Après seulement trois années, au cours desquelles Ferruccio produisit les très belles 350 GT puis 400 GT, il surprit le monde entier en présentant un autre châssis roulant innovant au Salon de l'automobile de Turin en 1965. Ce châssis constitué d'un moteur V12 compact, monté en position transversale arrière - chose alors jamais vu auparavant si ce n'est dans des voitures purement destinées à la compétition - allait révolutionner la conception des voitures de sport.
Avec ce nouveau design, Lamborghini prenait de court tous les constructeurs. Si cette conception d'avant-garde, innovante, paraissait impossible à produire en série pour les concurrents moqueurs de Ferruccio, ce qui allait devenir la Miura allait bel et bien naître, tournant au ridicule les détracteurs de la firme au taureau. Le projet a toutefois mis plusieurs mois à se mettre en place. C'est avec l'aide de Bertone et du génie de Marcello Gandini, dont le nom est indissociable du saisissant design de cette nouvelle Lamborghini que Ferruccio a pu présenter une voiture d'exposition complète et achevée au Salon de l'automobile de Genève en mars 1966.
Giugiaro ou Gandini ?
Rappelez-vous : en 1965, Giugiaro quitte Bertone et Gandini arrive. Si les deux designers étaient aussi brillants l'un que l'autre, leur entente ne fut pas idyllique. Giugiaro s'était opposé à l'arrivée du jeune Marcello en 1963. Si l'on crédite toujours Gandini pour le dessin final de la Miura, il est important de rendre à Giugiaro le crédit des premières esquisses. Qui véritablement, de l'un ou de l'autre, avait le plus influencé le design ? Qui dessina ce qui allait devenir l'un des plus beaux chez-d'oeuvre ? Difficile de répondre à cette question. Quand la question fut posée à Gandini, ce dernier l'évita, de quoi laisser planer le doute. Quoiqu'il en soit, il est certain que la forme et les traits de l'auto furent imaginés par Giugiaro au regard de ses créations de l'époque. Il suffit de jeter un coup d'oeil à la Chevrolet Corvair de 1963... Enfin, il ne fait aucun doute que les détails si caractéristiques de la Miura sont l'oeuvre de Gandini. À juste titre, attribuer la Miura à Gandini n'est pas faux, mais pas complètement vrai.
Certes, nous étions toujours en présence d'un "prototype". Ce dernier, numéroté 0509, était pourvu d'un châssis en acier de 0,8 mm avec un empattement de 2460 mm. Si le prototype fut monté avec de véritables roues à rayons Borrani, les Miura allaient toutes êtres équipées de roues Campagnolo conçues spécialement. La conception générale était toujours prévue pour le modèle de série, mais le châssis serait en acier de 0,9 mm et l'empattement un peu plus long, à 2500 mm, pour améliorer l'espace de l'habitacle pour le conducteur et le passager. Le rétroviseur intérieur de la Miura n'avait pas vraiment d'utilité. On ne pouvait y voir que la disposition des Carburateurs Triple corps Weber, ce qui n'était pas désagréable en soit, mais ne permettait pas la moindre visibilité de l'arrière.
Les clients passionnés et les concepteurs concurrents se sont tous précipités pour avoir un aperçu de cette toute nouvelle voiture de sport qui allait devenir la première "Supercar". Ferruccio Lamborghini avait l'intention de n'en construire qu'une poignée, toutes sur commande spéciale, mais la demande a vite dépassé ses espérances. Automobili Lamborghini avait encore beaucoup de travail à faire sur la Miura. Son nom, Miura, faisait référence aux féroces taureaux de combat espagnols, un surnom décent qui collait à merveille à la dernière P400.
Le premier prototype "genevois" fut doté un capot moteur en verre, mais ce dernier s'est rapidement avéré totalement inutile pour faire respirer le V12 et évacuer l'air chaud du compartiment moteur. Ils ont même fait des trous additionnels dans la vitre. Positionné à quelques centimètres du conducteur, le V12 produisait tellement de chaleur qu'il rendait insoutenable les températures dans l'habitacle. Une entrée d'air supplémentaire dans le toit fut donc ajouté pour permettre davantage d'air frais pour le conducteur et son passager. Bob Wallace a effectué la plupart des essais sur route, mais le refroidissement constituait toujours un problème sur cette voiture. Pour y remédier, Lamborghini s'est adonné à la réalisation d'un second prototype comprenant un nouveau capot moteur "Jalousie". À l'époque, l'utilisation de ces "ailettes" ou déflecteurs surnommés "Jalousie" sur une voiture était encore inconnue pourtant efficace, car l'angle permettait au conducteur d'avoir une visibilité correcte de l'arrière et d'évacuer l'air chaud du compartiment moteur. On retrouvera plus tard ce type de lunette arrière sur de nombreuses voitures, comme élément de "tuning" (Alpine, DeLorean, etc..).
Au total, Lamborghini construira trois prototypes de pré-production, numéros de châssis 0706, 0862 et 0961, avant que la première Miura ne soit livrée le 29 décembre 1966 à Lambocar, le concessionnaire milanais. Les livraisons ont commencé en 1967 pour les Miura de série dont la hauteur de toit fut augmentée de 10 mm et le planché abaissé de 10 mm dans le châssis pour en améliorer davantage le confort de l'habitacle.
Le châssis 3312 est également synonyme d'évolution majeure dans la production de la Miura : s'agissant du 125ème P400 construit, il utilisait désormais un acier de 1 mm d'épaisseur pour le châssis. Les clients se plaignaient des torsions du châssis dans certains virages. Pour y remédier les ingénieurs ont donc conçu un châssis avec une tôle plus épaisse pour en renforcer rigidité. Les premiers propriétaires ont d'ailleurs ramené leurs autos à l'usine afin d'effectuer ces modifications.
La vitesse de pointe officielle de la Lamborghini Miura originale était fixée à 280 km/h (174 Mph) tandis que le 0 à 100 km/h se faisait en 6,7 secondes (14,3 secondes pour le 0 à 100 mph). Ces performances exceptionnelles pour l'époque étaient dues au - fabuleux et ergonomique - moteur douze cylindres en V à 60° pensé par Bizzarrini. Il produisait une puissance de 350 Bhp à 7000 tr/min, le tout positionné à quelques centimètres derrière vos oreilles lorsque vous étiez assis au volant, simplement séparé par un verre Visarm spécial pour garder le bruit supportable. Ce qui ne fonctionnait pas vraiment, quant à la chaleur de l'habitacle, elle pouvait aisément devenir insupportable. Un système de climatisation fera son apparition par la suite.
Si la Miura a connu un tel succès immédiat c'est aucun doute grâce à sa carrosserie aux courbes opulentes. Certainement l'une des plus belles voitures jamais construites, la Muira exigeait toutefois une attention importante constante de la part de son heureux propriétaire. Rouler à seulement 1055 mètres de hauteur avec une garde au sol de 130 mm seulement, le trottoir devenait soudain un problème (de taille) très coûteux, de même que ces roues en magnésium, aussi splendides qu'onéreuses.
En plus d'avoir l'air rapide, la Miura pouvait se targuer de l'être. À haute vitesse, la Miura souffrait d'un soulèvement important de l'avant, alors beaucoup de propriétaires sont revenus à l'installation de spoilers bas ou de petits ailettes avant pour stabiliser l'avant.