Si vous êtes amateur de courses historiques, vous avez certainement déjà vu les impressionnantes Lola T70 MkIII passer sous vos yeux. Mais ces coupés ne sont "qu'une" évolution des Lola T70 Spyder qui sont apparues en 1965. Vous ne les connaissez pas ? C'est normal - ou presque - elles se sont faites rares sur le continent et c'est d'elles dont on vous parle cette fois-ci.
D'accord, c'est un raccourci rapide. Mais replaçons-nous au début des années 60. Quand Ford décide de battre Ferrari, ils cherchent une auto à moteur central arrière qui puisse recevoir le V8 289ci. Ça tombe bien, elle existe déjà et c'est la Lola Mk6. Née de l'esprit bien fait d'Eric Broadley, fondateur de Lola, elle va être modifiée pour devenir la célèbre GT40. Broadley suit ça de près mais finit par quitter l'aventure quand Shelby récupère le développement de la voiture à l'ovale. En même temps, il avait une idée que ne voulait pas suivre Ford : l'alléger en combinant acier et alu dans le châssis.
Mais cette idée, il va la garder et la mettre en oeuvre. En 1965, il veut créer une nouvelle auto et c'est sur le Groupe 9 qu'il jette son dévolu. Ces grosses autos de sport sont à la mode, notamment aux USA et Cooper et Lotus sont déjà présents. C'est ainsi qu'il crée la Lola T70. Le châssis tubulaire utilise 60% d'acier, pour la rigidité, et 40% d'alu, pour la légèreté. Les roues sont indépendantes, sur un système à double triangles à l'avant et un triangle et des bielettes à l'arrière. Cette construction permet d'encaisser du couple, car il va y en avoir.
En effet les Groupe 9 sont motorisés par de gros moteurs V8 américains. On retrouve, dans la panoplie disponible, des Chevrolet, Oldsmobile ou encore le classique Ford. Broadley est malin et conçoit l'auto pour pouvoir tous les installer sous le capot arrière, et les relier à la boîte Hewland à 4 rapports.
Côté carrosserie, c'est une barquette biplace, dont la forme peut rappeler la Mk6. C'est du plastique renforcé de fibre de verre qui constitue les différents panneaux.
C'est au Racing Car Show à Londres en 1965 qu'est dévoilée la nouvelle auto. On annonce aussi que l'équipe Surtees, celle-là même du septuple champion du monde moto et champion du monde F1 en titre, sera l'équipe officielle de Lola. Cela tombe bien, car cette année là, la concurrence est relevée avec Lotus et McLaren qui sortent également leurs nouvelles autos.
Dès sa première course à Silverstone John Surtees prend la seconde place. Un abandon aux 12h de Sebring, et quelques podiums anglais plus tard, la Lola T70 Spyder arrive dans les séries américaines. Et une victoire à Mosport plus tard, c'est une douzaine de commandes qui tombent sur le bureau d'Eric Broadley.
Mais ce dernier n'est pas totalement satisfait de son auto et la T70 MkII apparaît pour la saison 1966. Pour cela il allège le châssis en utilisant plus d'alu et enlève les soudures pour les remplacer par des rivets. Dès la première course au Guards Trophy, c'est la victoire. On ajoutera des victoires au Tourist Trophy, à Mallory Park et dans diverses courses américaines du printemps.
Ensuite, à l'Automne, c'est dans la toute nouvelle série CanAm qu'elle va briller. C'est simple, sur les 6 courses que comptent la série, seule Laguna Seca revient à Chapparal. Les Lola T70 MkII l'emportent à Mont-Tremblant, Riverside et Stardust avec John Surtees, à Bridgehampton avec Gurney sur une machine engagée par son écurie AAR (d'ailleurs la seule victoire d'un moteur Ford en CanAm) et à Mosport avec Phil Hill sur une voiture de Penske. Carton plein, Surtees est champion!
En 1967 on se rend compte en Angleterre que les courses de Groupe 7 et 9 sont tellement populaires qu'elles font de l'ombre à la F1. Et comme les écuries de pointe du championnat sont anglaises... les Groupe 9 passent à la trapinette !
Résultat : Eric Broadley doit concevoir une autre auto... ou modifier la T70. Il vise désormais le Groupe 6, éligible au Championnat du Monde des Voitures de Sport, et même le Groupe 4. En revanche, il faut que ce soit un Coupé et, pour ce dernier groupe, que l'auto ait été vendue à 50 exemplaires. Il y en a déjà 47 qui circulent, cela ne devrait pas être un problème. Naît donc la T70 MkIII, disponible en Spyder destinée au Groupe 7, ainsi qu'en Coupé, spécialement conçu pour être éligible en Groupe 6 et Groupe 4. La nouvelle T70 se différencie par sa carrosserie, et ses pneus et freins plus larges. Les moteurs sont toujours des V8 américains mais on peut les associer à une boîte 5 en option.
Les Lola T70 Spyder MkI et MkII vont continuer à courir, mais on les verra moins aux avant-postes. Déjà parce que les MkIIIB, des Spyders plus légers, les ont rendu obsolètes en Can-Am et surtout parce que cette année-là, les McLaren sont imbattables ! Surtees défendra les couleurs de Lola au volant de sa MkIIIB, mais devra se contenter d'une seule petite victoire.
Les MkIII Coupé ne connaîtront pas plus de succès au Mans où la GT40 sera couronnée et les Porsche s'avèreront de redoutables adversaires. Par contre, leur heure de gloire sera écrite à Daytona où les coupés feront le doublé en 68.
On vous l'a dit, ce sont des autos qu'on voit peu en Europe Continentale. En Angleterre on en voit déjà plus avec les événements que sont Silverstone Classic ou Goodwood Revival, deux pistes où la T70 a écrit de belles lignes de son histoire. On les voit aussi aux Etats-Unis et au Canada sur de nombreuses courses historiques.
Et pourtant, on voit encore énormément de MkIIIB. Pourquoi? Tout simplement parce que vous pouvez encore en commander une de nos jours, qu'elle sera éligible partout - ou presque - et que son moteur Chevrolet, le plus répandu, est peu cher à exploiter.
Photos : News d'Anciennes, Bonhams, RM Sotheby's