On vous a déjà parlé des essais des constructeurs français pour percer dans le segment, devenu très germanique, des routières haut de gamme. Si vous l’avez raté, c’est par ici. Souvent, on reprochait aux autos produites d’être sous-motorisées. Quand on s’appelle Renault et que son V10 est déjà plusieurs fois champion du monde en F1… Il faut avouer que ça fait tache. Alors le losange a dégainé une auto qui est restée dans les mémoires puisque “des comme ça, on n'en fait plus”. Elle, c’est la Safrane Biturbo.
Dans le genre des haut de gamme, la Renault 25 n’était pas trop mal réussie. Problème, elle était trop “française” pour aller chercher les allemandes. Avec son hayon, elle déroutait certains clients. La motorisation n’était pas ridicule, mais il manquait quand même quelque chose.
La Renault Safrane la remplace à partir de 1992. Son style est plus conventionnel, et se démarque dans la gamme même si la Laguna qui apparaîtra l’année suivante copiera “un peu”. Par contre, elle conserve le hayon, devenu une marque de fabrique chez Renault. Côté technique, la française repose sur une plateforme inédite, est évidemment une traction, les suspensions peuvent être pilotées et on propose 3 moteurs essence, deux Douvrin et un PRV ainsi que deux Diesels.
La cavalerie max ? 170ch pour une auto qui pèse quand même 1500 kg… C’est léger !
L’accueil est bon mais les ventes sont en-dessous de la R25. Surtout, les allemandes se sont appropriées le segment avec de vrais et gros moteurs et la Safrane ne peut lutter. Le positionnement est également compliqué avec la Laguna qui proposera un V6 et les monospaces, dont l’Espace, qui attirent les grands voyageurs dans un espace bien plus grand mais moins raffiné puisque la Safrane ne lésine pas sur les options.
Pour offrir un vrai haut de gamme, une routière performante et qui se démarque, le constructeur ne va pas y aller de main morte. Clairement, dans le paysage automobile français, on n'avait jamais vu ça et on ne le reverra pas tout de suite.
C’est donc LA Safrane Biturbo qui débarque au salon de Genève 1992. C’est une Renault, mais elle a de sérieux accents allemands ! Le V6 PRV de 3.0 litres est passé entre les mains du préparateur allemand Hartge. Résultat : 268 ch. Pour y arriver, et comme son nom l’indique, le moteur échappé de l’Alpine A610 se retrouve gavé par deux Turbos. Il aurait pu viser bien plus haut en puissance, mais la boîte 5 fournie et la transmission Quadra (quatre roues motrices) qu’on impose ne peuvent supporter plus de puissance.
La vitesse est limitée à 250 km/h, comme sur toutes les allemandes de l’époque et la borne kilométrique est atteinte en 27,7s. Le dynamisme reste réservé à la vitesse vu que la Safrane Biturbo accuse 1800 kg sur la balance !
La Safrane Biturbo se remarque facilement. Déjà avec ses roues à 5 branches de 17”, une belle monte pour l’époque. L’avant est modifié pour accueillir les entrées d’air des deux échangeurs. À l’arrière, la sortie d’échappement est ovale, très plate, sous un bouclier spécifique quand un discret aileron coiffe la “malle qui n’en est pas une”. Avec cela, l’aéro est plutôt bonne, et heureusement vu les vitesses visées.
L’intérieur aussi a un accent allemand. C’est en effet Irmscher qui va réaliser l’assemblage des autos et c’est logique puisque c’est lui qui se charge déjà des Baccara de la gamme classique. La version de base ne diffère d’une RXE classique que par son compteur gradué jusqu'à 280 km/h. Par contre, la Safrane Biturbo Baccara, qui est donc le haut de gamme du haut de gamme, ne lésine pas. Si on se replace en 1992, l’intérieur cuir et le bois vernis, c’est normal… et encore on parle d’une Renault ! Quand on ajoute la chaîne Hi-Fi à CD (!) avec commandes au volant, le téléphone main-libre c’est byzance. On en remet juste une couche avec les sièges chauffants dont la forme s’adapte à la morphologie du conducteur via 6 coussins gonflables.
La Safrane Biturbo est donc une vraie auto haut de gamme, française, bien motorisée et performante. Recette miracle ? Presque. On n'a pas parlé du prix : 428.000 francs en version Baccara et, déjà, 389.000 en version RXE. Il faut dire que le processus de production, avec des RXE Quadra prélevées à Sandouville pour être assemblées en Allemagne, est long et coûteux.
La présentation a beau être faite en Mars 1992, Hartge n’a pas fini de peaufiner l’auto, en particulier sa fiabilité. Du coup ce n’est qu’en 1994 que les premières Safrane Biturbo arrivent vraiment sur les routes. Et c’est la douche froide. Une BMW 540i est moins chère et pour le prix d’une Baccara, on roule en Mercedes Classe E avec un V8 ! Le marché allemand qui devait absorber une partie de la production boude l’auto.
Pour le millésime 1995, l’auto perd même des équipements ! Résultats : les ventes sont faibles et vont le rester… mais pas longtemps. La Renault Safrane Biturbo est retirée de la gamme en 1996 !
Voiture de prestige, quand elle a bien été entretenue, la Safrane Biturbo est arrivée jusqu'à nous en plutôt bon état. Problème, il y en a eu très peu : 812 exemplaires ! Il faut commencer par en trouver une. Les prix sont assez faibles par rapport au standing, mais il faut garder à l’esprit que des pièces spécifiques, notamment la carrosserie et les pièces du système Quadra sont durs à trouver. Les amortisseurs sont chers et l’embrayage, mis à rude épreuve par la cavalerie, est à surveiller. Par contre, le kilométrage sera souvent important mais n’est pas forcément un souci si l’auto a été bien entretenue.
Les prix ? Entre 12 et 16.000 € selon l’état mécanique, et vous ne trouverez pas de grosse différence entre une RXE et une Baccara. Moralité : vous savez laquelle choisir si vous avez le choix (ce qui n’arrive jamais).
Vous en avez une ? Vous voulez la vendre ? Faites la estimer en quelques clics sur notre site, c’est par ici.