La 968 a été fabriquée également en version Turbo (Porsche 968 Turbo S) en seulement 14 exemplaires, ce qui en fait la version la plus rare. Son moteur 4 cylindres de 3 litres issu de la 944 Turbo était équipé d'un turbo KKK qui lui permettait de développer 305cv. Finalement, la 968 sera la dernière évolution d'une histoire entamée vingt ans plus tôt avec la Porsche 924.
Légitimer l’existence des moteurs avant au travers de la course, Porsche l’a déjà souhaité avec la 924 Carrera GT. Avec la 968 Turbo S, il n’est fondamentalement pas question de cela. Les PMA vont tirer leur révérence, la succession est dans les cartons et se nomme Boxster 986. Plus qu’un cadeau d’adieu, la Turbo S était un pavé lancé dans la mare, quitte à bouleverser la hiérarchie établie…
La Porsche 968 reprit le flambeau des 924 et 944, tout en devant rester sous le positionnement GT de la 928 et de son V8. La 968, ou 924 "évolution 3" pour les médisants, aime le sport. Spécialement dans sa déclinaison Club Sport. Que dire alors de la Turbo S, assemblée à la main dans l’antre de la sorcellerie de Weissach ? Version routière de la 968 Turbo RS de compétition, la Turbo S était livrée à partir d’avril 1994 et devait être produite entre 50 et 100 exemplaires. En réalité, il n’y eut que 16 Porsche 968 turbo S fabriquées, pour 14 vendues. Un camouflet cinglant pour Porsche qui n’avait vraiment pas besoin de ça à l’époque. Les temps ont bien changé pour le constructeur à présent le plus rentable du monde. Nul doute que si cela se passait actuellement, les 100 exemplaires auraient trouvé preneurs dans un temps record. L’échec commercial de cette super 968 fut mis sur le dos d’un tarif prohibitif de 613.626 Francs, soit 2 fois et demi le prix d’une 968 CS. Quoi qu’il en soit, la 968 Turbo S a une personnalité qui lui est propre. Ses immenses jantes magnésium de 18", les ouies d’aération Naca installées sur son capot et son aileron ajustable à 14° en sont les éléments les plus représentatifs. L’intérieur ressemble pour beaucoup à celui de la CS, par rapport à laquelle Porsche annonce un gain de 20 kg. Aucune communication sur comment ils y sont parvenus mais on peut noter la présence des sièges baquets de la 993 Carrera RS 3.6L, avec leurs harnais. Stricte deux places, la Porsche 968 Turbo S n’offre à ses occupants ni rétroviseurs ni vitres électriques tandis que le verrouillage centralisé a également été mis de côté. Il ne reste donc plus que la direction assistée comme élément de confort, à moins de piocher dans le catalogue d’options.
Le moteur de la Porsche 968 Turbo S est une curiosité. Confortablement logé en position centrale avant, l’encombrant 4 pattes dissimule plusieurs secrets. De la 968 de base, il n’a de commun que le bloc en aluminium qui lui donne sa cylindrée. Même alésage, même course. Tout le reste provient en revanche de la 944 Turbo Cup. En clair, au lieu d’avoir la distribution à double arbre à came en tête, la culasse 16 soupapes et le Variocam, la 968 turbo S se contente de solutions plus simples. A cela, Porsche invoque le manque de temps pour développer une version suralimentée en partant du moteur de la 968. L'opération était en effet beaucoup plus facile (et moins coûteuse) avec une base connue et largement fiabilisée par la voie de la compétition. Rappelons en effet que les 944 Turbo Cup développaient déjà quelques 290 ch avec leur 2.5 turbo à 8 soupapes. Le 3.0 turbo conserve donc du 2.5 sa culasse à 8 soupapes, ses poussoirs hydrauliques et arbres d’équilibrage. Côté nouveautés, on peut citer les pistons, prévus pour s’adapter au taux de compression rabaissé - pour éliminer le cliquetis - à 7,5 :1 contre 10,6 sur la 951. L’intercooler est beaucoup plus large et le système d’échappement a été revu. La gestion digitale Bosch Motronic a été spécialement conçue pour ce modèle. Par voie de conséquence, la puissance maximale de la Porsche 968 turbo S est atteinte à 5.600 tr/min seulement, le 3.0 perdant donc de son caractère rageur à haut régime. Evidemment, de la hargne, il n’en manque pas à partir de 3.000 tours. Civilisée sous ce régime, l’allemande devient tout bonnement bestiale, au-delà. Le turbo KKK pressurisé à 1 bar fournit toute la fougue dont la 968 TurboS a besoin, et plus encore. Si bien que les Porsche 964 RS et Turbo sont incapables de suivre la cadence. La boîte 6 manuelle de Getrag, aux deux derniers rapports rallongés pour l’occasion, fait encore des merveilles, assurant même une consommation raisonnable sur les trajets qui ne nécessitent pas une attaque pied au plancher. Une fois le pied sur le champignon, veillez à avoir vos harnais bien serrés car les 305 chevaux et 500 Nm ne sont pas là pour décorer la fiche technique. Pendant un instant, vous pourrez vous prendre pour Felix Baumgartner. Moins de 24s pour le kilomètre départ-arrêté et moins de 5" à l’exercice du 0 à 100 km/h...
Le châssis de la Porsche 968 n’est que très peu retouché avec sa caisse autoporteuse, ici abaissée de 25 mm. Il est vrai qu’il était réputé surdimensionné face au bloc atmosphérique mais de là à l’imaginer digérer 200 Nm de plus aux seules roues arrière, c’était osé. Bien que raffermies, les suspensions de la 968 Turbo S font toujours appel à des bras McPherson et à des jambes triangulées à l’avant, contre des bras obliques et des barres de torsion transversales à l’arrière. Pour un équilibre optimal des masses, l’architecture Transaxle dispose le moteur en opposition à la boîte qui fait bloc avec l’autobloquant. Taré à 75%, il contribue à l’impressionnant comportement routier de la 968 Turbo S. Les Dunlop SP Sport 8000 fournis à l'origine, en 235/40 ZR18 à l’avant et 265/35 ZR18 à l’arrière, sont une autre arme de taille pour le pilote dans son combat pour garder la voiture sur de bons rails. Par chance, il profite d’une bonne position de conduite, en plus d’être bien enveloppé dans les baquets, plutôt confortables, utiles pour compenser la raideur de l’amortissement. Le naturel survireur d’une telle cavalerie reprend le dessus à la moindre erreur de pilotage. En prévision de quoi Porsche avait laissait un peu de sécurité à son train avant, certes excellent, afin de laisser filtrer un léger sous-virage. Méfiance à cet instant car c’est le signe annonciateur d’une rébellion du train arrière… En conduite sportive, la Porsche 968 Turbo S se cambre sous l’impulsion du turbocompresseur et le conducteur est littéralement scotché au siège. Ce n’est peut-être pas ce qu’il y a de plus noble, mais il faut bien admettre que la motorisation "turbalisée" des années 80-90 n’est pas étrangère à ce phénomène proprement jouissif. Freinage Porsche donc pas besoin d’épiloguer pendant des heures. Les étriers 4 pistons et les disques de 322 et 290 mm proviennent de la 964 Turbo 3.6, gage d’efficacité. Mordant, endurant, l’ABS Bosch se montre de surcroît peu intrusif. La Porsche 968 Turbo S est une réussite sur toute la ligne, n’en déplaise à certains ! A sa sortie, Sport Auto a opposé la 968 Turbo S à la Toyota Supra Mk4 dans un match viril et dans lequel la simplicité de la Porsche faisait plus que contester la débauche de technologie de la Toyota... plus lourde de quelques 300 kilos !
Source : https://www.automobile-sportive.com/guide/porsche/968turbos.php