La passion qu’entretient Artioli pour Bugatti est si grande, qu’il ressuscite la marque d’automobiles française. En 1987, il achète les droits de la marque et devient propriétaire de Bugatti Automobili S.p.A. À la fin de l’année il trouve un lieu de production adéquat. Non pas en France, mais à Campogalliano, en Émilie-Romagne, dans les environs de Modène. Le lieu en question offre un gros avantage : il se trouve dans la région où sont basées les grandes marques d’automobiles sportives italiennes telles que De Tomaso, Ferrari, Maserati ou Lamborghini. Ainsi, Artioli peut recruter plus facilement des travailleurs expérimentés. Il ratisse dans le secteur constructeurs, designers, développeurs et monteurs les plus renommés. C’est comme ça que les premiers dessins de la nouvelle voiture naissent du crayon du même designer que les Lamborghini Miura et Countach.
La manufacture est la plus moderne de son époque, avec quelques détails remarquables : en grand passionné de Bugatti, il fait installer dans la salle à manger la porte originelle de l’usine Bugatti de Molsheim. De plus, Artioli est très au fait de l’Histoire de Bugatti : la manufacture est ouverte le 15 septembre 1990, le jour du 109e anniversaire de Ettore Bugatti. On ne peut pas encore y voir de voiture de sport moderne, mais déjà une sélection de 77 modèles historiques Bugatti.
Une conception légère pour chaque élément
Pour cette réinterprétation moderne, il n’a pas de limites. En respectant le slogan de Ettore Bugatti, il veut seulement le meilleur pour sa voiture. L’EB110 ne peut pas être basée sur une voiture préexistante, la conception démarre sur une feuille blanche. La monocoque légère de 125 kilogrammes est constituée de carbone, fabriqué par l’entreprise française de fusées Aerospatiale. Pour la carrosserie sont utilisés aluminium, carbone et fibre en aramide renforcée, les jantes sont en magnésium moulé, chaque vis est en titane. Pour cette voiture de sport, Artioli choisi un moteur V12-central de 3,5 litres, le moteur de réglementation en Formule 1 de l’époque, avec quatre turbos montant à 8'250 t/min. Deux arbres à came par cylindre et cinq soupapes par chambres à combustion, au total 60 soupapes, permettent une circulation rapide de l’essence. Les turbos fonctionnent avec une alimentation entre 1,05 et 1,2 bar et minimise le redouté décalage du turbo devenant quasi inexistant. Avec les carters entièrement ouverts, l’accélération de l’EB110 est constante, comme un élastique. 15 litres d’huile assurent la lubrification du moteur.
En fonction du modèle et de sa génération, le moteur produit entre 560 et 610 chevaux, la puissance est distribuée en permanence aux quatre roues. Une boîte manuelle à six vitesses est installée, un coupleur Visco 4-roues motrices, avec verrouillage différentiel à l’arrière et une distribution de 27 :73 pourcent. Sur les jantes en magnésium de 18 pouces se trouvent en avant des pneus aux dimensions 145/40 ZR18 et en arrière 325/30 ZR18, avec des freins Brembo.
L’EB110 bat le record de vitesse
Tout cela était nouveau à la fin des années 90 et a fait sensation. Un V12 avec quatre turbos, refroidissement à air, quatre roues motrices et deux différentiels n’existait jusqu’alors pas. L’EB110 est dans une nouvelle ligue, est pour l’époque une évolution majeure et a des décennies d’avance sur ses concurrents. La combinaison monocoque en carbone, quatre roues motrices et quatre turbos devient l’ADN de la Bugatti moderne. L’EB110 fait le 0 à 100 km/h en 3,26 secondes, ce qui en fait la voiture de série la plus rapide de son époque. La vitesse maximale est de 351 km/h, un record mondial pour une voiture de série. Après 30 ans, l’EB110 fait toujours partie des voitures les plus rapides du monde. De plus, les quatre roues motrices ainsi que l’ABS de série assurent une conduite facile. Bugatti avec cette création se propulse, inatteignable, au sommet de l’industrie automobile, là où Artioli et Ettore Bugatti avaient toujours vu La Marque.
L’EB110 propose en même temps un grand confort : climatisation, sièges électriques, direction assistée, commande centralisée et système son de haute définition sont tous des équipements de série. À l’intérieur, les matériaux les plus nobles du monde sont utilisés, comme entre autres du cuir italien du fabricant de meubles Poltrona Frau. Les portes s’ouvrent de manière élégante vers le haut, un aileron automatique s’active à hautes vitesses pour augmenter la force de pression de l’air, une entrée d’air en forme de C améliore l’aérodynamique et le refroidissement du moteur. Le tout à son prix : Bugatti demande pour cette super sportive au minimum 2 965 000 francs, incluant un service de maintenance les trois années suivant l’achat.
Malgré le fait que l’EB110 soit construite à Campogalliano, Bugatti célèbre la production de la première voiture le 15 septembre 1991 en France – le jour du 110e anniversaire d’Ettore Bugatti. Pour la présentation à Paris viennent environs 2'000 invités, trois EB110 descendent les Champs-Élysées. Les premières commandes pour la super sportive arrivent – tout semble bien se passer. Bugatti propose alors des variantes : l’EB110 GT (Gran Turismo) tout comme peu après la plus légère et rigide EB110 S (Supersport, plus tard SS). Avec l’EB110, Bugatti bat plusieurs record, entre autres celui de la plus grande accélération, de la voiture de série la plus rapide, de la voiture de sport alimentée au gaz la plus rapide et la voiture de série la plus rapide sur glace.
Mauvais moment pour une super sportive
Malheureusement, au même moment le marché des voitures super sportives coule de manière dramatique, la demande baisse drastiquement. Parallèlement, Artioli investit dans l’entreprise automobile Lotus et s’engage dans de gros projets. Alors qu’il ne peut plus payer les fournisseurs, l’usine italienne ferme ses portes. Jusqu’en 1995, la manufacture de Campogalliano a produit seulement 96 EB110 GT et 32 EB110 Super Sport, dont deux voitures de compétition officielles de 670 chevaux. Ces dernières courent notamment lors des 24-heures du Mans, à Suzuka et en série IMSA aux États-Unis, lors des 24 heures de Daytona. Ce furent les dernières voitures à sortir de L’usine. En tout, trop peu.
Après environ deux ans, la procédure de faillite se termine en 1997. « La réalisation de projets de rêve comme celui-ci, se révèlent être en réalité une folie. », dira Artioli. Pourtant, le mythe ne s’endort pas longtemps.
Un an plus tard, le groupe Volkswagen reprend les droits de la marque et relance l’entreprise sur de nouvelles bases. En 1998, Bugatti retourne en France, à Molsheim, là où Ettore Bugatti, en 1909, construit la première voiture sous son propre nom. Depuis son produites dans la manufacture alsacienne les hypersportives uniques Chiron1, Chiron Sport1 et Divo2. « Romano Artioli avec l’EB110 a réussi à créer une voiture sportive extraordinaire. Grâce à son initiative et à sa volonté, Bugatti est entré dans l’ère moderne », explique Stephan Winkelmann, Président de Bugatti. Cela mérite une célébration. L’EB110 est la seule Bugatti qui n’a pas été construite à Molsheim, mais pourtant c’est une vraie Bugatti – à 110%.