Pour qu’un projet aboutisse, il faut que toutes les parties prenantes décident de le faire avancer ensemble avec pour seul objectif un résultat final validé par tous. Ce ne fut pas le cas pour le coupé Maserati 450S Costin/Zagato qui, dès le départ, souffrit d’un manque de motivation du carrossier, peu satisfait de se voir imposer des directives venant de l’extérieur. L’aventure fut courte pour celle que l’on appela rapidement « Il monstro » puisqu’elle ne participa qu’à une seule course, le 24Hrs du Mans 1957. Petit rappel.
Au milieu des années 50, Maserati reste, avec Ferrari, une des marques les plus en vue dans le championnat des voitures de sport. Voulant se battre sur tous les fronts, on retrouve des voitures de la marque de Modène à chaque niveau de la compétition. Les 150S dans les moins de 1,5l, la 200S pour les moins de 2l et la 300S pour la catégorie supérieure. Pour répondre à la demande de certains clients et pour réussir à vaincre une concurrence toujours plus affûtée avec ses 750 Monza, Type D ou DB3S, la direction de la marque au trident décide de lancer l’étude d’un 8 cylindres. Il en résulte un moteur de 4478cc, placé dans un châssis tubulaire, développant plus de 400cv. Une boite de vitesse spécifique est conçue par Colotti avec pour objectif premier de pouvoir encaisser la puissance du 8 cylindres.
Comme c’est l’habitude à l’époque pour les Maserati sport, c’est Fantuzzi qui se charge de l’habillage.
Après une mise au point longue et fastidieuse, la nouvelle Maserati fait ses débuts aux 1000km de Bueno Aires en janvier 57. La course se solde par un abandon pour le duo Moss/Fangio sur un problème de différentiel. Mais deux mois plus tard aux 12hrs de Sebring, la 450S de Behra/Fangio gagne la course en devançant la 300S de Moss/Schell et la Jaguar Type D de Hawthorn/Bueb. Même si elle ne confirme pas son brillant résultat sur les deux courses qui suivent puisqu’elle doit de nouveau abandonner aux Mille Miglia et aux 1000km du Nürburgring toute l’équipe croit au potentiel de la « grosse » Maserati.
Moss, qui n’a jamais caché son aversion pour les 24 Heures du Mans n’est pas chaud pour y participer alors que l’édition 1957 se profile à l’horizon. Pour le convaincre, la direction de l’écurie Maserati lui offre la possibilité de travailler à sa guise sur une voiture qui, compte tenu de la puissance de son moteur, lui sera favorable dans la longue ligne droite des Hunaudières. Pour améliorer l’aérodynamisme, Moss demande à Frank Costin, aérodynamicien réputé, de travailler sur une carrosserie fermée avec notamment un arrière améliorant la circulation de l’air permettant ainsi à la voiture d’atteindre les 300km/h dans la fameuse ligne droite. C’est à Zagato que Maserati confie la réalisation de la carrosserie.
Le temps est compté, et Costin se rend en Italie pour faire avancer le projet qui prend beaucoup de retard. Mais rien ne va comme il le souhaite. Arrivé sur place, il s’aperçoit que ses directives n’ont pas été respectées et que la voiture ne correspond pas vraiment à ce qu’il souhaite. Pire, à peine le dos tourné, Zagato n’en fait qu’à sa tête.
La voiture arrive sur le circuit du Mans sans avoir fait de test routier et pas terminée. D’abord, la partie arrière n’est pas conforme à celle voulue par Costin. Aucun système de ventilation n’équipe le cockpit, les essuie-glaces ont tendance à reprendre leur liberté à haute vitesse, les phares éclairent péniblement la piste à travers le Perspex Cover et l’accélérateur a tendance à rester « collé ». Bref, rien ne va comme prévu.
Pas découragé, Stirling Moss prend un bon départ comme il le fait souvent. Mais au 2ème tour, la tôle qui protège l’habitacle du pot d’échappement s’arrache, accentuant encore l’effet sauna de l’habitacle.
La voiture, instable à haute vitesse ne peut atteindre les 300kmh prévu initialement. Pire, elle est chronométrée moins rapide que la barquette avec le même moteur.
Derrière son volant, le pilote anglais se bat sur la piste pour maintenir son coupé 450S dans le trio de tête. Une fuite d’huile dans l’habitacle l’asphyxie à moitié et ce n’est pas la ventilation quasi-inexistante du poste de pilotage qui améliore le problème. À la fin de son premier relais, il passe le volant à Schell qui va devoir renoncer quelques tours plus loin suite à la rupture d’une canalisation d’huile.
Fin de l’aventure pour le coupé Costin/Zagato, surnommée «il monstro », puisque ce sera la seule course où elle est alignée.
À peine l’épreuve terminée, la voiture est renvoyée à Modène où son moteur est récupéré, de même que certains éléments du système de freinage.
C’est en 1958 qu’un Américain, Byron Staver, en visite chez Maserati, découvre la voiture et décide de la reconvertir pour un usage routier. Le châssis est allongé, la ventilation revue, des ouïes sont faites sur les ailes avant, le pare-brise remplacé par un d’un seul morceau, des vitres de custode sont ajoutées et des protections d’échappement sont positionnées sous les portes. Au niveau de la motorisation, elle retrouve un 8 cylindres conforme à l’origine.
Pour l’occasion, un nouveau numéro de châssis est attribué à la voiture, ce sera le 4512.
Elle est alors repeinte en noir et va rester deux petites années entre les mains de son nouveau propriétaire.
Le coupé 450S est alors vendu à Harry Heinl qui la repeint en rouge et entreprend une deuxième restauration. Elle va alors changer plusieurs fois de mains, revenant même en Europe avant de repartir aux US. Elle a aujourd’hui retrouvé sa teinte noire identique a celle qu’elle avait lors de sa première vie comme Maserati 450S Stradale.
Même si on pourrait regretter que le coupé 450S Zagato/Costin ne soit pas strictement conforme à celui aligné lors de la course des 24 Heures du Mans 1957, il n’en demeure pas moins que « il monstro » reste une voiture remarquable, très spectaculaire et pas si éloignée que ça de sa forme initiale. Elle n’aura certes pas brillé sur les circuits, mais aura marqué l’imaginaire de tous ceux qui ont pu la croiser lors de son arrivée sur le circuit des 24hrs.
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