prototype et il n’est pas question de revivre le terrible final de l’année précédente. Ce ne sont pas moins de sept 917 qui s’alignent au départ. Elles sont réparties entre plusieurs écuries, et se présentent sous différentes carrosseries et motorisations. Il ne s’agit pas de mettre tous ses œufs dans le même panier, mais surtout d’avoir toutes les chances de son côté pour l’emporter
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Au final, la course ne sera qu’une longue marche en avant sans partage pour les Porsche.
Après un début de course dominé par la 917LH 4,9l d’Ahrens/Elford, c’est la 917K 4,9l de Redman/Siffert qui va prendre le relais jusque dans la nuit où elle cède la tête à la n°23 d’Hermann/Attwood qui la gardera jusqu’à la fin, devançant sur la ligne d’arrivée une autre 917 4,5l, mais LH, celle de Larrousse/Kauhsen. Les LH conçues pour optimiser la vitesse des voitures dans les Hunaudières sont battues par une K et c’est le petit moteur qui remporte la course. Comme quoi, il est toujours difficile d’anticiper ce qui va se passer aux 24Heures du Mans.
Ahrens/Elford
Redman/Siffert
Larrousse/Kauhsen
Les Ferrari 512, pourtant en nombre, ont subit une véritable déroute et doivent se contenter des 4e et 5e places, la troisième marche du podium étant occupée par la 908/02 de Marko/Lins.
Porsche réussit enfin là où il avait toujours échoué, 19 ans après sa première participation.
Herrmann/Attwood
1971 sera l’année de la dernière apparition des 917 aux 24 Heures du Mans. En effet, la réglementation change à nouveau et, en 1972, seuls les prototypes de 3 litres seront acceptés. Il faut dire qu’il y a de quoi s’alarmer devant les performances réalisées par la 917 de Jackie Oliver aux essais. Il accomplit un tour en 3’13’’900 à 250km/h de moyenne avec une pointe à plus de 380km/h dans les Hunaudières. Jamais personne ne fera mieux et ce record reste aujourd’hui d’actualité. Même si on peut arguer que les chicanes introduites pour limiter la vitesse dans la longue ligne droite limitent aujourd’hui la possibilité de faire mieux, il faut reconnaître que l’exploit mérite toujours le respect.
Les 917 réalisent les trois meilleurs temps et seule la 512M de Donohue/Hobbs aux couleurs de Sunoco peut espérer se mêler à la lutte pour la victoire.
Même si Porsche n’est pas officiellement au départ et ne défend pas directement sa victoire acquise en 70, les 917 présentes ont continué à évoluer avec notamment des châssis allégés en magnésium, voire avec une nouvelle carrosserie qui habille la 917/20 de Joest/Kauhsen.
Comme l’année précédente, le team dirigé par John Wyer fait figure de favori. Les trois voitures alignées aux couleurs du pétrolier Gulf ont dominé quasiment toutes les courses de la saison. Mais ce ne sera pas la seule équipe de 917 à se battre pour la victoire puisqu’on retrouve aussi le team Martini et plus modestement, le Zito Racing Cars avec une K équipée du petit moteur de 4,5l.
La course va vite être la copie conforme de l’année précédente. Même si la Ferrari 512M de Vaccarella/Juncadella pointent brièvement en tête à la 12e heure, ce n’est qu’un long chassé-croisé entre les Porsche Martini et celles de Wyers. Ces dernières dominent tout le début de course avec, surtout, la 18 de Rodriguez/Oliver qui confirme ainsi son meilleur temps des essais. Mais à la mi-course, les ennuis commencent pour la plus rapide des 917 et elle est contrainte à l’abandon peu après 4hrs du matin.
Rodriguez/Oliver
C’est alors la 22 du Team Martini qui va prendre le relais et qui ne va plus lâcher la tête de la course jusqu’à la ligne d’arrivée.
Marko/Van Lennep.
C’est donc l’équipage Marko/Van Lennep qui gagne après une course régulière à plus de 222km/h de moyenne. Ferrari est loin derrière et doit se contenter des places 4 et 5 pour ses 512. La 2e place revient à la 917 Gulf de Müller /Attwood.
Même si les autres ont dû abandonner, c’est bien un nouveau succès pour Porsche qui célébrera en fin d’année un deuxième titre constructeur consécutif.
Joest/Kaushen
Larrousse/Elford
Martin/Pillon
Ce sera une des dernières fois où l’on verra le duel des « monstrueuses » 917 et 512. Ne pouvant plus participer au championnat du monde d’endurance, c’est vers la Can-Am qu’elles se dirigeront. Là aussi, les belles italiennes subiront la domination sans partage des Allemandes.
Pour une voiture qui, à sa sortie, était considérée comme dangereuse, et même quasi inconduisible, elle sort par la grande porte et peut entrer au Panthéon des voitures de sport.
Ces 24 Heures du Mans 70 et 71 auront aussi démontré que la course mancelle est bien une course à part et que personne ne peut prédire le résultat à l’avance. L’écurie J.W A E qui partait favorite, dut, les deux années, laisser la victoire à leurs concurrents directs et John Wyer devra attendre 1975 pour voir à nouveau le drapeau à damier s’abaisser devant une de ses voitures, la Mirage d’Ickx/Bell.
Grâce, entre autres, au Mans Classic, il est fréquent de voir des 917 refouler les pistes de leurs exploits. Ce sont toujours de grands moments quand on peut assister à la mise en route du 12 cylindres et les voir tourner à nouveau.
Inoubliable.
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