Depuis près de 15 ans, Mercedes est absent des GP de Formule 1. Après avoir dominé la catégorie avant la 2ème guerre mondiale, la marque à l’étoile est bien revenue à la compétition. Avec sa 300SL, elle vient de gagner la Panamericana et les 24 Heures du Mans, mais n’est pas encore présent dans la discipline reine : la Formule 1. Ce sera chose faite en 1954.
Pour ce retour, Mercedes va mettre tous les atouts de son côté. Fritz Nallinger, assisté de Rudolf Uhlenhaut, s’entoure d’ingénieurs de haut niveau qui vont élaborer une auto capable de dominer le championnat du monde de la même façon qu’elle l’avait fait dans les années 30.
La réglementation validée par la CSI pour 1954, autorise deux types de moteurs. Un 750cm3 avec compresseur ou un 2500cm3 atmosphérique. Mercedes va faire le choix d’un 8 cylindres en ligne de 2496cm3. Incliné pour bénéficier d’un centre de gravité plus bas, ce moteur a la particularité de possèder des soupapes à commande desmodromique permettant une meilleure montée en puissance. Il bénéficie d’une injection directe Bosch ce qui est aussi une nouveauté. Des freins à tambours ventilés et une boite de vitesse à 5 rapports montée à l’arrière complètent le tableau.
Sur un châssis tubulaire, c’est une carrosserie fabriquée dans un mélange aluminium/magnésium qui vient habiller la monoplace. Particularité, deux types de caisses sont envisagées. Une première dite « Monoposto », pour être utilisée sur les circuits lents quand la vitesse de pointe n’est pas le paramètre principal, une deuxième , dite « Streamliner » pour aborder les circuits rapides tels que Reims ou Monza.
Pour piloter celle baptisée W196, Neubauer, le célèbre team manager de l’équipe allemande, va faire appel à Juan Manuel Fangio, déjà sacré champion du monde en 1951. Kling, Herrmann et Lang accompagnent l’argentin dans l’aventure.
La mise au point de la nouvelle Mercedes prend plus de temps que prévu et Fangio, la nouvelle recrue, doit faire les deux premières courses de la saison sur Maserati 250F1. Mais que ce soit en Argentine ou à Spa, cela ne l’empêche pas de gagner en terminant à chaque fois devant une Ferrari.
Cest à Reims que la nouvelle W196 fait son apparition. Le circuit étant réputé pour sa rapidité, c’est sous sa forme Streamliner qu’elle fait ses débuts. Dès les essais, elle marque les esprits. Fangio réalise le meilleur temps en devançant Kling, son coéquipier, d’une seconde, Ascari sur Ferrari étant juste derrière.
La course sera conforme aux qualifications. Les deux Mercedes partent en tête, Fangio et Kling se passant et repassant au gré des tours. Seul Froilan Gonzàles sur sa Ferrari fait illusion en suivant le rythme des premiers. Mais rapidement, les W196 font le trou et Fangio l’emporte devant Kling. Pour un début, la firme de Stuttgart frappe un grand coup et surtout, ne laisse que peu d’espoir à la concurrence pour les grands prix suivant.
Pourtant, sur le circuit de Silverstone, les Mercedes vont devoir s’incliner devant plus fort qu’eux. Si Fangio réalise le meilleur temps aux essais, il est victime en course de problèmes de boite de vitesse. De plus, alors qu’il aurait souhaité courir avec une voiture aux roues découvertes, il est tenu de piloter la version « streamliner », la « monoposto » n’étant pas encore prête. C’est Gonzàles qui l’emporte, Fangio termine 4ème malgré ses problèmes.
Mais rapidement, Mercedes va remettre les pendules à l’heure. Au Nürburgring, ce sont 4 W196 qui sont alignées. 3 en version roues découvertes pour Fangio, Kling et Lang, Herrmann devant se contenter de la version roues couvertes.
Fangio va réaliser le meilleur temps des qualifiations et remporter la course en laissant la Ferrari de Hawthorn/Gonzàles à plus de 1’30 et celle de Trintignant à 5’10. Kling termine 4ème.
L’argentin remet le couvert en Suisse et en Italie. Si sur le circuit difficile de Bremgarten il pilote une monoposto, il retrouve une streamliner sur le très rapide circuit de Monza.
Dans les deux cas, il s’impose et remporte le titre de champion du monde de Formule 1 avant la fin du championnat.
La dernière course prévue au calendrier, sur le circuit urbain de Pedralbes en Espagne, va voir la 2ème défaite de l’année pour Mercedes puisque c’est Mike Hawthorn sur sa Ferrari Squalo qui l’emporte, Fangio ayant du ralentir, victime d’un problème de surchauffe.
Au classement général final, il devance son compatriote Gonzàles de 17 points.
C’est un retour gagnant pour Mercedes. Même si tout n’a pas été parfait pour l’équipe allemande, sa domination a été impressionante et personne ne voit qui pourrait la battre.
Pour la nouvelle saison, l’équipe de Neubauer se renforce en engageant le jeune Stirling Moss. C’est un équipier de talent qui vient épauler l’argentin qui pourra compter sur lui en cas de défaillance.
En Argentine, Fangio remporte son GP prix devant 2 Ferrari. Une 2ème Mercedes termine 4ème, les deux autres ont du abandonner.
A Monaco, elles vont connaître des problèmes de moteur alors que les deux flèches d’argent ont dominé une grande partie de la course. Avec un peu de chance, Trintignant l’emporte en ayant piloté avec une rare intelligence.
Si l’épisode monégasque a pu instiller le doute chez les allemands, la suite des événements va rapidement les rassurer. A Spa, Fangio termine devant Moss tout comme à Zandvoort.
A Aintree, lieu du GP de Grande Bretagne, les places sont inversées, Moss triomphant à domicile. Il dira plus tard qu’il pensait que l’argentin l’avait laissé gagner devant le public anglais. Fangio s’en est toujours défendu même si pour beaucoup, la version de Moss semble plausible.
A l’occasion de ce GP, Mercedes réalise un quadruplé, Kling terminant 3ème et Taruffi 4ème. La conccurrence a été balayée. Avec sa 2ème place, les Grands Prix d’Allemagne, de France, de Suisse et d’Espagne ayant été annulé suite à l’accident des 24 Heures du Mans, Fangio est déjà assuré de remporter un 2ème titre pour Mercedes.
La dernière épreuve du calendrier va se dérouler à Monza. Le circuit a été revu pour cette nouvelle édition et passe de 6,3km à 10km.
Les W196 se présentent aux essais avec ses deux carrosseries. C’est finalement sur une streamliner que Fangio l’emporte, devançant son coéquipier Taruffi sur une même voiture.
Ce Grand Prix d’Italie voit pour la dernière fois les W196 participer à une épreuve du championnat du monde de Formule 1. Mercedes se retire de la compétition. La version officielle dira que c’est à cause du drame des 24 Heures, mais il semblerait que la décision était prise depuis plusieurs mois, la direction de la marque allemande jugeant qu’elle n’avait plus rien à prouver. Il faudra attendre 2010 pour revoir les flèches d’argent au départ d’un GP de Formule 1.
Le palmarès de la W196 est tout à fait remarquable. Sur 12 Grands Prix auxquels elle a participé, elle en aura gagné 9 (Fangio 8, Moss 1). Elle aura permis à Fangio de remporter 2 titres de champion du monde des pilotes, Moss terminant vice champion en 1955. Si le titre constructeur avait existé à cette époque, Mercedes l’aurait remporté haut la main.
En 1956, Fangio rejoint Ferrari et remporte un nouveau titre en devançant à nouveau Stirling Moss passé chez Maserati.
Crédit photos : Pinterest, Archives Mercedes