Si le Tour de France Automobile n’est pas né en 1951, cette date est importante dans son histoire et ce, pour deux raisons : c’est l’année du renouveau du Tour, il ne s’est plus couru depuis 1937, et c’est aussi le début d’une période faste pour l’épreuve qui durera jusqu’à son interruption provisoire après l’édition 1964.
Même si la première édition du Tour de France Automobile s’est déroulée en 1899 et que la course s’est disputée jusqu’en 1937, il est certain que la plupart des fans de l’épreuve, surtout depuis que sa version historique a été lancée par Peter Organisation, se rappellent en priorité les éditions d’après-guerre, celles des années 50/60.
L’idée de la relance du Tour a commencé à germer dans la tête des responsables de l’Automobile Club de Nice peu après la fin de la guerre. Il n’y a plus de grande compétition automobile dans la région et il leur semble intéressant de promouvoir la ville à travers une épreuve similaire au Tour de France cycliste.
Après quelques mois de discussions, l’idée est validée par la Fédération Française de Sport Automobile. Le journal l’Equipe et son directeur Jacques Goddet, déjà organisateur du Tour de France vélo, apporte son soutien ainsi que quelques sponsors.
Il est décidé que le départ sera donné fin août 1951 depuis Nice et que les participants devront couvrir les 5239km de prévus en 6 étapes pendant lesquelles ils auront 7 épreuves de classement. Les voitures sont réparties en 4 catégories suivant leurs cylindrées, moins de 750cm3, jusqu’à 1500cm3, de 1500cm3 à 3000cm3 et au delà.
C’est près de 100 concurrents qui s’alignent au départ. L’armada des voitures présentes est assez hétéroclite puisque l’on va de l’Hotchkiss d’avant guerre aux dernières Ferrari 212 Export en passant par des 2CV, des Jaguar XK120, Peugeot 203 ou Aston Martin DB2.
Pour la victoire au général, un système de coefficient est mis en place. Supposé équilibrer les chances des petites cylindrées face au grosses, il ne fera pas le bonheur de tous, et ce, pas uniquement pour 1951.
Les épreuves de classement proposées peuvent surprendre aujourd’hui. On y retrouve de la maniabilté, du freinage/accélération, ou de la pure vitesse. Heureusement on retrouve aussi deux circuits et deux courses de côte.
A l’arrivée c’est l’équipage « Pagnibon »/Barraquet sur une Ferrari 212 Export qui l’emporte devant deux autres 212.
Pour l’édition suivante, l’épreuve n’évolue guère. A la faveur d’un coefficient fluctuant suivant les années, les voitures remportant le général ne sont pas toujours les plus puissantes. Ainsi en 1952 , c’est la petite Panhard-DB X 86 de Gignoux qui l’emporte devant une Ferrari 225 Export pilotée par « Pagnibon » qui passe à côté d’une 2ème victoire.
1953 voit apparaître une évolution au classement final. Il y aura deux vainqueurs, l’un pour les voitures de sport, l’autre pour celles de série. Le système des coefficients existe toujours et comme en 52, c’est une petite cylindrée qui l’emporte en sport, l’Osca MT4 de Péron/Bertramnier. Pour les autos de série, c’est la 4cv de Condrillier/Daniel qui gagne.
En 1954, si les voitures sont réparties en trois catégories, il n’existe plus qu’un classement général final remporté par la Gordini 26S de Pollet/Gauthier.
1955 sera une année off pour le Tour de France Auto. En effet, la tragédie des 24 Heures du Mans est passée par là et toutes les courses automobiles ont été suspendues. Le Tour, devant avoir lieu en septembre, est concerné par la mesure.
Il faut donc attendre 1956 pour revoir l’épreuve. La nouveauté pour cette édition, et même pour toutes celles jusqu’en 1964, est l’arrivée du groupe pétrolier Shell comme sponsor principal. Depuis son renouveau en 1951, le succès est grandissant. André Charron, le PDG de la société l’a remarqué, et c’est tout naturellement qu’il apporte le soutien financier de la marque à une course qui va connaître alors 9 années incomparables.
Pour 1956, le parcours est découpé en trois étapes et 9 épreuves de classement. Trois classements sont retenus. Le scratch, celui des voitures de tourisme de séries normales et grand tourisme et celui des voitures de tourisme spéciales.
Une autre grande nouveauté par rapport aux années précédentes, vient du parcours. En effet, si le départ se fait bien de Nice, l’arrivée se fera elle à Paris.
L’intérêt manifesté pour l’épreuve par les plus grands pilotes de l’époque est bien réel.On retrouve au départ, Moss, Trintignant, Behra, De Portago, Gendebien entre autres.
La course va rapidement se résumer en un duel entre Ferrari et Mercedes. Au final, c’est
De Portago sur une 250GT qui l’emporte, devançant Stirling Moss sur 300SL. Ce dernier pourra regretter ses ennuis d’allumage qui l’ont handicapé pendant une bonne partie du parcours.
Le règlement change à nouveau en 1957. Il y a toujours 3 étapes, 10 épreuves comptant pour le classement (6 circuits et 4 courses de côte), 2 catégories, Grand Tourisme et Tourisme avec chacune un classement général et un avec indice. Cette fois, l’arrivée ne se fait plus sur Paris mais à Reims.
La domination des 250GT est totale puisqu’elles prennent les trois premières places, Gendebien l’emportant devant Trintignant et Lucas. Moss, toujours au volant d’une 300SL n’a rien pu faire devant l’armada italienne.
1958 voit la distance totale de l’épreuve se rapprocher des 6000km. La ligne d’arrivée change à nouveau puisque c’est à Pau que le vainqueur sera fêté.
Pour le reste, les classements restent sur une base identique à l’année précédente.
La lutte pour la victoire se fera entre Gendebien et Trintignant. Malgré tous ses efforts, il devra s’incliner une nouvelle fois devant le belge vainqueur de son 2ème Tour de France.
Retour à la tradition pour 1959, le départ et l’arrivée se font à nouveau de Nice. Le parcours est ramené à un peu plus de 5500 kilomètres divisés en 4 étapes et 10 épreuves de classement.
C’est la passe de trois que réalise Gendebien en devançant au classement général final son compatriote Mairesse. C’est au volant d’une 250GT LWB Intérim berlinetta qu’il gagne ce Tour.
En 1960, le parcours évolue encore. Il est réduit à un peu plus de 5000 kilomètres à parcourir en 4 étapes. Un menu consistant de 14 épreuves chronométrées est proposé aux pilotes. Il est divisé en 7 courses de côte et 7 circuits dont ceux de Spa et du Nürburgring que les voitures devront parcourir avant une arrivée jugée à Biarritz.
Comme les années précédentes, c’est une Ferrari qui l’emporte. La 250GT SWB de Mairesse devance celles de Schlesser et Tavano. Gendebien, longtemps à la lutte avec le futur vainqueur, a du lever le pied dans l’épreuve du Mans, laissant la voie libre à son compatriote.
En catégorie Tourisme, Bernard Consten remporte la première des 4 victoires qu’il obtiendra au volant de sa Jaguar Mark 2.
Pour 61, le parcours a légèrement évolué puisque les 5300km sont divisés en 5 étapes. On revient au traditionnel départ et arrivée à Nice. Grande première, l’introduction d’un parcours chronométré qui n’est pas un circuit ou une course de côte et ce, en Corse.
Mais au final, ce sont toujours les mêmes qui gagnent. En Grand Tourisme, Mairesse devance Gendebien sur sa 250GT SWB et en Tourisme, Consten offre à Jaguar une 2ème victoire pour la Mark 2.
Grande (r)évolution pour l’édition 62, avec un départ de Rouen et une arrivée à Reims. Le parcours n’oubliera pas de passer par Nice mais, c’est la première fois depuis 1951 que la première étape ne part pas de la Côte d’Azur. Ce ne sont pas moins de 8 Ferrari 250 GTO qui vont s’affronter au cours de 14 épreuves, sur 5000 kilomètres. Elles font figure de favorites et la victoire semble acquise à l’équipage Bianchi/Dubois quand celui-ci est victime d’un accident sur le trajet les amenant sur Reims. Les mécaniciens réparent bien en un temps record leur voiture, mais celle-ci est refusée au départ de la dernière épreuve devant se dérouler sur le circuit de Reims/Gueux.
Au final, c’est donc Simon/Dupeyron qui gagnent avec une 250 GT SWB vieillissante après une course dénuée de toute erreur. La GTO la plus performante, celle d’Oreiller/Schlesser termine 2ème. C’est certainement elle qui aurait fini en tête si sa marche en avant n’avait pas été perturbée pas quelques petits pépins moteur lors des premières journées.
En Tourisme, Consten domine une nouvelle fois et offre à Jaguar une troisième victoire consécutive.
Nouveauté pour 1963, le départ se fait de Strasbourg et l’arrivée retrouve Nice. Le parcours donne la part belle aux épreuves sur circuits puisqu’on n’en retrouve pas moins de 9 à parcourir pour 7 courses de côte. Les GTO sont à nouveau les grandes favorites avec pas moins de 8 au départ.
Contrairement à l’année précédente, la logique sera respectée avec au final la victoire pour la GTO de Guichet/Behra qui devance une autre GTO, celle de Bianchi/Abate.
Bernard Consten remporte pour la 4ème fois consécutive la catégorie Tourisme au volant de sa Jaguar Mark 2 après l’abandon des Ford Galaxie.
1964 sera la dernière année de la période faste du Tour de France Automobile. Le départ s’effectue de Lille avec une arrivée classique sur Nice. Comme les deux années précédentes, les Ferrari 250 GTO font figure d’épouvantail. Il y en a 9 au départ qui défendront le titre acquis en 63. Cette année, elles trouvent sur leur route une concurrence tout autre qu’en 62 ou 63. Ford a décidé de relever le défi et ce ne sont pas moins de 4 coupés Cobra Daytona qui sont alignés au départ auxquelles s’ajoute une AC Cobra roadster. Pour autant, rien ne pourra empêcher la marche en avant des italiennes. Jour après jour les Cobra connaissent des ennuis et c’est tout naturellement que la 250 GTO de Bianchi/Berger finit par s’imposer devançant celle de Guichet/Bourbon, la 3ème place et les suivantes étant occupées par des Porsche 904 GTS.
Le vrai changement vient de la catégorie Tourisme où les Ford Mustang occupent au final les deux premières places, la Jaguar de Bernard Consten devant se contenter de la 3ème marche sur le podium.
Cette édition 64 du Tour de France Automobile a tenu toute ses promesses avec à la clef un succès populaire qui ne fait que croître d’année en année. Seulement, comme pour toute manifestation de ce calibre, une parfaite alchimie est nécessaire entre toutes les parties prenantes. Et en 1965, le retrait comme sponsor principal du pétrolier Shell met à mal l’équilibre de l’édifice. Par manque de temps pour trouver un support financier du même calibre, l’édition 1965 est annulée. Tout le monde pense à ce moment là que ce n’est que partie remise et que l’on retrouvera l’épreuve en 66. Malheureusement, rien n’y fait et il faudra attendre 1969, grâce surtout à la volonté de Bernard Consten devenu président de la FFSA, pour voir le Tour de France Automobile réapparaître au calendrier.
Mais pour beaucoup, une page s’est tournée et l’épreuve ne retrouvera jamais l’ambiance, l’intensité et la ferveur populaire de la période qui vient de s’écouler.
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