1982 est une année charnière dans l’histoire des rallyes. La FIA ouvre aux voitures à transmission intégrale la possibilité de participer au championnat du monde des rallyes !
Seule, Audi, la marque d’Ingolstadt, est prête à relever le défi avec ses coupés Quattro. Même si elle ne gagne pas le championnat du monde pilotes, elle remporte le titre constructeur et fait prendre conscience que l’avenir appartient aux 4 roues motrices. Peugeot, alors en difficulté, suite à son rachat de Chrysler Europe, décide de profiter du lancement de sa « petite » 205 pour relever le challenge et va développer celle qui va dominer le championnat du monde des rallyes, la 205 Turbo 16.
Début des années 80, Peugeot va mal. Il n’a pas encore digéré le rachat de Chrysler Europe et perd régulièrement des parts de marché. Tous les espoirs se reportent sur le projet M24 en gestation depuis1978. Pour accompagner la sortie de celle qui deviendra 205, Jean Boillot, le président de la marque, décide de s’appuyer sur la compétition pour en assurer la promotion. Pour cela, il compte sur Jean Todt, patron de Peugeot Talbot Sport créé en 81, pour développer une version course de la 205 capable de répondre à la règlementation du Groupe B.
Si celle-ci est très permissive et ouvre beaucoup de possibilités, elle impose une contrainte de taille: l’homologation ne sera donnée que si une série de 200 exemplaires, servant de base à la voiture prévue en compétition, voit le jour en moins d’un an.
Motorisée par un 4 cylindre de 1775cc gavé par un turbo KKK, la 205 T16 est présentée à la presse en février 1983 au même moment que débute la commercialisation de la 205.
Le développement moteur est confié à JP Boudy. André De Cortanze s’occupe de la partie châssis et design. Si celui-ci fait ressembler de loin la T16 à la verson « civile » de la 205, ce n’est qu’un leurre. En réalité, à l’exception de quelques pièces de carrosserie, la T16 est une voiture totalement nouvelle et n’a rien à voir avec celle de série. Le moteur est monté transversalement en position centrale arrière. La voiture est construite autour d’une cellule monocoque sur laquelle ont vient fixer une carrosserie en acier. Niveau transmission, elle bénéficie d’une boite 5 et, 4 roues motrices obligent, est équipée d’un pont autobloquant à répartition fixe et de 2 différentiels à glissement limités. Les voitures réservées aux clients verront leur puissance limitée à 200CV.
C’est en mars 1984 qu’elles sont prêtes tout comme les 20 exemplaires destinés à la compétition.
La carrosserie, de ceux-ci est en composite pour gagner quelques kilos et le moteur délivre près de 350cv.
Prête en cours de saison, il a été décidé que le programme de la nouvelle venue en Championnat du Monde des rallyes se limiterait à 5 apparitions : Tour de Corse, Acropole, 1000 Lacs, San Remo et RAC.
Même si la confiance est là, c’est avec une certaine angoisse que l’équipe PTS se retrouve le 3 mai 1984 au départ du Tour de Corse.
Les deux pilotes choisis pour ce baptême sont Ari Vatanen, champion du monde 1981 et JP Nicolas qui a beaucoup travaillé sur le cahier des charges de la voiture et sur son développement en accumulant les kilomètres à son volant. C’est sur eux que reposent tous les espoirs de la marque et ils vont se montrer à la hauteur des attentes. Dès la 2ème spéciale, Vatanen domine la concurrence et l’emporte donnant ainsi à la 205T16 sa première victoire en compétition. Au bout de la 8èmeES, c’est l’euphorie chez Peugeot. Les voitures du team occupent les deux premières places du rallye. Les Lancia d’Alen et Biasion ont perdu beaucoup de temps suite à des choix de pneus discutables et Röhrl a du abandonner sur son Audi Quattro.
En tête à la fin de la première journée, Vatanen est victime d’une crevaison qui lui fait perdre plusieurs minutes dans l’ES16. Mais, le finlandais ne se démonte pas et signe quelques exploits qui lui permettent de conserver sa première place à Calvi, terme de la seconde étape.
Malheureusement , la belle aventure pour le grand blond et sa T16 va se terminer dans l’ES20 où il est victime d’une violente sortie de route, heureusement sans gravité pour lui et son copilote.
Nicolas, un peu en deça de son coéquipier au début du rallye, prend alors le relais et finit en boulet de canon en gagnant deux spéciales au passage pour finir 4ème au général permettant ainsi à Peugeot de marquer ses premiers points au championnat.
Cette première sortie est plus qu’encourageante. Il y a certes quelques points à rectifier, notamment une direction un peu trop souple, mais globalement, la voiture est bien née et aucune grosse faiblesse n’est venue perturber le bon fonctionnement des deux voitures présentes en Corse. Le rendez-vous est pris pour le rallye de l’Acropole où les deux lionnes vont découvrir un nouveau terrain sur lequel l’avantage des 4 roues motrices laisse espèrer une belle performance.
L’Acropole se déroule en Grèce du 28 au 31 mai. Les Audi, fortes de leur expérience restent favorites, mais tous ont les yeux fixés sur les voitures françaises.
Après un début d’étape prudent, Vatanen augmente le ton et termine la première journée avec seulement 2 secondes de retard sur le leader Walter Röhrl. De plus en plus rapide, il prend le commandement de la course à l’issue de la 18ème spéciale.
Malheureusement, un problème de courroies de pompe à huile et ensuite de distribution l’oblige à abandonner au milieu de la 32ème ES.
Pour Nicolas, ce sont des problèmes de freins qui vont l’empêcher de voir la ligne d’arrivée, un étrier arrière explose suite à la projection de pierres ce qui oblige le français à quitter le rallye dans l’ES 35.
Comme en Corse, les deux voitures sont performantes, Vatanen a remporté 11 spéciales, mais il reste à fiabiliser encore la T16 pour espèrer une première victoire.
La prochaine étape pour Peugeot se déroule en Finlande du 24 au 26 août. Le rallye des 1000 Lacs est certainement un des rallyes les plus spectaculaires de la saison avec ses fameuses spéciales en forêt et ses sauts spectaculaires. Peugeot semble bien armé pour l’emporter. La voiture a été fiabilisé depuis la Grèce et Vatanen est un atout important pour la marque sochalienne puisqu’il connaît parfaitement le terrain avec déjà une victoire sur ses terres.
Dès le départ, la course prend la forme d’un duel entre le pilote de la Peugeot et Alen sur sa 037 après que Mikkola, auteur d’un départ parfait baisse d’un ton, handicapé par un moteur brutal dans son utilisation. En tête dès la 13ème ES, Vatanen remporte 31 des 51 spéciales et termine le rallye avec 2 minutes d’avance sur Alen, Toivonen sur l’autre Lancia complètant le podium.
Tout au long du rallye, la T16 a dominé la concurrence en performance pure. En prenant
½ seconde aux Lancia et 1 seconde aux Audi Quattro au kilomètre, la Peugeot a démontré tout son potentiel et marqué son territoire. Le travail fait depuis l’Acropole a payé et les kilos gagnés combinés à la vingtaine de chevaux supplémentaires proposés par le moteur ont permis de vaincre et toute l’équipe attend avec impatience les deux dernières échéances de l’année pour confirmer ce premier succès.
C’est en Italie que les T16 se retrouvent du 30 septembre au 5 octobre pour le rallye de San Remo. La tâche ne s’annonce pas facile. Les Lancia sont chez elles et devraient profiter en plein des bouillants tifosi qui ne manqueront pas de venir supporter les 037.
De plus, le mélange goudron/terre avantage moins la française qu’aux 1000 Lacs et la parfaite connaissance du parcours de la part de Bettega ou Biasion donne un avantage supplémentaire à l’équipe italienne.
En réalité, rien ne va entraver la marche en avant de la 205 de Vatanen. Après avoir fait quasi jeu égal durant les premières spéciales sur asphalte, le finlandais se porte en tête dès la 9èmeES pour ne plus lacher le commandement. Au final, sur les 57 secteurs chronométrés, Vatanen en remporte 31 contre seulement 8 à son suivant immédiat, Bettega, qui termine l’épreuve à plus de 5 minutes du vainqueur suivi par Biasion.
Malgré une dernière nuit terrible courue sous un vrai déluge provoquant de multiples sorties de route dont celle de Walter Röhrl et l’annulation de deux spéciales, la 205T16 remporte un deuxième succès d’affilé, non sans frayeur puisque Vatanen, victime d’aquaplanning à 150km/h dans l’ES 50 s’en sort miraculeusement après un double tête à queue.
Nicolas, au bout d’un rallye ponctué par quelques incidents mécaniques ou sortie de route, termine à la 5ème place. L’important était de finir et de permettre à Peugeot d’accumuler expérience et informations avant le dernier rallye de la saison.
Cette dernière manche se déroule en Angleterre du 24 au 29 novembre. Le RAC est toujours une épreuve difficile où il faut faire face à des conditions climatiques souvent défavorables, la pluie pouvant se mélanger au vent et au froid dès le départ de Chester.
Audi se présente en favori fort des trois victoires acquises lors des éditions précédentes.
Comme en Finlande, une seule Peugeot est alignée face à trois Audi Quattro pilotées par Mikkola, Mouton et le local Wilson. Les Lancia n’ont pas fait le déplacement estimant sans doute être peu compétitives sur ce genre de terrain face aux 4 roues motrices.
Dès la première étape, Vatanen se porte en tête. Malgré tous ses efforts, Mikkola ne peut rien faire contre la T16 qui aligne les temps scratch.
Au terme de l’ES 39, la Peugeot possède plus de 4 minutes d’avance sur l’Audi. Tout va être remis en question dans la spéciale 40 où Ari est victime d’une terrible sortie de route qui endommage sérieusement sa voiture. Heureusement, pas de casse mécanique, mais 5 minutes de perdues dans l’affaire ce qui permet à Mikkola de passer en tête pour la première fois depuis le départ.
Vatanen repart de plus belle et 2 spéciales plus loin, il repasse devant l’Audi, elle aussi en prise avec quelques soucis de pression du turbo et fuite d’huile au différentiel. Sans doute pour conserver un peu de suspense, la T16 est victime d’une rupture d’un arbre de transmission. Par précaution et en un temps record le duo De Cortanze/Vaucard font changer le différentiel et l’arbre. Mikkola en profite pour reprendre le lead de la course alors qu’il ne reste que 6 spéciales à parcourir. Ce sera suffisant à Vatanen pour combler son retard et terminer à la première place de ce RAC placé sous le signe des rebondissements.
Avec moins d’une minute d’avance, la Peugeot devance l’Audi Quattro de Mikkola, la Toyota Celica d’Eklund termine 3ème à plus de 17 minutes.
La 205 Turbo 16 et son pilote fétiche gagne là sa troisième victoire ce qui permet à Peugeot de terminer 3ème au classement général des constructeurs derrière Audi et Lancia et à Vatanen de prendre la 4ème place au championnat pilotes.
Plus que ces brillants résultats, que personne n’envisageait en début d’année, cette première demi-saison ouvre de belles perspectives pour 1985. De plus, Peugeot se donne les moyens de ses ambitions puisque ce sont 2 ou 3 T16 qui viendront défendre les couleurs françaises à chaque manche du championnat. Celui-ci s’annonce prometteur pour la marque au Lion et ses pilotes qui devront confirmer une fin d’année 84 en fanfare. Mais çeci est une autre histoire.
Crédit photos : Pinterest, Pilotedecourse, leProgrès, ArchivesPTS, Rallymania, Motorsport, Supercarnostalgia,Slotracer, Caradidiac.