Dans le monde, il existe deux types d’automobiles. Les italiennes et les autres. Bon c’est un peu tiré par les cheveux, mais faut bien avouer que les productions de la botte n’ont pas leur pareil. Je ne saurais l’expliquer, mais malgré toute une tripotée de défauts, il se passe souvent un truc émotionnel derrière le volant. Bref à chaque fois que je conduis une italienne je suis conquis, alors allons voir ce qu’il en sera de cette méconnue Fiat 2300S Coupé.
Histoire de la Fiat 2300S coupé
Si vous ne connaissez pas cette voiture, c’est normal. En effet la Fiat 2300S Coupé c’est avant tout l’histoire d’un fiasco. Pourtant, tous les ingrédients de la réussite étaient réunis lorsque Fiat commercialisa son coupé 2300S en 1961. Aux manettes de ce projet audacieux, on retrouvait un motoriste de génie, épaulé par un préparateur de renom. Je fais allusion à Aurelio Lampredi à qui l’on doit le fameux V12 des Ferrari 250, ou encore quelques bricoles en Formule 1. Abarth était aussi sur le coup afin d’optimiser une mécanique déjà bien née. Bilan des courses, la 2300S était dotée de 150ch SAE (136ch actuels), qui permettaient des performances canons pour l’époque. D’autant que le châssis repris de la berline 2300 était plutôt bon.
Pour habiller cette mécanique d’orfèvre, Fiat fit appel à Ghia, un grand carrossier turinois. A cela il fallait ajouter une qualité de construction excellente, et quelques luxes techniques intéressants, comme des freins à disques. Autant dire que le constructeur partait avec une paire d’As en mains. Ce qui fut confirmé par la presse de l’époque. En effet, la 2300S reçut un bon accueil, et une excellente critique. Sa mécanique, son comportement routier, ses performances, et sa gueule en faisaient une des meilleurs GT de l’époque. Et pourtant, la sauce n’a pas prise. En 1965 Fiat offrit un lifting à sa belle dans l’espoir que… Mais toujours rien. Le coupé 2300 était beaucoup trop cher pour son blason. Finalement elle fut remplacée en 1968 par la plus connue Fiat Dino.
Une bien triste histoire pour une auto qui avait tout pour elle. Et aujourd’hui, qu’en est-il ?
Détaillons notre Fiat 2300S Coupé du jour
Extérieur : Une Fiat vraiment ?
Quand un Italien et un américain se chargent de dessiner une GT qu’est-ce que cela donne ? Eh bien, une auto plutôt chouette qui ne ressemble à aucune autre. Cette ligne atypique on la doit à Sergio Sartorelli et Virgil Exner Jr pour le compte de Ghia. Et non Tom Tjaarda. Certains lui trouvent de faux airs de Ferrari 250 GT, d’autres d’Aston Martin, pour ma part l’avant me fait plus penser à une TR6, et l’arrière à une Karman Type 34. D’ailleurs c’est bien la preuve de l’originalité de ce design, personne ne parvient à tomber d’accord. L’autre coup de génie, étant le brio avec lequel cette GT parvient à masquer ses dimensions généreuses. 4,62m de long, pour 1m63 de large et 1m37 de haut, voilà un beau bébé, bien loin des pots de yogourts habituellement produits par la marque.
Il faut bien admettre que notre belle ne fait pas penser à une Fiat, tant elle est éloignée des codes habituels du constructeur. On retrouve une ligne tricorps assez basique mais superbement équilibrée. L’avant est classique, avec un long capot, deux phares ronds, et cette calandre singulière. L’habitacle avec sa lunette arrière panoramique, et son montant central oblique, offre déjà plus d’originalité, tout en restant très élégant. La partie arrière retrouve le classicisme de l’avant, avec deux feux et un dessin assez pur. D’ailleurs la pureté c’est ce qui ressort vraiment de cette ligne. Les designers n’ont pas abusé des chromes ou autres arêtes vives. Sur la Fiat 2300S on se contente d’une simple ligne courant le long de la caisse, de deux ouïes latérales, et quelques chromes savamment placés.
Pour moi la robe de cette 2300S est totalement réussie. A la fois classique, originale, et superbement proportionnée. Puis j’aime beaucoup le gris taupe de notre modèle du jour. Allons voir si l’habitacle sera aussi chouette.
Intérieur : La gifle !
En ouvrant la porte de notre 2300S c’est la grosse claque ! Le premier truc qui me vient à l’esprit est le suivant : Quel virage Fiat a bien pu prendre pour passer de ça, aux intérieurs pourris qu’ils nous pondent depuis 30 ans ? L’habitacle de ce coupé est tout simplement magnifique surtout dans cette teinte caramel ! Bon il a surement fallu abattre la moitié du cheptel italien pour chaque auto produite, mais dieu que c’est de bon gout. Vous l’aurez deviné il y a du cuir partout, et le plastique est aux abonnés absents. Non à l’époque on préférait mettre de l’aluminium poli ou du bois véritable. Et le pire dans tout ça, c’est que c’est que les finitions sont tops !
Je suis dans une italienne et il n’y a rien d’arraché, ni de fils qui pendent, ou autres trucs branlants. Et le must, c’est que l’ergonomie est bonne ! Les pédales tombent en face, le levier de vitesses parfaitement placé, et toutes les commandes se trouvent là où elles doivent êtres. Enfin presque… Faut avouer que le bloc chauffage est bien planqué sous la planche de bord, et que la poignée d’ouverture du capot se trouve au fond de la boite à gants. M’enfin ce genre de bizarreries font les charme des autos transalpines. Finalement il ne me reste plus qu’à prendre place derrière le superbe volant Nardi et profiter du Lampredi.
Evidemment on est dans une auto des sixties, à part 4 sièges et un volant il n’y a pas grand choses à se mettre sous la dent. Pas même de ceintures de sécurité. M’enfin cet habitacle baigné par la lumière de la lunette arrière panoramique est tellement bien dessiné, qu’il se suffit à lui-même. Et puis il regorge de détails sympathiques, comme le grand volant en bois, le repose pieds passager, le rappel du modèle sur la planche de bord, ou le bloc compteur à la fois beau et lisible, etc… Ces éléments ne sont pas forcements utiles, mais ils sont canons, et participent à cette ambiance à part. Au volant de cette Fiat 2300S on se sent classe point barre!
Mécanique : Exquise
Qui dit GT, dit beau moteur. D’ailleurs Fiat n’a pas lésiné, en confiant sa conception à un ex gars de chez Ferrari, le tout peaufiné par un préparateur de renom. Ce 6 en ligne de 2279 cm3 on le doit à un certain Aurelio Lampredi ! Et une fois passé entre les mains d’Abarth, qui se charge de fignoler certains détails tels que le collecteur d’échappement, il en ressort 136 ch à 5600 trs/min pour un couple de 180 nm à 4000trs/min. Voilà qui promet un tempérament intéressant dans les tours et une bonne plage d’utilisation. Mais surtout une sonorité envoûtante, et ce petit plus indescriptible que seuls les Italiens savent distiller.
Côté technique, on retrouve une culasse 12 soupapes, coiffée par deux carburateurs double corps histoire de faire respirer cette mécanique d’auteur. Forcément, pour l’époque les performances sont de premier ordre, avec un 0 à 100 claqué en plus ou moins 11s, et 197km/h en pointe. La puissance est transmise aux roues arrières via une boite 4 rapports, et le freinage est confié à 4 disques. C’est dire à quel point Fiat avait mené son affaire de main de maître. Bon cela dit les performances de décélérations sont assez rigolotes… Il faut compter presque 60m pour passer de 100km/h à l’arrêt… Pratiquement le double de nos voitures modernes.
Au volant : Demi V12 mais pied complet
La prise en main : Plus de peur que de mal
À l’instant de se glisser derrière le volant, il a y a des autos qui impressionnent plus que d’autres. Et j’avoue que cette Fiat me fout un peu les boules. Peut-être à cause de la météo humide et brumeuse, ou de mes réflexes un peu rouillés par des mois sans essayer une caisse à l’ancienne ? Je ne sais pas, enfin si, j’ai surtout peur d’abîmer cette œuvre d’art, et ça me coupe la chic. Quart de tour, le 2.3L se réveille un peu en vrac. Si si ça va aller je vous assure, faut juste le laisser chauffer un peu. C’est ailleurs ce que je fais le temps régler ma position et trouver mes repères.
Embrayage, première, c’est parti. Etant un essayeur très factuel, le premier truc que je note, c’est la sonorité du Lampredi. Je n’ai pas dépassé les 2000 trs, mais j’ai le sourire tant cet organe ronronne bien ! Remarque venant du pays de Pavarotti et Caruso, heureusement que ce 6 en ligne a de la voix. Ensuite viennent des considérations plus pragmatiques. Comme la boite de vitesse un peu capricieuse, la sensation de flou dans le cap, ou encore les freins qu’il faut littéralement savater pour leur faire entendre raison (malgré 4 disques). Et quand bien même, ils ne s’avèrent finalement pas d’un grand secours. Vous l’aurez compris, cette Fiat n’est pas super simple à conduire, et nécessite un temps d’adaptation.
D’ailleurs après quelques kilomètres à me traîner comme une larve, je commence à prendre le coup de main. Bon la Fiat 2300S ne s’est pas transformée en ballerine. La direction est toujours aussi dure, un peu floue et très démultipliée. Le comportement général est quant à lui plutôt équilibré, mais peut vite devenir scabreux, avec une nette tendance au sous virage puis survirage. La boite s’avère quant à elle agréable dans la gestuelle et les verrouillages, mais est une vraie plaie en terme de guidage. J’ai un mal fou à trouver cette satanée troisième ! Cela dit j’admets que je commence à m’attacher à notre belle. Déjà parce que le moteur est vraiment génial. Sonore et plein de tempérament, il ne bronche jamais. Puis cette conduite à l’ancienne est vraiment gratifiante et j’aime ça !
En ville : Italienne dans l’âme
Après avoir pris le temps de m’accoutumer aux mœurs de notre belle, voyons voir ce que cela donne en agglomération. Pour ce faire, rien de mieux que de bonnes vieilles ruelles médiévales. Et là, c’est le drame. Notre GT n’a absolument aucunes aptitudes urbaines. Enfin si, regarder son reflet dans les vitrines, ou encore faire japper le 6 en ligne, sont deux activités que notre Fiat 2300S honore à merveille. Pour le reste c’est la cata, cette auto est aussi maniable qu’un méthanier. La direction non assistée, rayon de braquage, ou encore le rétroviseur, sont dignes d’une bonne blague sur les belges.
Et je n’évoque pas le freinage. Si un piéton traverse sous votre nez, pas le choix, il faudra l’écraser. Cette auto braque tellement peu qu’à chaque virage il faut se poser la question de la trajectoire optimale. Pour mener notre diva en agglomération, il faut s’armer de beaucoup de patience, et d’anticipation. Cela dit le 2.3L se laisse conduire en souplesse, sans avoir à jouer sur les rapports, ce qui laisse le temps de gérer tout le reste. Une vrai italienne dans l’âme, tout dans le paraître ! D’ailleurs fuyons la ville, car je sens que comme moi, cette Fiat a besoin de prendre l’air.
A la campagne : L’amour est dans le pré
Enfin, les remparts laissent place aux bocages. Double débrayage, 3eme, 2eme c’est parti ! Et c’est juste incroyable ! Bon avec un 0 à 100 claqué en une dizaine de secondes, il ne faut pas s’attendre à être roué de coups. Mais la manière dont ce 6 pattes relance est tout simplement enivrante. Cette mécanique offre bien plus que de simples performances, je parle d’un tempérament de feu. D’ailleurs ce Lampredi me rappel un certain V12 Colombo. Bien plein en bas, il explose littéralement dans les tours, tout en offrant une sonorité qui ferait passer Caruso pour un castra. Ici, la voix est rauque, bien grasse, et franchement méchante lorsque les soupapes s’emballent passé les 4000 trs/min. Rien à voir avec les autres 6 en lignes que j’ai pu essayer.
Vous vous en doutez déjà, je tombe amoureux. Et puis il y a cette boite avec laquelle je n’arrive toujours pas à rentrer la 3 du premier coup. Mais hormis ce détail le maniement est juste excellent, lent, décomposé, et brutal à souhait ! Rapport enclenché, il ne reste plus qu’a écraser l’accélérateur comme un éléphant pour repartir dans un broap enchanteur. Le temps de regarder le tachymètre, diantre notre GT ne marche pas si mal, et le châssis n’est pas mauvais. Sur cette ligne droite la Fiat 2300S reste assez stable malgré la vitesse. C’est évident qu’il faut la tenir, mais je ne m’attendais pas à autant de sérénité. Enfin les premiers virolos arrivent, pied sur les freins, talon pointe, je regrette mes gants de conduite… juste pour fignoler le cliché.
En entrée de courbe, l’avant est assez lourd, il ne faut pas hésiter à se comporter comme Sean Connery avec les femmes. D’une main de fer on dira. Cette Fiat nécessite d’être jetée dans la corde ! C’est musclé, mais mine de rien elle obéit, et les vitesses de passages ne sont pas dégueulasses. Point de corde passé, il faut l’aider à finir en relançant vigoureusement. Ce que le 6 en ligne n’a pas de mal à faire. Cela dit gare au dosage car le survirage guette, et ce châssis cinquantenaire ne pardonne pas grand chose. En somme, c’est l’essence même de la conduite bio. Celle qu’on recherche, qu’on aime et qui nous donne l’impression d’être vivants, alors qui finalement, on ne roule pas si vite. Malgré ces défauts tels que cette inertie, cette sensation de flottement, ces freins, je prends un pied pas possible à cravacher notre italienne à travers les bocages du bourbonnais. Bref, l’amour est dans le pré et je dois rendre les clefs.
Conclusion
Il y a des autos dont on ressort avec le sourire, d’autres avec la larme et les mains tremblantes. Cette Fiat appartient à la deuxième catégorie. Belle à souhait, dotée d’un tempérament digne des meilleures officines italiennes, elle offre en plus de ça des sensations marquantes. Une vraie GT à l’ancienne, qui file la banane en toutes circonstances, à condition de la conduire en connaissance de cause. Pour ma part cette Fiat 2300S est sans contestation mon coup de cœur 2018.
Source: www.newsdanciennes.com